Revue d'Evidence-Based Medicine
Traitement d’une première entorse de cheville aiguë
Minerva 2007 Volume 6 Numéro 6 Page 92 - 94
Professions de santé
Résumé |
Contexte |
Les résultats de précédentes études étayent l’utilisation de traitements fonctionnels tels que bandages élastiques ou orthèses semi-rigides (brace) pour des entorses de cheville aiguës. Ces différentes techniques n’ont pas été comparées et la plupart des études ne font pas de distinction entre une première entorse de cheville et une récidive. |
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Population étudiée |
Les patients sont recrutés dans le service d’urgences de deux hôpitaux universitaires s’ils se présentent dans les premières 72 heures d’une entorse externe de la cheville. Sont également inclus des étudiants consultant un centre de santé universitaire ou un entraîneur pour le même motif. Les critères d’exclusion sont, entre autres : moins de 16 ans ou plus de 65 ans, récidive d’entorse, fracture visible à la radiographie. Ce sont finalement 212 patients qui sont inclus, d’un âge moyen de 26 à 32 ans : 30% présentent une entorse de grade I, 55% de grade II et 15% de grade III. |
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Protocole d’étude |
Après répartition en trois catégories selon la sévérité du traumatisme (Qualification de Bergfeld grade I, II et III), les patients sont inclus dans une recherche randomisée, contrôlée, dans un des groupes suivants : bandage élastique, orthèse semi-rigide, bandage élastique associé à une orthèse semi-rigide, plâtre. Tous les patients reçoivent ensuite un même programme de réhabilitation (via des instructions écrites). Ils mentionnent dans un journalier leurs évaluations sur une échelle visuelle analogique. Après six mois, ils sont revus en consultation. |
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Mesure des résultats |
Critère de jugement primaire : délai pour une reprise de la marche et d’une montée d’escalier normales (identiques à celles avant le traumatisme). Critères secondaires : délai de tolérance, sans douleur, du poids entier du corps sur la cheville lésée et reprise des activités quotidiennes et des activités sportives. Les critères tertiaires sont la rechute d’une entorse de cheville, les capacités fonctionnelles et l’amplitude des mouvements de l’articulation de la cheville six mois après le traumatisme. L’analyse est faite en intention de traiter. |
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Résultats |
En fin d’étude, les critères primaire et secondaires sont disponibles pour 172 (81%) patients et les critères tertiaires pour 130 (61%) patients. Pour les patients présentant une entorse de cheville de grade I, les patients traités par bandage élastique associé à une orthèse semi-rigide montrent un délai de reprise de la marche et de la montée d’escalier normales réduit de moitié par rapport à celui des patients n’ayant bénéficié que d’un seul des deux traitements (voir tableau). Les patients avec une entorse de cheville de grade II traités par cette association montrent également le même résultat favorable, avec un délai de guérison réduit de 40% versus mise en place d’un plâtre. Pour les patients présentant une entorse de grade III, aucune différence n’est observée pour le port d’une orthèse semi-rigide versus plâtre de marche. Pour les entorses de grade I, la reprise des activités sportives est significativement plus rapide (p=0,01) avec l’association orthèse semi-rigide et bandage élastique qu’avec le seul bandage élastique. Pour le grade II, la reprise des activités quotidiennes et des activités sportives est plus rapide sous traitement par bandage élastique ou associant celui-ci à une orthèse semi-rigide versus mise en place d’un plâtre. Après six mois, aucune différence n’est observée entre les différents traitements en termes de récidive ou d’amplitude des mouvements de l’articulation de la cheville. |
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Conclusion des auteurs |
Les auteurs concluent qu’un traitement, durant dix jours, d’une première entorse de cheville de grade I ou II par une association d’un bandage élastique et d’une orthèse semi-rigide permet une restauration fonctionnelle plus rapide que les autres traitements évalués : bandage élastique seul, orthèse semi-rigide seule, plâtre de marche. |
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Financement |
Aircast Inc. |
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Conflits d’intérêt |
Aucun n’est mentionné. |
Tableau : Critère primaire (nombre de jours nécessaire pour la reprise de la marche et d’une montée d’escalier normales) pour les différents traitements en fonction de la sévérité de l’entorse de cheville. |
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Marche |
Escalier |
Grade I |
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Bandage élastique |
11,16† |
12,05‡ |
Brace |
10.33† |
11,43‡ |
Bandage élastique + |
4,62† |
5,46‡ |
Grade II |
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Bandage élastique |
11,67 |
13,38 |
Brace |
13,38 |
16,38 |
Bandage élastique + |
10,10* |
11,72* |
Plâtre |
24.12* |
27,94* |
Grade III |
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Brace |
18,56 |
18,31 |
Plâtre |
19 |
21,08 |
† p=0,004 bandage élastique + brace versus bandage élastique et p=0,0008 pour bandage élastique + brace versus brace |
‡ p=0,008 pour bandage élastique + brace versus bandage élastique et p=0,003 pour bandage élastique + brace versus brace |
* p=0,0001 pour bandage élastique + brace versus plâtre |
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Qualification de la sévérité de l’entorse de cheville selon Bergfeld : |
Un grade I d’entorse signifie une déchirure partielle du complexe ligamentaire externe. |
