Revue d'Evidence-Based Medicine



Quel schéma insulinique initial pour un diabète de type 2 ?



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 6 Page 88 - 89

Professions de santé


Analyse de
Holman RR, Thorne KI, Farmer AJ, et al; 4-T Study Group. Addition of biphasic, prandial, or basal insulin to oral therapy in type 2 diabetes. N Engl J Med 2007;357:1716-30.


Question clinique
Quels sont les schémas les plus efficaces et sûrs lors de l’ajout d’analogues de l’insuline à un traitement oral aux doses maximales tolérées de metformine et de sulfamidés hypoglycémiants chez des patients présentant un diabète de type 2 avec contrôle suboptimal ?


Conclusion
Cette étude montre que l’ajout d’analogues insuliniques à la metformine et à une sulfonylurée en cas de contrôle glycémique insuffisant, permet d’obtenir une diminution significative de l’HbA1c. Seule une minorité de patients atteignent les valeurs cibles d’HbA1c (= 6,5%) à un an. Les schémas avec les insulines biphasiques et prandiales donnent des résultats statistiquement supérieurs au schéma insuline basale, mais avec davantage d’hypoglycémies et de prise de poids ; la pertinence clinique de ces résultats reste donc à discuter. Cette étude n’apporte pas d’argument pour modifier les guides de pratique actuels qui recommandent l’administration d’une insuline NPH avant le coucher en cas de contrôle glycémique insuffisant sous antidiabétiques oraux.


 

Résumé

Contexte

Malgré une augmentation progressive de la prise d’antidiabétiques oraux (souvent en association), la plupart des patients présentant un diabète de type 2 auront besoin, tôt ou tard d’insuline, généralement en ajout au traitement oral. Aucune étude n’avait, à ce jour, évalué sur une population importante différents schémas d’analogues de l’insuline.

 

Population étudiée

  • 708 personnes âgées de plus de 18 ans (âge moyen de 61,7 (ET 9,8) ans), avec un diabète de type 2 depuis plus de 12 mois (en moyenne 9 ans) n’ayant pas encore été traitées par insuline
  • HbA1c entre 7 et 10 % (moyenne de 8,5%) depuis au moins 4 mois malgré un traitement aux doses maximales tolérées de metformine et de sulfonylurées
  • IMC < 40 (moyenne de 29,8 ± 4,6) ; en majorité de race blanche (92,2%), de sexe masculin (64,1%)
  • critères d’exclusion : insuffisance rénale, hépatopathie, complication diabétique sévère, cardiopathie significative, hypoglycémies fréquentes ou mal perçues, hypertension non contrôlée, grossesse.

 

Protocole d’étude

  • étude randomisée en protocole ouvert
  • trois groupes de traitement : insuline aspart biphasique (n=235), insuline aspart prandiale 3 fois par jour (n=239) et insuline détémir basale 1 (ou 2) fois par jour (n=234)
  • doses d’insuline adaptées suivant le contrôle glycémique
  • en cas de contrôle glycémique insuffisant (HbA1c > 10% ou 2 mesures consécutives > 8,5%), ajout d’un deuxième type d’insuline (schéma insulinique complexe) et arrêt des sulfamidés hypoglycémiants.

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : HbA1c après un an
  • critères secondaires : proportion de patients avec HbA1c  ≤ 6,5%, proportion de patients avec HbA1c  ≤ 6,5% sans hypoglycémie sévère (grade 2 ou supérieur) dans les 4 dernières semaines, fréquence d’hypoglycémies, prise de poids, profil glycémique sur 8 mesures, proportion de patients avec administration de détémir biquotidienne nécessaire, proportion de patients avec hyperglycémie non acceptable, rapport albumine/créatinine, qualité de vie.

Résultats

  • HbA1c à 1 an : 7,3% (-1,3%) dans le groupe traitement biphasique, 7,2% (-1,4%) dans le groupe traitement prandial, 7,6% (-0,8%) dans le groupe traitement basal ; p < 0,001 pour la différence entre le groupe traitement basal et respectivement les 2 autres groupes
  • proportion de patients avec une HbA1c < 6,5% : significativement plus basse (p < 0,001) dans le groupe traitement basal (8,1%) versus biphasique (17,0%) et versus prandial (23,9%) ; pas de différence significative biphasique versus prandial
  • glycémie à jeun : diminue davantage dans le groupe traitement basal et le moins dans le groupe insuline prandiale
  • glycémie post-prandiale : diminue le plus dans le groupe traitement prandial et le moins dans le groupe traitement basal
  • nombre total par an d’hypoglycémies : 12,0 dans le groupe traitement prandial, 5,7 dans le groupe traitement biphasique et 2,3 dans le groupe traitement basal
  • prise de poids : + 5,7 kg dans le groupe traitement prandial ;  + 4,7 kg dans le groupe traitement biphasique et + 1,9 kg dans le groupe traitement basal
  • autres effets indésirables : pas de différence significative entre les 3 groupes
  • qualité de vie : pas de modification significative dans les 3 groupes.

