Revue d'Evidence-Based Medicine



La rosiglitazone peut-elle prévenir le diabète ?



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 6 Page 89 - 91

Professions de santé


Analyse de
The DREAM (Diabetes REduction Assessment with ramipril and rosiglitazone Medication) Trial Investigators; Gerstein HC, Yusuf S, Bosch J, et al. Effect of rosiglitazone on the frequency of diabetes in patients with impaired glucose tolerance or impaired fasting glucose: a randomised controlled trial. Lancet 2006;368:1096-105.


Question clinique
Quelle est l’efficacité de la rosiglitazone, versus placebo, sur la survenue d’un diabète sucré de type 2 chez des patients présentant une perturbation de la glycémie à jeun ou une intolérance glucidique ?


Conclusion
Cette étude montre que chez des patients obèses présentant une perturbation de la glycémie à jeun ou une intolérance glucidique, un traitement durant trois ans avec 8 mg/j de rosiglitazone peut réduire l’incidence du diabète de type 2. L’effet protecteur de la rosiglitazone ne contrebalance cependant pas l’incertitude quant à un effet protecteur persistant à long terme, le risque d’effets indésirables sévères (insuffisance cardiaque), le coût élevé et l’incertitude quant à une protection contre la survenue de complications plus tardives du diabète. En pratique, chez des patients présentant une perturbation de la glycémie à jeun ou une intolérance glucidique, la première proposition sera une restriction calorique modérée dans le cadre d’une alimentation saine, associée à une hausse modérée des activités physiques. Un traitement médicamenteux ne sera envisagé que chez les patients à haut risque d’évolution future de leur intolérance glucidique. La metformine et l’acarbose sont le premier choix en raison de leur sécurité plus importante.


 
 

Résumé

 

Contexte

Une glycémie à jeun perturbée ou une intolérance glucidique augmentent le risque de développer un diabète de type 2. L’efficacité des interventions concernant le style de vie et les médicaments (acarbose, metformine, orlistat et troglitazone) sur l’incidence du diabète dans cette population a déjà été évaluée dans différentes études 1,2.

 

 

Tableau : Les RCTs principales pour la prévention du diabète de type 2

 

 

Intervention

RRR (%)

Inclusion

Durée (années)

Population

Références

Da Qing Study

Therapeutic lifestyle change

31-46

IGT

6

577

Diabetes Care 1997;20:537-44

Finnish Diabetes Prevention Study

Therapeutic lifestyle change

58

IGT

3.2

522

N Engl J Med 2001;344:1343-50

Diabetes Prevention Program

Therapeutic lifestyle change

58

IFG/IGT

2.8

3 234

N Engl J Med 2002;346:393-403

Diabetes Prevention Program

Metformine

31

IFG/IGT

2.8

3 234

N Engl J Med 2002;346:393-403

STOP-NIDDM

Acarbose

25

IGT

3.3

1 429

Lancet 2002; 359:2072-7

XENDOS

Orlistat

37

IFG/IGT

4

3 305

Diabetes Care 2004;27:155-61

TRIPOD

Troglitazone

56

Diabète gestationnel

2.5

266

Diabetes 2002;51:2796-803

RRR= réduction relative de risque

TRIPOD=Troglitazone in Prevention of Diabetes

XENDOS=XENical in the prevention of Diabetes in Obese Subjects

 

Population étudiée

Un total de 191 centres de recherche répartis dans 21 pays a recruté 24 592 adultes ≥30 ans. Critères d’inclusion : glycémie à jeun perturbée (6,1 à 7,0 mmol/l (110 à 126 mg/dl)) et glycémie deux heures après l’administration de 75 g de glucose <11,1 mmol/l (<200 mg/dl) ou intolérance glucidique (glycémie à jeun <7,0 mmol/l (126 mg/dl) et deux heures après l’administration de 75 g de glucose ≥7,8 mmol/l et <11,1 mmol/l (≥140 et <200 mg/dl)). Les personnes ayant des antécédents de diabète sucré, d’insuffisance cardiaque ou d’intolérance aux thiazolidinediones sont exclues. L’étude inclut 5 269 personnes d’un âge moyen de 54,7 (ET 11) ans, dont 60% de femmes, avec un IMC d’environ 31 (ET 5,6). Parmi celles-ci, 57% ne présentent qu’une intolérance glucidique, 14% une perturbation de la glycémie à jeun et les autres présentent les deux perturbations.

 

Méthodologie

Après une période d’inclusion de 17 jours, les patients qui ont pris ≥80% de la médication sont randomisés, en double aveugle, dans deux groupes : un groupe intervention qui prend quotidiennement 8 mg de rosiglitazone (n=2 635) et un groupe placebo (n=2 634). Tout au long de l’étude, les participants reçoivent des informations répétées concernant une alimentation et un mode de vie sains. Les résultats d’une intervention avec administration de ramipril sont publiés ailleurs.

