Revue d'Evidence-Based Medicine



Exénatide en ajout à un antidiabétique oral ?



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 3 Page 38 - 39

Professions de santé


Analyse de
Zinman B, Hoogwerf BJ, Duran Garcia SD, et al. The effect of adding exenatide to a thiazolidinedione in suboptimally controlled type 2 diabetes. Ann Intern Med 2007;146:477-85.


Question clinique
Quelle est l’efficacité de l’ajout d’exénatide, versus placebo, en cas de diabète de type 2 insuffisamment contrôlé sous glitazone associée ou non à de la metformine ?


Conclusion
Cette étude montre que l’administration de deux doses sous-cutanées quotidiennes d’exénatide à des patients présentant un diabète de type 2 non contrôlé par un traitement par glitazone associée ou non à de la metformine se révèle plus efficace qu’un placebo en termes de diminution de l’HbA1C et du poids. Nous ne disposons d’aucune donnée au point de vue morbimortalité avec ce nouveau médicament et les données concernant les effets indésirables sont limitées très majoritairement à du court terme. Comme le conclut une récente méta-analyse concernant les médicaments agissant par la voie de l’incrétine, la place de ce médicament dans la stratégie médicamenteuse reste à déterminer. En cas d’échec des antidiabétiques oraux pour équilibrer un diabète de type 2, l’ajout d’insuline est un traitement mieux éprouvé et recommandé, par la même voie d’administration que l’exénatide.


 

Résumé

 

Contexte

Une nouvelle classe thérapeutique a vu le jour dans le traitement du diabète. Il s’agit de médicaments agissant par la voie de l’incrétine, sécrétée par l’intestin (1) en réponse à un apport alimentaire et réglant l’homéostasie glucidique en fonction de la glycémie par une diminution de la sécrétion de glucagon et une stimulation de la sécrétion d’insuline. Cette activité est diminuée en cas de diabète de type 2. L’exénatide (analogue de l’incrétine) peut compenser ce déficit et semble améliorer le contrôle métabolique du diabète de type 2 en association avec de la metformine ou une sulfonylurée (2). Une association avec une glitazone n’avait pas encore été évaluée.

Population étudiée

  • patients âgés de 21 à 75 ans traités par ≥4 mg/j de rosiglitazone ou ≥30 mg/j de pioglitazone depuis au moins 4 mois en association ou non avec de la metformine depuis au moins 30 jours
  • avec : HbA1c entre 7,1 et 10% ; IMC entre 25 et 45 kg/m² ; poids corporel stable (≤10% de variation) durant au moins 3 mois
  • 435 patients recrutés ; 233 randomisés (âge moyen de 56 ans (ET 10)) ; 55% d’hommes
  • 21% sous glitazone seule ; 79% sous glitazone + metformine
  • critères d’exclusion : aucun n’est mentionné.

 

Protocole d’étude

  • étude randomisée, contrôlée versus placebo, en double aveugle, internationale (Espagne, Canada, E.-U.), multicentrique (49 hôpitaux ou centres de soin de première ligne)
  • période d’inclusion de 2 semaines : injection sous-cutanée d’un placebo deux fois par jour (15 minutes avant le petit-déjeuner et avant le repas du soir) au niveau abdominal
  • intervention : 1 groupe recevant de l’exénatide (n=121) 5 µg 2x/j en SC durant 4 semaines puis 10 µg 2x/j durant 12 semaines et 1 groupe recevant 2 injections SC quotidiennes d’un placebo (n=112) tout en poursuivant le traitement antidiabétique oral
  • pas d’intervention particulière sur le style de vie.

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : modification de l’HbA1c
  • critères secondaires : glycémie à jeun, glycémie postprandiale, glycémies lors de l’autocontrôle, poids, fonction cellulaire β, effets indésirables
  • intention de traiter doit être complétée par une imputation de ces résultats manquants dans les différents bras d’étude.">analyse en intention de traiter et par protocole.

