Revue d'Evidence-Based Medicine



Contraception d’urgence : plus efficace si une provision de médicaments est délivrée ?



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 10 Page 154 - 155

Professions de santé


Analyse de
Polis CB, Schaffer K, Blanchard K, et al. Advance provision of emergency contraception for pregnancy prevention. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 2.


Question clinique
Quel est l’intérêt de fournir à des femmes une provision d’un traitement contraceptif d’urgence, en termes de fréquence de grossesses, de maladies sexuellement transmissibles et de comportement sexuel et contraceptif ?


Conclusion
Cette méta-analyse ne montre pas de bénéfice de la fourniture d’une provision d’un traitement contraceptif d’urgence versus processus habituel, en termes de prévention des grossesses non désirées. Le manque de puissance des études et les incertitudes sur le bon enregistrement de toutes les données peuvent avoir joué un rôle dans cette absence de différence observée. Le praticien en retiendra l’importance d’un counselling systématique des femmes en âge de procréer sur les possibilités d’une contraception post coïtale, disponible en pharmacie en Belgique sans ordonnance mais intégralement remboursable sur prescription pour les femmes jusqu’à l’âge de 20 ans inclus.


 

Résumé

Contexte

La prise d’une contraception d’urgence peut prévenir une grossesse non désirée suite à un rapport sexuel non protégé. L’accès à cette contraception d’urgence peut être difficile. Leur fournir une provision d’un tel traitement pourrait pallier les obstacles à son utilisation en temps adéquat.

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • CENTRAL, EMBASE, POPLINE, MEDLINE et une base de données spécialisée dans la contraception d’urgence
  • listes de références des études trouvées
  • experts.

 

Etudes sélectionnées

  • RCTs comparant la fourniture d’une provision d’une contraception d’urgence versus accès habituel (counselling avec ou sans information sur la contraception d’urgence ou fourniture d’une contraception d’urgence à la demande à l’hôpital ou à la pharmacie)
  • 8 RCTs incluses
  • recherche limitée aux publications en anglais
  • exclusion des études sans mention claire des grossesses dans les deux bras d’étude et sans renseignements plus précis obtenus de la part des auteurs. 

 

Population concernée

  • 6 389 patientes en âge de procréer, en majorité aux E.-U., ou en Chine et en Inde
  • surtout une population plus jeune ; mères adolescentes (1 étude) ; femmes en post-partum (2 études)
  • recrutées dans des centres de planning familial ou à l’hôpital
  • contraception d’urgence médicamenteuse : association estroprogestéronique (méthode Yuzpe), lévonorgestrel seul, mifépristone ; remise d’une à trois cure(s) dans le groupe « provision »
  • motifs d’exclusion dans ces études : recours à une contraception hormonale, par dispositif intra-utérin ou par implant, allaitement (1 étude).

 

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : grossesses et maladies infectieuses sexuellement transmises
  • critères secondaires : fréquence de recours à une contraception d’urgence, de rapports non protégés, de recours à une méthode contraceptive plus efficace, utilisation d’un condom, délai de prise de la contraception d’urgence après le rapport non protégé, connaissances à propos de cette contraception.
  • analyse de l’hétérogénéité (test I²), en intention de traiter, en modèle d'effets aléatoires avec analyse de sensibilité (pour les taux de sorties d’étude).

 

