Revue d'Evidence-Based Medicine



En cas d’asthme léger, corticostéroïde inhalé plus bêta2-mimétique comme seul traitement et en cas de crise?



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 10 Page 158 - 159

Professions de santé


Analyse de
Papi A, Canonica GW, Maestrelli P, et al; BEST Study Group. Rescue use of beclomethasone and albuterol in a single inhaler for mild asthma. N Engl J Med 2007;356:2040-52.


Question clinique
Une association fixe de dipropionate de béclométasone avec du salbutamol est-elle plus efficace que le seul salbutamol en traitement de recours chez des patients présentant un asthme persistant léger et recevant ou non un traitement d’entretien ?


Conclusion
Cette étude montre qu’une association fixe de dipropionate de béclométasone (250µg) + salbutamol (100µg) administrée à la demande est plus efficace sur le débit expiratoire de pointe matinal que l’administration de salbutamol seul chez des personnes adultes avec un asthme persistant léger ne recevant pas de traitement d’entretien. Les limites de cette étude sont importantes et nous ne disposons d’aucune autre recherche sur ce sujet précis. Les guides de pratique actuels pour le traitement de l’asthme restent donc d’application : ils recommandent des traitements d’entretien bien suivis pour un contrôle optimal de l’asthme.


 

Résumé

Contexte

Suivant les guides de pratique GINA (1), l’emploi quotidien de corticostéroïdes inhalés est recommandé en cas d’asthme persistant léger et un β2-mimétique de courte durée d’action en cas de crise. Un doublement des doses de corticostéroïdes inhalés serait une alternative, en cas de crise, mais ce processus ne semble guère efficace (2-4). Une efficacité supérieure d’une association d’un corticostéroïde inhalé avec un β2-mimétique à courte durée d’action  versus β2-mimétique à courte durée d’action seul en cas de crise n’était pas évaluée. Nous ignorons également si un tel traitement peut remplacer un traitement d’entretien avec des corticostéroïdes inhalés.

Population étudiée

  • 455 patients âgés de 18 à 65 ans (âge moyen de 38 ans)
  • présentant un asthme persistant léger depuis au moins 6 mois
  • VEMS >75% par rapport aux valeurs prédites; au moins 12% d’amélioration en cas d’inhalation de 200 µg de salbutamol ; au moins 20% de diminution en cas de test positif à la métacholine (<1 mg)
  • VEMS moyen à 2,96 l (= 88% de la valeur prédite).

Protocole d’étude

  • étude randomisée, en double aveugle, en double placebo, multicentrique (25 centres), internationale
  • période d'inclusion de 4 semaines : tous les patients sont traités avec 250 µg de dipropionate de béclométasone (BCD) 2 x par jour et du salbutamol (S) en cas de besoin (dose par bouffée de 100 µg)
  • puis randomisation des patients avec contrôle de l’asthme au sein de 4 groupes pour une durée de 6 mois (voir tableau 1)
  • les patients mentionnent dans un journalier : le débit expiratoire de pointe matinal et vespéral, la sévérité des symptômes asthmatiques (score 0 = absence de symptômes; score 4 = symptômes durant toute la journée ou la nuit), nombre de réveils nocturnes, consommation médicamenteuse (uniquement médicaments pour les crises).

 

Le protocole précis de cette étude est : chez des patients souffrant d’asthme léger, quelle est l’efficacité d’une association fixe de propionate de béclométasone (BCD) et de salbutamol (S) (groupe 1) en cas de crise, versus usage quotidien d’un corticostéroïde inhalé soit sans (groupe 3) soit avec du salbutamol (groupe 4) et avec recours à du salbutamol en cas de crise pour ces deux groupes, ou versus salbutamol seul en cas de crise (groupe 2).

Tableau 1 : Différents bras d’étude.

Groupe

Traitement de fond 2x/j

Traitement de recours

1

Placebo

Béclométasone 250 μg + salbutamol 100 μg

2

( “contrôle”)

Placebo

Salbutamol 100 μg

3

Béclométasone 250 μg

Salbutamol 100 μg

4

Béclométasone 250 μg + salbutamol 100 μg

Salbutamol 100 μg

 

Mesure des résultats

  • critère primaire : débit expiratoire de pointe matinal en fin d’étude
  • critères secondaires : autres tests de fonction respiratoire, scores de symptômes, nombre et sévérité des exacerbations.

