Revue d'Evidence-Based Medicine
Vitamine B6, B12 ou acide folique : efficace sur les capacités cognitives ?
Minerva 2007 Volume 6 Numéro 8 Page 124 - 125
Professions de santé
Résumé |
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Contexte Une homocystéinémie élevée et des taux plasmatiques en acide folique et en vitamines B6 et B12 diminués ont été mis en lien avec une moindre performance cognitive.
Méthodologie Synthèse méthodique
Sources consultées
Etudes sélectionnées
Population étudiée
Mesure des résultats L’évaluation porte sur tous les résultats pertinents en termes de capacités cognitives.
Résultats
Tableau : Résultats statistiquement significatifs (et uniquement ceux-ci) dans les différentes études avec vitamine B6, B12 et/ou acide folique sur les fonctions cognitives.
> : significativement meilleur I.M. : intramusculaire
Conclusion des auteurs Les auteurs concluent au manque de preuve d’un effet favorable d’une supplémentation en vitamine B6 ou B12 ou en acide folique sur l’évolution des capacités cognitives chez des patients avec de telles capacités initialement normales ou déficientes.
Financement National Institutes of Health (E.-U.)
Conflits d’intérêt Aucun n’est mentionné.
DiscussionConsidérations sur la méthodologie Commençons par les points forts de cette publication. Le processus de sélection peut être considéré comme sévère : sur les 6 914 études identifiées, seules 14 sont retenues pour la discussion (avec dix-huit comparaisons). Ce sont des études randomisées et contrôlées. Les auteurs optent pour en rester à une synthèse méthodique sans faire de méta-analyse. Ils n’ont, en effet, pas le choix : l’hétérogénéité clinique des études est trop importante. Celle-ci se situe dans différents domaines. L’importance du déficit cognitif s’étend sur un continuum, avec des grades allant de normal à démence. Le status vitaminique des patients n’est, en général, pas connu. Les doses de vitamines administrées, leur voie d’administration et la durée du traitement varient fortement. Les critères de jugement ne sont pas comparables. L’importance numérique variable des populations d’étude pourrait faire l’objet d’une pondération mais celle-ci a peu de sens pour toutes les raisons précédemment énumérées.
Abordons les points faibles. La qualité des mentions concernant la méthodologie dans chacune des études est quelque peu mitée. L’insu manque parfois, avec, dans ce cas, une comparaison par rapport aux valeurs initiales. Le nombre de patients recevant une vitamine B dans les différentes études est parfois particulièrement faible (minimum 7 sujets, maximum 249). Le nombre d’instruments utilisés pour l’évaluation des capacités cognitives est ingérable : plus de 35 items différents sont évalués. La durée du traitement est d’un maximum de deux ans, mais souvent moins, ce qui est trop court pour mesurer des modifications durables, par exemple avec les MMSE et ADAS-Cog. D’autre part, une mesure des capacités cognitives à court terme (semaines) chez des sujets « sains » peut être utile, mais il s’agit dans ce cas des capacités de mémorisation et non de démence. La pratique de ces tests de mémoire doit tenir compte de l’effet d’apprentissage possible.
Pertinence des résultats Les auteurs évaluent la représentativité des populations incluses. Ils estiment que celle-ci n’est représentative que dans deux des quatorze études ; une généralisation ultérieure des résultats est donc difficile. L’hétérogénéité clinique présente parmi ces études ne permet également pas d’extraire un message pratique de cette synthèse méthodique. En outre, la moitié des tests cognitifs sont favorables à l’intervention placebo plutôt qu’à l’administration de suppléments vitaminiques. Pour le clinicien, il est important de savoir lesquels, au sein de tous ces tests, évaluent le mieux les capacités de la vie quotidienne, sociales, d’autonomie, etc. Autres études La même revue publie, quasi en même temps, les résultats d’une étude effectuée par un groupe hollandais évaluant l’intérêt de l’administration quotidienne de 800 µg d’acide folique sur l’audition (1). Tous les patients (n=819, âge moyen de 60 ans) ont une fonction auditive initiale normale. L’évaluation de l’audition est une intéressante approche, un déficit de celle-ci conduisant souvent à un isolement social et entraînant aussi, à tort, une évaluation péjorative des performances cognitives. L’acide folique protège les patients inclus dans cette étude contre une détérioration de l’audition, mieux que ne le fait un placebo (p=0,02). Cette efficacité se limite aux sons de basse fréquence, ce qui peut quand même faire une différence. Une autre étude récemment publiée, FACIT (2) (Folic Acid and Carotid Intima-media Thicknesstrial), évalue l’efficacité de l’acide folique sur l’évolution de l’athérosclérose. La population d’étude (n=818) se compose d’hommes et de femmes de 60 ans d’âge moyen (50 à 70), présentant une homocystéinémie entre 13 et 26 μmol/L. Ils reçoivent 800 μg d’acide folique quotidiennement, ou un placebo, durant trois ans. Les résultats sur le critère de jugement primaire susnommé ne sont pas publiés. Par contre, l’efficacité de l’administration d’acide folique sur les capacités cognitives (critère secondaire) fait l’objet de la référence citée. La rapidité du traitement de l’information (p<0,016) et le fonctionnement cognitif global (critère composite ; p<0,033) sont significativement améliorés. Il n’y a pas de différence entre acide folique et placebo en ce qui concerne la mémorisation, les capacités sensorimotrices et la rapidité d’exécution de tâches complexes. Ces observations motivent une recherche ultérieure adoptant les capacités cognitives comme critère primaire. Nous ne savons pas si ces résultats modifieraient ceux de la synthèse méthodique ici présentée.
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Conclusion |
Cette synthèse méthodique du faible total d’études disponibles ne peut montrer d’effet favorable de l’administration de suppléments de vitamines B6 ou B12 ou d’acide folique sur les capacités cognitives de personnes âgées présentant initialement de telles capacités normales ou diminuées. La plupart des études sont petites et de courte durée. Aucune donnée quant à un effet sur l’évolution vers une démence. La prescription systématique de ces vitamines, chez des personnes âgées, à visée préventive de détérioration cognitive ou de démence ne peut donc être recommandée. |
Références
Auteurs
Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :
Glossaire
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