Conclusion des auteurs

L’ajout d’un analogue insulinique à longue durée d’action à un traitement par metformine et sulfamidé hypoglycémiant permet, après 1 an, d’atteindre un taux d’HbA1c ≤ 6,5% chez une minorité des patients. L’insuline aspart administrée de façon biphasique ou prandiale permet, versus insuline détémir basale, d’obtenir une diminution plus importante de l’HbA1c mais, en corollaire, avec davantage d’hypoglycémies et de prise de poids.

 

Financement

Novo Nordisk et Diabetes UK.

Conflits d’intérêt

Ll’auteur principal et 2 des 6 co-auteurs mentionnent avoir reçu des honoraires des firmes pharmaceutiques pour des recherches, des conférences et/ou des consultances.

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

La répartition de la population d’étude dans trois bras thérapeutiques est succinctement décrite ; la randomisation se fait par blocs et par centre. L’analyse des caractéristiques démographiques, anthropométriques et biologiques des patients inclus dans les trois groupes ne montre pas de différences significatives. Le type d’intervention invite à recourir à une étude ouverte : différents schémas insuliniques, différents algorithmes pour l’adaptation des doses d’insuline (publication en annexe de l’article original), adaptation des doses d’insuline en fonction du contrôle glycémique observé par le patient. En choisissant le taux d’HbA1c comme critère primaire, il est probable que l’aspect ouvert du protocole n’influence pas les résultats. L’évaluation comparative faite dans cette étude porte sur des schémas insuliniques classiques en cas de diabète de type 2 : insuline à longue durée d’action en 1 (ou 2) administration(s) par jour, mélange d’insuline (insuline biphasique) 2 x/j ou insuline à courte durée d’action 3x/j. Les auteurs ne motivent pas leur choix unique d’analogues insuliniques. L’insuline NPH reste un premier choix d’insuline en cas de diabète de type 2 (1).

 

Interprétation des résultats

La diminution du taux d’HbA1c (moyenne de 0,8-1,4%) observée dans cette étude est significative et cliniquement pertinente, en référence à l’étude UKPDS qui montre le bénéfice d’une telle réduction en termes de prévention d’événements microvasculaires. Par contre, la différence observée entre les 3 groupes, pourtant statistiquement significative paraît moins pertinente (≤ 0,5%). Une minorité seulement des patients atteignent la valeur cible de 6,5%. Une analyse du sous-groupe des patients présentant initialement un taux d’HbA1c ≤ 8,5% ne montre pas de différence entre les 3 groupes pour l’atteinte d’une HbA1c < 6,5% à un an. Cette analyse en sous-groupe n’était pas prévue dans le protocole initial et un manque de puissance pourrait provoquer l’absence de différences observées. Environ 34% des patients recevant le schéma insulinique basal ont dû recourir à une deuxième injection d’insuline détémir quotidiennement, probablement en raison du profil d’action de cette insuline, plus prolongé que celui de l’insuline NPH mais plus court que celui de l’insuline glargine. Un recours à l’addition d’un deuxième type d’insuline a également été nécessaire après 24 semaines : 4% en cas d’insuline prandiale, 9% en cas d’insuline biphasique et 18% en cas d’insuline basale. Nous pourrions en conclure que lors d’une initiation tardive d’une insulinothérapie en cas d’HbA1c > 8,5%, un schéma insulinique complexe sera souvent nécessaire pour atteindre une valeur cible d’HbA1c de 6,5%. Cette proposition sera évaluée plus avant dans la poursuite partielle (durant 2 ans) de cette étude 4T (2).