Résultats

  • sorties d’étude : groupe exénatide 16% (9% pour nausées, 5% pour des vomissements), groupe placebo 2% (1% pour nausées)
  • critère primaire : HbA1c environ 1% inférieure dans le groupe exénatide (voir tableau)
  • critères secondaires : différences significatives en faveur de l’exénatide (voir tableau)
  • pas de différence pour les œdèmes et pour les hypoglycémies.

Tableau : Différences moyennes en HbA1c, glycémie à jeun, glycémie postprandiale, glycémie pour l’autocontrôle, modification de poids, exénatide versus placebo avec poursuite du traitement antidiabétique oral (glitazone avec ou sans metformine). 

 

exénatide

placebo

différence

IC à 95%

HbA1c (%)

-0,89

+0,09

-0,98

-1,21 à -0,74

Glycémie à jeun (mg/dl)

-28,62

+1,8

-30,42

-39,96 à -21,06

Glycémie postprandiale (mg/dl)

-28,44

-5,58

-22,86

-29,52 à -16,38

Glycémie pour l’autocontrôle (mg/dl)

-33,3

-2,52

-30,78

-37,62 à -23,94

Modification de poids (kg)

-1,75

-0,24

-1,51

-2,15 à -0,88

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que, chez des patients présentant un diabète de type 2 insuffisamment contrôlé par rosiglitazone ou pioglitazone, l’administration d’exénatide permet d’atteindre, versus placebo, un meilleur contrôle glycémique, une plus grande réduction du poids mais provoque plus de symptômes gastro-intestinaux.

Financement

Eli Lilly & Company, Amylin Pharmaceuticals qui ont participé activement à l’étude et à sa publication.

Conflits d’intérêt

Cinq auteurs sont des collaborateurs de la firme et les trois premiers ont reçu des honoraires d’Eli Lilly & Company.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette étude possède un protocole randomisé en double aveugle, versus placebo, correct. Les caractéristiques initiales des patients dans les deux groupes paraissent semblables (pas d’analyse statistique donnée) par exemple pour les valeurs d’HbA1c : valeur moyenne de 7,9% (ET 0,9) dans le groupe exénatide et de 7,9% (ET 0,8) dans le groupe placebo. Le protocole est cependant imprécis quant au traitement préalable du diabète. Un cinquième des patients environ est traité par une glitazone sans metformine ; il n’y a pas de dose minimale de metformine requise et celle-ci peut avoir été ajoutée récemment à la glitazone. Ce schéma ne correspond pas à la pratique habituelle en Belgique où le traitement médicamenteux est en général initié avec de la metformine avec, en cas de contrôle insuffisant, ajout d’une sulfonylurée et/ou d’une glitazone. Une comparaison de l’ajout de sulfonylurée versus ajout d’exénatide fait l’objet d’autres études. Il aurait également été plus intéressant de comparer l’ajout d’exénatide à celui d’insuline en cas de diabète de type 2 chez des patients obèses, comme dans une autre étude qui montre une non infériorité de l’exénatide par rapport à de l’insuline glargine chez des patients présentant un diabète de type 2 non équilibré sous metformine et sulfonylurée (3). Les auteurs de cette étude-ci ne mentionnent pas de critères d’exclusion de patients pour participer à l’étude. Comme une forte majorité des études concernant les traitements médicamenteux du diabète, cette étude est de durée limitée et ne porte que sur des critères intermédiaires et non sur des critères de morbimortalité qui sont, en fin de compte, ceux qui intéressent le plus le clinicien et bien sûr le patient. Les sorties d’étude sont beaucoup plus importantes dans le groupe exénatide (16%) que dans le groupe placebo (2%) entre autres à cause des nausées.