Résultats

Provision versus démarche conventionnelle

  • fréquence des grossesses : OR 1,00 (IC à 95% de 0,78 à 1,29) sur 12 mois de suivi ; OR 0,91 (IC à 95% de 0,69 à 1,19) sur 6 mois de suivi ; OR 0,49 (IC à 95% de 0,09 à 2,74) sur 3 mois de suivi (une étude) ; peu de modification des résultats en analyse de sensibilité des études avec un taux de sorties d’étude <20% ; pas de modification suivant le type de contraception d’urgence
  • recours à la contraception d’urgence : unique OR 2,52 (IC à 95% de 1,72 à 3,70) ; multiple OR 4,13 (IC à 95% de 1,77 à 9,63)
  • recours plus rapide : différence moyenne pondérée -14,6 heures (IC à 95% de -16,77 à -12,4)
  • en cas de grossesse suite à un rapport sans contraception : non prise d’une contraception d’urgence durant le cycle de conception : 64% dans le groupe « provision », 100% dans le groupe contrôle
  • infections sexuellement transmissibles : OR 0,99 (IC à 95% de 0,73 à 1,34)
  • augmentation relative des relations sexuelles non protégées ;  pas de modification des méthodes contraceptives
  • utilisation d’un condom semblable si recours ou non à une contraception d’urgence.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que la fourniture d’une provision d’un traitement contraceptif d’urgence ne réduit pas le taux de grossesse versus accès habituel à une contraception postcoïtale. Cette provision n’a pas d’impact négatif sur les comportements et résultats dans le domaine de la sexualité et de la procréation. Un accès aisé à une contraception d’urgence doit être possible, pouvant réduire le risque de grossesse non désirée. Les interventions évaluées sont cependant loin d’avoir réduit ce taux de grossesse dans les populations concernées.

 

Financement

Pas de sources externes ; source interne : Ibis Reproductive Health USA.

 

Conflits d'intérêt

Deux des co-auteurs sont également co-auteurs de certaines des études incluses.

 

Discussion

Contraception d’urgence

La probabilité de grossesse après un rapport sexuel est estimée à 7% sans méthode contraceptive (1). Les méthodes contraceptives d’urgence sont diverses : soit médicamenteuses (les seules évaluées ici) soit mécanique/chimique grâce à l’insertion post-coïtale d’un dispositif intra-utérin cuivré. La revue de la littérature la plus récente suggère que le régime combiné (méthode Yuzpe) réduit le risque de grossesse de 47 à 53% selon les études (2). Avec le lévonorgestrel, l’efficacité serait supérieure, de 59 à 94%, avec également moins de nausées et de vomissements (3,4) ; une autre source (1) cite un risque de grossesse de 1,66%. Les barrières connues pour le recours à ce type de contraception sont : connaissances limitées des patientes dans le domaine, un manque de counselling en routine de la part du prescripteur ou du pharmacien, la nécessité d’une prescription, la difficulté psychologique de la demander à son médecin traitant, l’absence de médecin traitant. Les femmes n‘ont également pas recours à une contraception d’urgence par manque de conscience du risque de grossesse, par crainte d’effets indésirables, par non facilité de prise.

 

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs de cette méta-analyse ont utilisé un protocole de recherche et d’analyse recommandé. Ils se sont cependant limités aux études publiées en anglais, mais ceci n’est plus considéré comme un biais important. Ils n’ont pas effectué de recherche de biais de publication par la technique du funnel plot, arguant d’un nombre trop faible d’études pour que ce test soit significatif, ce qui est exact. La qualité des études incluses est fort variable ; la plupart ont une randomisation et un secret d’attribution corrects mais c’est le taux de suivi qui varie fortement. Une analyse de sensibilité ne montre cependant pas de différence pour les études avec moins de 20% de sorties d’étude versus l’ensemble des études. La validité des mentions par les patientes d’un recours à une contraception d’urgence, de la fréquence d’un rapport non protégé et de leurs habitudes contraceptives n’est pas connue, avec absence de vérification objective (possible). La déclaration de la survenue d’une grossesse non désirée a peut-être été inférieure à la réalité dans certaines études, avec recours à un avortement dans certains cas. Les études effectuant systématiquement des tests de grossesse ne montrent cependant pas de différence pour les résultats par rapport à celles dans lesquelles les grossesses sont celles qui sont signalées par les femmes. Les groupes contrôle inclus dans les différentes études sont fort variables quant à l’intervention réalisée avec, entre autres, une information et/ou un accès rapide à une contraception d’urgence divergent(s). Seules deux études originales avaient la puissance nécessaire pour montrer une éventuelle différence entre les deux groupes dans la survenue d’une grossesse.