La dose totale d’insuline utilisée étant en moyenne plus élevée dans le groupe insuline prandiale, il n’est pas surprenant que le meilleur taux d’HbA1c soit atteint dans ce groupe-là, ainsi que la prise de poids la plus importante et la fréquence la plus importante d’hypoglycémies. Cette interaction entre doses d’insuline administrées, taux d’HbA1c, risque d’hypoglycémies et prise de poids est connue depuis belle lurette et dans maintes études (3,4). Il est également logique que le schéma insuline basale permette d’obtenir la glycémie à jeun la plus basse, et le schéma prandial le chiffre le moins bon.

 

Pour la pratique

La plupart des patients présentant un diabète de type 2 présentent, au fil du temps, un contrôle glycémique insuffisant malgré un respect des règles d’hygiène de vie et la prise d’antidiabétiques oraux. Comment initier une insulinothérapie en visant un effet maximal sur l’HbA1c avec un minimum d’effets indésirables, particulièrement les hypoglycémies et la prise de poids, ennuis aussi redoutés des patients que des médecins. Les guides de pratique actuels recommandent, en cas de contrôle glycémique insuffisant, d’ajouter aux antidiabétiques oraux une faible dose (10 UI) d’insuline NPH avant le coucher (5,6). L’étude analysée ici n’évalue que les analogues insuliniques et ne montre aucune différence significative entre 3 schémas insuliniques quand l’insulinothérapie est initiée à temps en cas d’HbA1c ≤ 8,5% (voir supra). Le schéma insuline basale (1 injection d’insuline à longue durée d’action) provoque le moins d’hypoglycémies, entraîne une prise de poids plus limitée et est plus facile d’emploi.

L’administration d’insuline et l’autocontrôle des glycémies n’a, dans cette étude, aucune influence péjorative sur la qualité de vie. Un algorithme permettant l’adaptation des doses d’insuline est facilement transférable dans la pratique : environ 80 à 90% des adaptations ne dépassaient pas la barrière des ±10% des doses suggérées dans le protocole. Seuls 3% des patients ont arrêté leur participation à l’étude, ce qui montre la chance importante de poursuite d’une insulinothérapie après son initiation, du moins dans le cadre d’une étude.

 

Conclusion

Cette étude montre que l’ajout d’analogues insuliniques à la metformine et à une sulfonylurée en cas de contrôle glycémique insuffisant, permet d’obtenir une diminution significative de l’HbA1c. Seule une minorité de patients atteignent les valeurs cibles d’HbA1c (≤ 6,5%) à un an. Les schémas avec les insulines biphasiques et prandiales donnent des résultats statistiquement supérieurs au schéma insuline basale, mais avec davantage d’hypoglycémies et de prise de poids ; la pertinence clinique de ces résultats reste donc à discuter. Cette étude n’apporte pas d’argument pour modifier les guides de pratique actuels qui recommandent l’administration d’une insuline NPH avant le coucher en cas de contrôle glycémique insuffisant sous antidiabétiques oraux.

 

 

Références

  1. Nobels F. Ajout d’insuline glargine ou de rosiglitazone à une association de médicaments en cas de diabète de type 2 ? MinervaF2007;6(3):36-8.
  2. McMahon GT, Dluhy RG. Intention to treat -initiating insulin and the 4-T study. N Engl J Med 2007;357:1759-61.
  3. Nathan DM, Cleary PA, Backlund JY, Genuth SM, Lachin JM, Orchard TJ, Raskin P, Zinman B; Diabetes Control and Complications Trial/Epidemiology of Diabetes Interventions and Complications (DCCT/EDIC) Study Research Group. Intensive diabetes treatment and cardiovascular disease in patients with type 1 diabetes. N Engl J Med 2005;353:2643-53.
  4. Wens J. Intensieve behandeling van diabetes type 2. Huisarts Nu (Minerva) 1999;28(3):125-6.
  5. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. Recommandations de Bonne Pratique. Diabète sucré de type 2. SSMG, 2007.
  6. Rutten GE, De Grauw WJ, Nijpels G, et al. NHG-Standaard Diabetes mellitus type 2. Huisarts Wet 2006;49:137-52.

 

 

Noms de marque 

Insuline aspart biphasique : Novo Mix 30®

Insuline aspart prandiale : Novorapid®

Insuline basale détémir : Levemir®

Quel schéma insulinique initial pour un diabète de type 2 ?

Auteurs

Van Crombrugge P.
Dienst Endocrino-diabetologie, O.L. Vrouwziekenhuis, Aalst
COI :

Glossaire

étude ouverte

Code





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