Résultats

  • les résultats pour le critère primaire et les principaux critères secondaires sont repris dans le tableau 2
  • crises : moins fréquentes dans le groupe 1 (0,74/patient/an), dans le groupe 3 (0,71) que dans le groupe 2 (1,63, p <0,001 pour la différence pour les groupes 1 et 3 versus 2) et dans le groupe 4 (1,76, p <0,001 pour la différence entre le groupe 1 et le groupe 3)
  • dose cumulée de BCD significativement moindre en cas de recours libre versus utilisation quotidienne de 2 doses de BCD ou de 2 doses quotidiennes de BCD + S : 18,48 ± 25,25 mg versus respectivement 76,97 ± 17,35 mg et 77,07 ± 17,55 mg (p <0,001)
  • pas de différence nette pour les effets indésirables.

Tableau 2 : Résultats pour les critères d’évaluation primaire et secondaires pour le groupe 1 versus autres groupes. 

Critère

Groupe

Différence (IC à 95%)

Valeur p

Débit expiratoire de pointe matinal

1 versus contrôle

9,47 (0,83 à 18,11)

0,03

1 versus 3

-2,49 (-11,40 à 6,42)

-

1 versus 4

-1,36 (-10,13 à7,42)

-

Fonction respiratoire

VEMS (% valeur prédite)

1 versus contrôle

3,89

0,05

1 versus 3

2,04 (-0,71 à 4,79)

-

1 versus 4

1,79 (-0,95 à 4,54)

-

Score symptômes

diurnes

1 versus contrôle

-0,28

0,11

1 versus 3

-0,03 (-0,38 à 0,32)

-

1 versus 4

-0,18 (-0,52 à 0,16)

-

 

Conclusion des auteurs

Chez des patients présentant un asthme persistant léger, le recours à une association fixe de dipropionate de béclométasone avec du salbutamol en cas de crise donne des résultats thérapeutiques équivalents à ceux obtenus par une utilisation régulière (quotidienne) de corticostéroïdes inhalés avec, en plus, du salbutamol en cas de besoin.

Financement

Chiesi Farmaceutici.

Conflits d’intérêt

Plusieurs auteurs ont reçu des honoraires pour consultance auprès de différentes firmes pharmaceutiques.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les critères d’inclusion et d’exclusion des patients sont décrits avec précision. Les patients inclus dans les quatre bras d’étude présentent des caractéristiques comparables. La randomisation est effectuée par blocs. Pour une puissance d’étude de 80%, le nombre de patients à inclure est de 552. Seuls 455 patients ont été évalués. L’observance des corticostéroïdes inhalés est d’environ 85%. L’association fixe de béclométasone avec du salbutamol n’est pas disponible en Belgique.

Signification des résultats

Pour le critère primaire, un bénéfice d’une administration à la demande d’une association fixe d’un corticostéroïde associé à du salbutamol n’est montré, versus administration à la demande de salbutamol seul, que chez des sujets qui n’ont pas de traitement d’entretien alors qu’ils ont un asthme léger persistant. Un asthme léger persistant est, par définition, symptomatique, donc « partiellement contrôlé » (ou « non contrôlé ») ce qui représente, selon les guidelines en cours (GINA), une indication d’un passage à une étape ultérieure de traitement, donc au minimum un corticostéroïde inhalé en usage d’entretien. Quel est l’intérêt clinique d’administrer un corticostéroïde (avec du salbutamol) à la demande plutôt qu’en traitement d’entretien ? Les auteurs calculent une réduction de 75% de la dose cumulée de corticostéroïdes inhalés dans le groupe 1 versus groupes 3 et 4 (traitement d’entretien avec des corticostéroïdes inhalés). Cette différence paraît importante mais ne porte que sur une période de six mois. L’importance de cette différence totale en corticostéroïdes chez des patients adultes reste à déterminer par rapport aux éventuels risques pris pour une observance d’un traitement de l’asthme qui doit être la meilleure possible. L’observance sera très probablement inférieure dans la pratique quotidienne par rapport au cadre strict d’une étude. Nous ignorons aussi  l’efficacité comparative de ces différentes stratégies à long terme. Davantage de crises d’asthme (= critère secondaire) sont observées dans le groupe bénéficiant d’un traitement d’entretien combiné et dans le groupe placebo. Cette observation est plus étonnante dans le groupe avec un traitement d’entretien. Les auteurs ne s’en expliquent pas. Ils se limitent à mentionner que la puissance de l’étude n’était pas suffisante pour une évaluation des exacerbations. Si cette étude ne peut effectivement pas apporter de renseignements fiables quant au nombre et à la gravité des exacerbations, quel enseignement clinique pouvons-nous en tirer ?