 

Analyse des résultats

La mauvaise utilisation de la technique peut-elle expliquer les grossesses survenues ? Peu d’études mentionnent les éléments nécessaires pour en juger. Une étude (5) montre que 17% des patientes dans le groupe « provision » prennent incorrectement la deuxième dose de lévonorgestrel pour 0% dans le groupe contrôle. Une autre étude (6) montre un usage incorrect  chez la moitié des femmes développant une grossesse malgré le recours à une contraception d’urgence. Faut-il y voir l’effet probable d’un rappel de bonne utilisation (de la part du professionnel de santé) lors du recours effectif à la contraception d’urgence ? Une meilleure connaissance théorique de la contraception d’urgence dans le groupe « provision » par rapport au groupe contrôle ne semble pas avoir été suffisante pour garantir un usage adéquat de cette contraception dans tous les cas, dans une étude (6). L’administration maintenant possible du lévonorgestrel en une seule dose (1,5 mg) devrait pallier ce problème de mauvaise prise liée à une administration en deux doses. 

La contraception d’urgence est une méthode plus efficace en termes de prévention d’une grossesse non désirée qu’un placebo, mais la discordance entre l’efficacité théorique et l’efficacité pratique d’une méthode contraceptive peut être importante : la raison de cette discordance devrait être mieux analysée. Les deux méthodes évaluées ne montrent pas de différence pour la prévention des grossesses non désirées, tout en montrant une différence pour le recours plus fréquent et plus rapide à une contraception d’urgence : ceci illustre que ces marqueurs sont peu performants pour indiquer le risque de grossesse.

 

Effets indésirables

Les effets indésirables les plus fréquents du lévonorgestrel sont des nausées, des vomissements, une perturbation fréquente mais transitoire des règles (1). Les médicaments inducteurs enzymatiques sont susceptibles de diminuer l’efficacité du lévonorgestrel.

 

Conclusion

Cette méta-analyse ne montre pas de bénéfice de la fourniture d’une provision d’un traitement contraceptif d’urgence versus processus habituel, en termes de prévention des grossesses non désirées. Le manque de puissance des études et les incertitudes sur le bon enregistrement de toutes les données peuvent avoir joué un rôle dans cette absence de différence observée. Le praticien en retiendra l’importance d’un counselling systématique des femmes en âge de procréer sur les possibilités d’une contraception post coïtale, disponible en pharmacie en Belgique sans ordonnance mais intégralement remboursable sur prescription pour les femmes jusqu’à l’âge de 20 ans inclus.

 

 

Références 

  1. Contraception postcoïtale. Idées-Forces de la Revue Prescrire. Mise à jour au n°279 (janvier 2007). Rev Prescr 2007;280:134-6.
  2. Trussell J, Ellertson C, von Hertzen H, et al. Estimating the effectiveness of emergency contraceptive pills. Contraception 2003;67:259-65.
  3. Task Force on Postovulatory Methods of Fertility Regulation. Randomised controlled trial of levonorgestrel versus the Yuzpe regimen of combined oral contraceptives for emergency contraception. Lancet 1998;352:428-33.
  4. Trussell J, Stewart F, Raymond EG. Emergency contraception: a cost-effective approach to preventing unintended pregnancy. July 2006. http://ec.princeton.edu/questions/EC-review.pdf
  5. Lo SS, Fan SY, Ho PC, Glasier AF. Effect of advanced provision of emergency contraception on women's contraceptive behaviour: a randomized controlled trial. Hum Reprod 2004;19:2404-10.
  6. Jackson RA, Schwarz EB, Freedman L, Darney P. Advance supply of emergency contraception: effect on use and usual contraception - a randomized trial. Obstet Gynecol 2003;102:8-16.

 

 

 

Noms de marque

Lévonorgestrel : Norlevo®

Mifépristone : Mifegyne® (uniquement pour usage hospitalier)

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