Revue d'Evidence-Based Medicine
Diminuer l’homocystéinémie pour réduire le risque de thromboembolie veineuse ?
Minerva 2007 Volume 6 Numéro 8 Page 122 - 123
Professions de santé
Résumé |
Contexte Des études d’observation ont montré un risque accru de thromboembolie veineuse en cas d’hyperhomocystéinémie. L‘administration de suppléments d’acide folique et de vitamines B6 et B12 réduit l’homocystéinémie, mais il n’est pas prouvé qu’elle diminue concomitamment le risque thromboembolique.
Population étudiée
Protocole d'étude
Mesure des résultats Le critère de jugement primaire est la survenue d’une thromboembolie veineuse symptomatique, c’est-à-dire de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire (ou des deux) cliniquement apparente avec confirmation par imagerie ou initiation d’un traitement anticoagulant en cas de diagnostic incertain.
Résultats
Conclusion des auteurs Les auteurs concluent qu’une diminution de l’homocystéinémie par une supplémentation en acide folique et en vitamines B6 et B12 ne réduit pas le risque de thromboembolie veineuse symptomatique.
Financement Canadian Institutes of Health Research and Jamieson Laboratories, sans intervention dans l’étude.
Conflits d’intérêt Aucun n’est déclaré.
DiscussionConsidérations sur la méthodologie Cette étude bénéficie d’un protocole correctement établi, randomisé, contrôlé, en double aveugle, multicentrique. Il s’agit d’une publication secondaire de l’étude HOPE (1) concernant le bénéfice d’un traitement médicamenteux visant à faire diminuer l’homocystéinémie, en termes de décès d’origine cardio-vasculaire, d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral (AVC). Les auteurs signalent eux-mêmes plusieurs limites pour leur recherche. Les événements thromboemboliques (ETE) ne font pas l’objet d’une adjudication centrale. Le premier enregistrement des ETE n’a lieu que 18 mois après l’enrôlement. L’existence de précédents épisodes d’ETE n’est pas connue. Il faut y ajouter une limite conceptuelle. Un taux élevé d’homocystéinémie est associé à un risque accru de thromboembolie (ou d’événement cardio-vasculaire artériel) ; un seuil précis pour une augmentation de risque substantielle n’est pas déterminé. L’intervention thérapeutique évaluée ici se déroule quelle que soit l’homocystéinémie initiale (non mesurée chez tous les participants). L’intervention vise bien à diminuer l’homocystéinémie. Une diminution, par intervention thérapeutique, de toute valeur d’homocystéinémie, sans tenir compte d’un taux initial élevé lié à une augmentation de risque, peut-elle apporter une réponse au clinicien ? La puissance de l’étude n’est pas établie en fonction du risque de TVP qui n’est qu’un critère secondaire. Un nombre peu important, surtout en fin d’étude, de dosages d’homocystéinémie sont réalisés.
Résultats Cette étude ne concerne pas spécifiquement une population à risque thromboembolique augmenté (thromboembolie récidivante par exemple) ni une population présentant une hyperhomocystéinémie. Les auteurs réalisent une analyse par quartile de valeurs d’homocystéinémie et n’observent pas de résultat favorable dans le quartile le plus élevé (dont la limite est à un seuil inférieur à celui généralement considéré comme justifiant un traitement préventif de thromboembolie veineuse, le percentile 95). A noter, dans le groupe placebo, une incidence moindre de thromboembolie dans le quartile d’homocystéinémie la plus élevée par rapport aux trois autres quartiles de ce groupe (pas d’analyse statistique mentionnée). La pauvreté des enseignements cliniques de cette publication illustre les limites de l’intérêt d’une publication secondaire. Autres études Une seule autre étude, la recherche VITRO (2) évalue l’efficacité d’un traitement visant à diminuer l’homocystéinémie en cas de premier épisode de thrombose veineuse proximale non provoquée ou d’embolie pulmonaire. Elle ne montre également pas de bénéfice de ce traitement, même en cas de taux élevés d’homocystéinémie. La publication primaire, de Lonn, concernant cette même recherche (1) ne montrait pas de réduction du risque de survenue d’événements cardio-vasculaires majeurs (décès, infarctus du myocarde) chez ces sujets à risque élevé (3). Une méta-analyse (16 958 patients), qui reprenait cette étude de Lonn (4), ne montrait également pas de bénéfice d’une supplémentation en acide folique sur la survenue d’incidents cardio-vasculaires ou sur la mortalité totale chez des sujets présentant une pathologie cardiovasculaire ou rénale initiale, avec, entre autres un risque relatif de survenue d’AVC de 0,96 (IC à 95% de 0,88 à 1,04). Une méta-analyse (16 841 patients) plus récente (5) montre, par contre, une réduction de risque de survenue d’accident vasculaire cérébral en cas d’administration d’acide folique mais à la limite de la signification statistique (RR 0,82 ; IC à 95% de 0,68 à 1,00 ; p=0,045) donc sans pertinence clinique certaine.
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Conclusion |
Cette publication secondaire de l’étude HOPE montre qu’une supplémentation en acide folique, vitamines B6 et B12, tout en diminuant l’homocystéinémie chez un échantillon de patients chez lesquels elle est mesurée, ne réduit pas le risque de survenue d’une thromboembolie veineuse chez des sujets à risque cardio-vasculaire élevé. D’autres études et méta-analyses confirment l’absence de bénéfice cardio-vasculaire apporté par ce traitement. |
Références
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