 

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est l’incidence de diabète sucré et de décès. Les critères de jugement secondaires : retour à une glycémie à jeun normale et à une tolérance glucidique normale, un critère de jugement composite d’événements cardio-vasculaires (infarctus du myocarde (IM), accident vasculaire cérébral (AVC), décès cardio-vasculaire, procédures de revascularisation, insuffisance cardiaque, angor de novo, arythmies ventriculaires avec réanimation), les composants individuels de ce critère de jugement composite, des événements rénaux et la glycémie. L’analyse est faite en intention de traiter.

 

Résultats

La durée médiane d’étude est de trois ans (écart de 2,5 à 4,7). Seuls 71,7% du groupe rosiglitazone et 75,1% du groupe placebo sont observants (prise ≥80% des médicaments)  à la fin de l’étude. Un nombre significativement moindre de sujets du groupe rosiglitazone atteint le critère de jugement primaire versus groupe placebo (voir tableau). Cet effet n’est influencé ni par la présence ni par l’absence d’une glycémie à jeun perturbée ou d’une intolérance glucidique en début d’étude, ni par la région habitée, ni par l’ethnie, le sexe ou l’âge. L’effet est plus important chez les personnes présentant un IMC >28 versus <28 et un rapport taille/hanches >104 versus <91,5 cm. Dans le groupe rosiglitazone, 1 330 (50,5%) personnes atteignent une normoglycémie versus 798 personnes dans le groupe placebo (HR 1,71 ; IC à 95% de 1,5 à 1,87; p<0,0001). Il n’y a pas de différence significative dans le nombre d’événements cardio-vasculaires entre le groupe rosiglitazone et le groupe placebo, sauf pour l’insuffisance cardiaque (14 patients dans le groupe rosiglitazone versus 2 dans le groupe placebo; p=0,01). La prise de poids est majorée de 2,2 kg dans le groupe rosiglitazone en comparaison avec le groupe placebo (p<0,0001) avec principalement une majoration du périmètre des hanches (p<0,0001).

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que chez des adultes présentant une glycémie à jeun perturbée ou une intolérance glucidique, l’ingestion quotidienne de 8 mg de rosiglitazone sur une période de trois ans, réduit l’incidence de diabète sucré et augmente la chance de normaliser la glycémie.

 

Financement

Canadian Institutes of Health Research, Sanofi-Aventis, GlaxoSmithKline et King Pharmaceuticals. Les sponsors faisaient partie de la commission d’experts mais n’ont pas joué de rôle dans la collecte, l’analyse et la publication des résultats.

 

Conflits d’intérêt

Plusieurs auteurs ont reçu des honoraires des firmes pharmaceutiques finançant l’étude.

 

Tableau : Résultats pour le critère de jugement primaire (diabète et décès), survenue du diabète et de décès dans le groupe rosiglitazone et dans le groupe placebo en Rapport de Hasards (HR).

 

 

Rosiglitazone

Placebo

HR (IC à 95%)

Valeur p

Critère primaire

306 (11,6%)

686 (26%)

0,40 (0,35 à 0,46)

<0,0001

Diabète

280 (10,6%)

658 (25%)

0,38 (0,33 à 0,44)

<0,0001

Décès

30 (1,1%)

33 (1,3%)

0,91 (0,55 à 1,49)

0,7

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Dans cette RCT en double aveugle, contrôlée versus placebo, c’est un critère de jugement intermédiaire, “prévention de la survenue du diabète” qui est choisi, à la place d’un critère cliniquement bien plus important “absence ou retard de la survenue de complications micro- ou macro-vasculaires”. Ce dernier critère est cependant difficile à évaluer. Toutes les études antérieures concernant ce sujet ont également fait usage de ce critère de jugement intermédiaire.

Efficacité à long terme imprécise

Cette étude confirme à nouveau le risque élevé de développer un diabète sucré de type 2 présent chez des personnes obèses qui manifestent une perturbation de la glycémie à jeun ou une intolérance glucidique : 25% sur trois ans dans le groupe placebo. L’étude DREAM montre que la rosiglitazone freine significativement l’évolution vers un diabète de type 2 dans une proportion d’environ 60%. Les auteurs estiment que par mille personnes traitées par la rosiglitazone durant trois ans, 144 ne présenteront pas de diabète, au prix de quatre à cinq insuffisances cardiaques. Il est impossible de dire si cet effet est persistant, ni à long terme (l’étude dure en moyenne trois ans), ni après l’arrêt de la médication. Impossible également de dire si ce bénéfice se traduira par une diminution des complications cardio-vasculaires, rénales, rétiniennes ou autres causées par le diabète.

Comme pour les autres glitazones, une prise de poids était attendue (environ 2 kg). Celle-ci provient en partie d’une majoration de la masse graisseuse (à hauteur des hanches et donc moins défavorable sur le plan métabolique). L’augmentation, petite mais significative, de fréquence d’insuffisance cardiaque dans le groupe rosiglitazone est 10 fois moins importante que celle de l’étude PROactive3. Les patients inclus dans l’étude  PROactive présentaient cependant un risque cardio-vasculaire nettement plus élevé que dans l’étude DREAM. Même si aucune fracture n’est mentionnée, il est important d’en parler. Un addendum de la récente étude ADOPT4 rapporte, en effet, une augmentation significative du nombre de fractures de l’humérus, de la main et du pied, mais uniquement chez des femmes. Depuis lors, un fabriquant d’une autre glitazone (la pioglitazone) a signalé un problème analogue, ce qui peut laisser présager d’un effet de classe. Des études animales suggèrent également un effet défavorable des glitazones sur le métabolisme osseux.