Interprétation des résultats

La différence observée pour l’HbA1c et la diminution du poids en faveur de l’exénatide nous semblent cliniquement pertinentes. La réduction de poids semble être partiellement indépendante de la survenue de nausées et est plus importante chez les patients qui présentent un IMC élevé (2). Son administration pourrait donc être envisagée chez des patients diabétiques de type 2 présentant un équilibre glycémique insuffisant malgré des mesures d’hygiène de vie et un traitement par metformine et sulfonylurée. Une méta-analyse récente de toutes les études évaluant les médicaments agissant par la voie de l’incrétine (4) insiste cependant sur l’efficacité modeste de ces médicaments par rapport à leurs effets indésirables et à leur coût, et sur la nécessité d’autres études pour déterminer la place de ces nouveaux médicaments dans notre arsenal thérapeutique médicamenteux. Nous ne disposons actuellement pas de données suffisantes pour étayer un rôle protecteur de l’exénatide sur la fonction résiduelle des cellules β chez les personnes présentant un diabète de type 2 (1).

Effets indésirables

L’exénatide présente comme effets indésirables importants, des nausées et des vomissements. La plupart des études mentionnent un taux de fréquence de nausées de plus de 50% pour les utilisateurs de ce médicament qui doit s’administrer par voie sous-cutanée comme l’insuline. Ce symptôme s’amenderait avec le temps. Cette étude-ci rapporte une fréquence de sorties d’étude de 9% suite à des nausées et de 5% suite à des vomissements avec l’exénatide. Nous ne disposons que de données d’études à forte majorité à court terme, ce qui incite à une pharmacovigilance très attentive avec ces médicaments agissant par la voie de l’incrétine (4). Une seule étude sur 3 ans est disponible ; c’est une étude ouverte et publiée sous forme d’abstract uniquement (5). La FDA a, en octobre 2007, signalé 30 cas de pancréatite observés en post commercialisation chez des patients sous exénatide. Le fabricant du médicament s’est engagé à mentionner cette observation dans la notice du médicament.

 

Conclusion

Cette étude montre que l’administration de deux doses sous-cutanées quotidiennes d’exénatide à des patients présentant un diabète de type 2 non contrôlé par un traitement par glitazone associée ou non à de la metformine se révèle plus efficace qu’un placebo en termes de diminution de l’HbA1c et du poids. Nous ne disposons d’aucune donnée au point de vue morbimortalité avec ce nouveau médicament et les données concernant les effets indésirables sont limitées très majoritairement à du court terme. Comme le conclut une récente méta-analyse concernant les médicaments agissant par la voie de l’incrétine, la place de ce médicament dans la stratégie médicamenteuse reste à déterminer. En cas d’échec des antidiabétiques oraux pour équilibrer un diabète de type 2, l’ajout d’insuline est un traitement mieux éprouvé et recommandé, par la même voie d’administration que l’exénatide.

 

Références

  1. Wajchenberg BL. Beta-cell failure in diabetes and preservation by clinical treatment. Endocr Rev 2007;28:187-218.
  2. Blonde L, Klein EJ, Han J, et al. Interim analysis of the effects of exenatide treatment on A1C, weight and cardiovascular risk factors over 82 weeks in 314 overweight patients with type 2 diabetes. Diabetes Obes Metab 2006;8:436-47.
  3. Heine RJ, Van Gaal LF, Johns D, et al; GWAA Study Group. Exenatide versus insulin glargine in patients with suboptimally controlled type 2 diabetes: a randomized trial. Ann Intern Med 2005;143:559-69.
  4. Amori RE, Lau J, Pittas AG. Efficacy and safety of incretin therapy in type 2 diabetes: systematic review and meta-analysis. JAMA 2007;298:194-206.
  5. Buse J, Macconell L, Stonehouse A, et al. Exenatide maintained glycemic control with associated weight reduction over three years in patients with type 2 diabetes. Diabetes 2007;56,(supplement 1 A73) (abstract).
Exénatide en ajout à un antidiabétique oral ?



Ajoutez un commentaire

Commentaires