Un grade II correspond à une déchirure du ligament péronéo-astragalien sans atteinte du ligament péronéo-calcanéen, ce qui entraîne perte fonctionnelle, instabilité ligamentaire partielle (signe du tiroir antérieur positif), gonflement et saignement, douleur à la pression locale. |
Un grade III est causé par une rupture complète du complexe ligamentaire externe entraînant bien sûr une instabilité marquée avec une perte fonctionnelle quasi complète, un gonflement diffus avec saignement, une douleur à la pression prononcée. |
Discussion |
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Considérations sur la méthodologie |
Cette étude comporte quelques problèmes méthodologiques. Le nombre de sujets inclus dans chaque groupe n’est pas précisé. Pour les vingt premiers patients, la présence de biais dans la répartition dans les groupes a été évaluée par deux chercheurs indépendamment l’un de l’autre en distinguant les grades I, II et III. Aucune différence n’est observée pour les résultats dans le tri, mais cette évaluation garantit-elle une distribution correcte des 200 autres patients ? Aucun intervalle de confiance n’est donné pour les résultats. Il faut aussi souligner l’absence de mention, dans cette étude au suivi de six mois, de complications possibles d’une entorse de cheville : arthrite traumatique, lésion de la gaine tendineuse des muscles péroniers, syndrome du sinus du tarse, instabilité ou syndrome de compression sous-talienne. La recherche est financée par Aircast Inc et le résumé se lit comme une annonce publicitaire pour l’Air-Stirrup, ce sème le doute quant à la fiabilité des conclusions. |
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Interprétation des résultats |
La sélection des patients est opérée dans des centres universitaires. Il s’agit également principalement de patients jeunes et dans 35 à 70% de lésions lors d’une pratique sportive. Les résultats de cette étude ne peuvent donc être extrapolés sans plus à la pratique de la médecine générale. Le fait que chaque sujet a subi une radiographie implique la non utilisation du score d’Ottawa pur la cheville, dont l’utilisation est recommandée dans plusieurs guides de pratique, dont celui de la WVVH 1, et présenté précédemment dans Minerva 2. La répartition dans trois grades de sévérité ne correspond pas à celle mentionnée dans cette recommandation de la WVVH ni dans celle du NHG-Standaard 3. Ces recommandations proposent une classification plus simple pour les praticiens : l’élongation, ne nécessitant pas de traitement spécifique, la rupture et la fracture. Dans le deuxième cas, la recommandation est un taping avec une bande non élastique ou la mise en place d’une orthèse semi-rigide. Dans le troisième cas, une immobilisation plâtrée est recommandée. Il faut souligner, dans cette étude, l’utilisation d’un matériel élastique pour réaliser le taping ; pour atteindre quelque stabilité, un matériel élastique doit être fortement tendu, ce qui provoque une pression locale importante, avec douleur également plus présente. |
L’interprétation des résultats donnée dans le résumé est pour le moins tendancieuse. Pour une entorse de grade I, le délai pour une reprise d’une marche normale serait diminué de moitié, mais la reprise des activités quotidiennes normales est possible après une semaine environ pour tous les traitements. Une reprise des activités sportives sans contrainte est possible après douze jours (bandage élastique) ou après huit jours (traitement associé). Ceci signifie un gain de 30% mais ce gain est relatif : tous les sujets sont rapidement capables de marcher normalement et de reprendre le sport. Pour le grade II, un avantage de 1,57 jour est observé pour le critère primaire grâce au traitement associé versus taping élastique mais un déficit de 2,21 jours est mentionné pour le critère secondaire (activités sportives reprises sans entrave). Pour le grade II, il est clair que l’immobilisation complète n’offre aucun avantage versus immobilisation partielle, tout en apportant plusieurs inconvénients (atrophie, perte proprioceptive, risque de thrombose veineuse profonde, conséquences économiques défavorables). |
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Autres études |
Deux synthèses Cochrane concluent qu’un traitement fonctionnel constitue la stratégie la plus favorable en cas d’entorse au niveau de la malléole externe en comparaison avec une immobilisation totale plâtrée 4,5. Il reste cependant difficile de comparer les différentes stratégies de traitements fonctionnels (taping, bandage élastique ou orthèse semi-rigide), les études étant hétérogènes et souvent de piètre qualité. Les RBPs mentionnent qu’il n’y a pas d’argument fort pour opter pour l’un ou l’autre traitement, mais que le clinicien doit se laisser guider par les facteurs ajoutés, par exemple, en cas d’allergie à la bande de taping ou de gonflement, éviter ce taping |
ConclusionCette étude montre que de jeunes patients subissant une entorse de cheville lors d’une activité sportive, retrouvent plus rapidement leurs capacités fonctionnelles originales grâce à un traitement associant une orthèse semi-rigide et un bandage élastique plutôt que l’un de ces traitements utilisé seul ou qu’une immobilisation plâtrée de dix jours. Des limites méthodologiques sont cependant présentes, ce qui n’apporte pas d’arguments en faveur d’une adaptation de la RBP de la WVVH concernant l’entorse de la cheville. Pour un grade I d’entorse (élongation), le patient observera le repos imposé par sa douleur sans traitement spécifique ; en cas de grade II (rupture partielle ou totale), un taping avec du matériel non élastique ou une orthèse est recommandé ainsi qu’une immobilisation totale en cas de grade III. |
Références
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Auteurs
Wyffels P.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :
Glossaire
Code
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