Il est à souligner qu’au terme de cette étude de courte durée, seuls 71,7% des sujets du groupe rosiglitazone et 75,1% de ceux du groupe placebo ont consommé au moins 80% du médicament évalué. Ceci démontre à nouveau la difficulté de motiver des personnes asymptomatiques à prendre à vie une médication préventive.

 

Autres études

La rosiglitazone peut, grâce à cette étude, rejoindre le groupe des interventions qui freinent l’évolution vers un diabète, chez des patients qui présentent une perturbation de la glycémie à jeun ou une intolérance glucidique. La réduction de risque de 60% correspond à ce qui est obtenu avec des interventions sur le style de vie 1,5. La troglitazone (depuis lors retirée du marché pour risque d’insuffisance hépatique) donne un résultat similaire à celui de cette étude 6. L’efficacité de l’acarbose (un inhibiteur des alpha-glucosidases) 2,7 et de l’orlistat (un inhibiteur des lipases)8 est plus faible que celle de la rosiglitazone. Dans la DPP 9 l’effet global avec metformine est moindre, mais cependant comparable, pour le sous-groupe des obèses, aux résultats observés dans DREAM. Parmi les interventions évaluées à ce jour, seuls le régime et les mesures de style de vie ont pu démontrer un effet protecteur qui s’est poursuivi durant quatre années après l’intervention.

 

 

Conclusion

Cette étude montre que chez des patients obèses présentant une perturbation de la glycémie à jeun ou une intolérance glucidique, un traitement durant trois ans avec 8 mg/j de rosiglitazone peut réduire l’incidence du diabète de type 2. L’effet protecteur de la rosiglitazone ne contrebalance cependant pas l’incertitude quant à un effet protecteur persistant à long terme, le risque d’effets indésirables sévères (insuffisance cardiaque), le coût élevé et l’incertitude quant à une protection contre la survenue de complications plus tardives du diabète. 

En pratique, chez des patients présentant une perturbation de la glycémie à jeun ou une intolérance glucidique, la première proposition sera une restriction calorique modérée dans le cadre d’une alimentation saine, associée à une hausse modérée des activités physiques. Un traitement médicamenteux ne sera envisagé que chez les patients à haut risque d’évolution future de leur intolérance glucidique. La metformine et l’acarbose sont le premier choix en raison de leur sécurité plus importante.

 

Références

  1. Wens J. Kan een gezonde leefstijl diabetes voorkomen? Huisarts Nu (Minerva) 2002;31(1):45-7.
  2. Vermeire E. Une stratégie pharmacologique préventive du diabète de type 2. MinervaF 2003;2(4):67-8.
  3. Dormandy JA, Charbonnel B, Eckland DJ, et al; PROactive investigators. Secondary prevention of macrovascular events in patients with type 2 diabetes in the PROactive Study (PROspective pioglitAzone Clinical Trial In macroVascular Events): a randomised controlled trial. Lancet 2005;366:1279-89.
  4. Kahn SE, Haffner SM, Heise MA, et al; ADOPT Study Group. Glycemic durability of rosiglitazone, metformin, or glyburide monotherapy. N Engl J Med 2006;355:2427-43.
  5. Lindstrom J, Ilanne-Parikka P, Peltonen M, et al; Finnish Diabetes Prevention Study Group. Sustained reduction in the incidence of type 2 diabetes by lifestyle intervention: follow-up of the Finnish Diabetes Prevention Study. Lancet 2006;368:1673-9.
  6. Knowler WC, Hamman RF, Edelstein SL, et al; Diabetes Prevention Program Research Group. Prevention of type 2 diabetes with troglitazone in the Diabetes Prevention Program. Diabetes 2005;54:1150-6.
  7. Chiasson J-L, Josse RG, Hanefeld M, et al, STOP-NIDDM Trial Research Group. Acarbose for prevention of type 2 diabetes mellitus: the STOP-NIDDM randomised trial. Lancet 2002;359:2072-7.
  8. Torgerson JS, Hauptman J, Boldrin MN, Sjostrom L. XENical in the prevention of Diabetes in Obese Subjects (XENDOS) study: a randomized study of orlistat as an adjunct to lifestyle changes for the prevention of type 2 diabetes in obese patients. Diabetes Care 2004;27:155-61.
  9. Diabetes Prevention Program Research Group. Reduction in the incidence of type 2 diabetes with lifestyle intervention or metformin. N Engl J Med 2002;346:393-403.

 

Noms de marque 

        Acarbose: Glucobay®

        Metformine: Glucophage®

        Orlistat: Xenical®

        Pioglitazone: Actos®

        Rosiglitazone: Avandia®

 

La rosiglitazone peut-elle prévenir le diabète ?

Auteurs

Van Crombrugge P.
Dienst Endocrino-diabetologie, O.L. Vrouwziekenhuis, Aalst
COI :

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