Revue d'Evidence-Based Medicine



Massage cardiaque sans insufflation bouche à bouche



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 1 Page 14 - 15

Professions de santé


Analyse de
SOS-KANTO study group. Cardiopulmonary resuscitation by bystanders with chest compression only: an observational study. Lancet 2007;369:920-6.


Question clinique
Quelle est l’efficacité du massage cardiaque effectué par quiconque avec insufflation bouche à bouche versus sans, sur les conséquences neurologiques encourues chez des personnes présentant un arrêt cardiaque en dehors de l’hôpital ?


Conclusion
Cette étude d’observation confirme l’affirmation d’un intérêt égal d’une réanimation effectuée par un passant en dehors de l’hôpital sans insufflation ou avec insufflation. Elle présente des limites méthodologiques (biais de sélection possible). Les guides de pratique européens actuels recommandent, pour la réanimation, une alternance de 30 massages cardiaques et de 2 insufflations. En cas d’impossibilité ou de refus d’insufflation, l’exécution d’un massage cardiaque est, en tous cas, nécessaire.


 

Résumé

Contexte

Certains rapports mentionnent que dans au moins deux-tiers des cas d’arrêt cardiaque brutal, une réanimation cardiopulmonaire (CPR) n’est pas entreprise entre autres par crainte d’une contamination lors de l’exécution du bouche à bouche ou de la complexité de la technique enseignée. Quelques petites études ont analysé l’efficacité de la réanimation avec insufflation par le bouche à bouche versus sans.

 

Population étudiée

  • région de Kanto (Japon), durant 18 mois
  • adultes de plus de 18 ans, amenés dans 58 services d’urgence hospitaliers après réanimation en présence de témoins en dehors de l’hôpital
  • inclusion : 4 068 personnes d’un âge moyen de 68 ans (ET 55 à 80).
  • critères d’exclusion : arrêt cardiaque persistant après l’arrivée des secours, maladie terminale documentée, directive de ne pas réanimer, absence de massage cardiaque.

Protocole d’étude

  • étude d’observation, prospective, multicentrique
  • les paramédicaux concernés, lors de leur arrivée, observent, s’enquièrent de et enregistrent la technique de réanimation utilisée par l’intervenant.

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : présence d’un bon état neurologique (score 1 ou 2 sur l’échelle de Glasgow-Pittsburgh) 30 jours après l’arrêt cardiaque
  • critère secondaire : survie (score 1, 2, 3 ou 4 sur l’échelle de Glasgow-Pittsburgh) 30 jours après l’arrêt cardiaque.

Score de Glasgow-Pittsburg

Score

Status neurologique

1

normal

2

handicap léger

3

handicap sévère

4

état végétatif

5

déces

Résultats

  • 2 917 (72%) patients ne bénéficient pas d’une CPR ; 439 (11%) ne reçoivent qu’un massage cardiaque et 712 (18%) une réanimation conventionnelle (massage cardiaque + bouche à bouche)
  • status neurologique favorable à 30 jours chez davantage de personnes du groupe recevant une réanimation quelle qu’elle soit versus absence de réanimation par un passant (5,0% vs 2,2%; p<0.0001) ; pas de différence significative entre le groupe avec uniquement massage cardiaque et celui avec réanimation conventionnelle (p=0,14)
  • status neurologique significativement plus favorable dans le sous-groupe avec trouble du rythme pouvant être choqué et en cas d’initiation du massage cardiaque seul dans les 4 minutes.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’il faut préférer un massage cardiaque sans bouche à bouche chez des adultes présentant un arrêt cardiaque en dehors de l’hôpital, particulièrement en cas d’apnée, de trouble du rythme pouvant être choqué et en cas de délai court entre l’arrêt cardiaque et le début de la réanimation.

Financement

Laerdal Foundation for Acute Medicine et Ministry of Health, Labour and Welfare du Japon.

Conflits d’intérêt

Les auteurs mentionnent ne pas avoir de conflits d’intérêt.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette étude possède un protocole d’observation et non de randomisation. Un biais de sélection ne peut donc être exclu. Les auteurs signalent eux-mêmes que la qualité de la réanimation par un passant et celle des soins hospitaliers après la réanimation initiale n’est pas enregistrée. Les patients avec un arrêt cardiaque lié à une asphyxie, une noyade ou un traumatisme cérébral étaient sous-représentés. Les résultats sont donc représentatifs essentiellement de sujets ayant présenté un arrêt cardiaque de cause cardiaque. Une évolution neurologique plus favorable n’est identifiée que lors d’une analyse en sous-groupes, non identifiables par un profane, ce qui rend les observations peu utilisables dans la pratique.