Les auteurs comparent les quantités de salbutamol utilisées “à la demande” dans les quatre groupes, ce qui constitue un reflet incomplet de la réalité. Les patients bénéficiant d’un traitement d’entretien de l’association médicamenteuse (groupe 4) consomment en effet des doses cumulatives nettement supérieures de salbutamol que ceux qui ne le prennent que comme traitement de recours. Au vu des préoccupations actuelles sur la toxicité des β2-mimétiques dans le traitement de l’asthme (sans distinction bien nette entre ceux à courte et ceux à longue durée d’action) cette question est importante. Pour les doses de propionate de béclométasone, ils tiennent, par contre, compte des quantités totales inhalées. Ils utilisent donc deux poids et deux mesures. Pour les sujets qui ont un traitement d’entretien, aucun bénéfice de l’administration d’une association fixe d’un corticostéroïde associé à du salbutamol n’est montrée.

Une autre petite étude

L’inhalation de doses inhalées élevées de budésonide à la demande est montrée efficace dans une étude incluant 225 patients adultes (18-65 ans) présentant un asthme léger (5). Le critère est, ici aussi, le débit expiratoire de pointe matinal. Les patients sont randomisés dans 3 groupes : soit comprimés placebo 2x/j + 200μg  de budésonide 2x/j, soit zafirlukast 20 mg 2x/j + comprimés placebo 2x/j, soit comprimés placebo 2x/j + placebo en inhalation 2x/j (le seul groupe avec un traitement réellement uniquement intermittent). En cas de crise, administration de 800 μg de budésonide 2x/j durant maximum 10 jours ou administration de prednisolone 0,5 mg/kg 2x/j durant maximum 5 jours. Les trois schémas thérapeutiques apportent une amélioration semblable du débit expiratoire de pointe matinal. Le groupe avec traitement réellement intermittent n’a consommé du budésonide que durant 0,5 semaine en moyenne sur toute la durée d’étude (52 semaines), mais à une dose plus élevée que dans le groupe avec traitement d’entretien. Aucune comparaison n’est faite versus β2-mimétique. Il n’y a pas d’autre étude comparant corticostéroïde inhalé (avec ou sans β2-mimétique à courte durée d’action) et β2-mimétique à courte durée d’action utilisé seul comme traitement à la demande.

 

Conclusion

Cette étude montre qu’une association fixe de dipropionate de béclométasone (250µg) + salbutamol (100µg) administrée à la demande est plus efficace sur le débit expiratoire de pointe matinal que l’administration de salbutamol seul chez des personnes adultes avec un asthme persistant léger ne recevant pas de traitement d’entretien. Les limites de cette étude sont importantes et nous ne disposons d’aucune autre recherche sur ce sujet précis.

Les guides de pratique actuels pour le traitement de l’asthme restent donc d’application : ils recommandent des traitements d’entretien bien suivis pour un contrôle optimal de l’asthme.

 

Références 

  1. http://www.ginasthma.org/Guidelineitem.asp??l1=2&l2=1&intId=60 (accessed 27.09.2007)
  2. FitzGerald JM, Becker A, Sears MR, et al; Canadian Asthma Exacerbation Study Group. Doubling the dose of budesonide versus maintenance treatment in asthma exacerbations. Thorax 2004;59:550-6.
  3. Harrison TW, Oborne J, Newton S, Tattersfield AE. Doubling the dose of inhaled corticosteroid to prevent asthma exacerbations: randomized controlled trial. Lancet 2004;363:271-5.
  4. Buffels J. Langwerkende beta-2-mimetica of hooggedoseerde inhalatiesteroïden? Huisarts Nu (Minerva) 2001;30(6):274-6.
  5. Boushey HA, Sorkness CA, King TS, et al; National Heart, Lung, and Blood Institute's Asthma Clinical Research Network. Daily versus as-needed corticosteroids for mild persistent asthma. N Engl J Med 2005;352:1519-28.
En cas d’asthme léger, corticostéroïde inhalé plus bêta2-mimétique comme seul traitement et en cas de crise?

Auteurs

Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :

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