Massage cardiaque uniquement ?

La question de recherche est importante. Si une réanimation sans bouche à bouche est effectivement préférable à une réanimation standard, des vies humaines pourraient être épargnées en modifiant les directives actuelles de réanimation (30 massages cardiaques pour 2 insufflations). Insuffler par la technique du bouche à bouche est difficile et, pour cette raison, mal appliqué. Pendant les essais d’insufflation, le massage cardiaque est parfois suspendu, avec un effet défavorable sur la survie. Durant les premières minutes de l’arrêt cardiaque d’origine cardiaque il y a suffisamment de réserves en oxygène dans le corps, ce qui justifie de cibler un bon massage (continu) cardiaque, sans insuffler. N’enseigner au profane que le massage cardiaque pourrait simplifier l’apprentissage de la réanimation, le raccourcir et le rendre moins onéreux. D’autre part, l’absence de ventilation pourrait avoir un effet négatif sur la survie d’enfants et de patients présentant un arrêt cardiaque sur asphyxie, noyade ou traumatisme cérébral.

Le rapport entre massages et insufflations effectués n’est pas mentionné ni enregistré. Cette donnée est pourtant essentielle dans l’interprétation des résultats. L’étude a été réalisée en 2002-2003 ; à cette époque les guides de pratique recommandaient encore un rapport de 15 massages pour 2 insufflations. Depuis 2005, les guides de pratique recommandent un rapport de 30 compressions pour 2 insufflations, en insistant fort sur la non interruption des massages pour autant que possible (1). Il est donc possible que, par rapport aux recommandations actuelles, une réanimation limitée au massage cardiaque ne présente pas d’avantage. Dans ce contexte, l’éditorial se rapportant à l’article est tendancieux, affirmant que « il est connu depuis longtemps que le massage cardiaque sans insufflation est meilleur qu’avec insufflation » et incite à recourir, sans réserve, à un massage sans insufflation dans tous les cas d’arrêt cardiaque (2).

Autres études

Un registre belge évaluant la qualité de la réanimation par les passants, a observé une survie (patient conscient 14 jours après l’arrêt cardiaque) de 16% dans le groupe « réanimation de bonne qualité », 10% en cas de massage cardiaque uniquement et 7% en l’absence d’une réanimation par les passants (3). Une étude effectuée à Seattle (E.-U.) au cours de laquelle les témoins recevaient des instructions pour la réanimation par téléphone, avec ou sans insufflations, ne montre pas de différence de survie entre les deux groupes (4). Les auteurs de cette étude SOS KANTO mentionnent aussi que les précédentes études ont une puissance insuffisante pour montrer un effet favorable d’une réanimation sans insufflation.

 

Conclusion

Cette étude d’observation confirme l’affirmation d’un intérêt égal d’une réanimation effectuée par un passant en dehors de l’hôpital sans insufflation ou avec insufflation. Elle présente des limites méthodologiques (biais de sélection possible). Les guides de pratique européens actuels recommandent, pour la réanimation, une alternance de 30 massages cardiaques et de 2 insufflations (1). En cas d’impossibilité ou de refus d’insufflation, l’exécution d’un massage cardiaque est, en tous cas, nécessaire.  

 

Références

  1. Handley AJ, Koster R, Monsieurs K, Perkins GD, Davies S, Bossaert L. European Resuscitation Council Guidelines for Resuscitation 2005 - Section 2. Adult basic life support and use of automated external defibrillators. Resuscitation 2005;67:S7-S23.
  2. Ewy GA. Cardiac arrest – guideline changes urgently needed. Lancet 2007;369:882-4.
  3. Van Hoeyweghen RJ, Bossaert LL, Mullie A, et al. Quality and efficiency of bystander CPR. Belgian Cerebral Resuscitation Study Group. Resuscitation 1993;26:47-52.
  4. Hallstrom A, Cobb L, Johnson E, Copass M. Cardiopulmonary resuscitation by chest compression alone or with mouth-to-mouth ventilation. N Engl J Med 2000;21:1546-52.
Massage cardiaque sans insufflation bouche à bouche

Auteurs

Monsieurs K.
Inwendige Ziekten - Urgentiegeneeskunde, UZ Gent
COI :

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