Revue d'Evidence-Based Medicine



Association de salmétérol et de fluticasone : pas de réduction de la mortalité dans la BPCO



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 6 Page 84 - 86

Professions de santé


Analyse de
Calverley PMA, Anderson JA, Celli B, et al. Salmeterol and fluticasone propionate and survival in chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2007;356:775-89.


Question clinique
Quelle est l’efficacité préventive en termes de mortalité d’un traitement associant salmétérol et fluticasone versus placebo ou versus chacun des produits en monothérapie chez des patients atteints de BPCO ?


Conclusion
L’étude TORCH ne peut montrer, chez des patients atteints de BPCO, de diminution de la mortalité par un traitement associant salmétérol et fluticasone versus placebo ou versus monothérapie avec chacun de ces médicaments. Les recommandations en cours concernant l’usage de corticostéroïdes inhalés en cas de BPCO restent donc d’actualité. Il n’y a pas d’argument pour une administration systématique, à des patients atteints de BPCO, de préparations combinées de bèta2-mimétiques et de corticostéroïdes.


 

Résumé

Contexte

Des études rétrospectives ont montré que l’usage de corticostéroïdes inhalés diminue la mortalité des patients atteints de BPCO1. Cet effet pourrait être renforcé par l’usage combiné de corticostéroïdes inhalés avec des bèta2-mimétiques à longue durée d’action²

            

Population étudiée

Un total de 444 centres répartis dans 42 pays a recruté 8 554 patients atteints de BPCO, âgés de 40 à 80 ans, fumeurs ou anciens fumeurs avec un minimum de dix années-paquets à l’anamnèse. Le diagnostic de BPCO repose sur un VEMS/CVF <0,70, sur un VEMS avant bronchodilatateur <60% de la valeur prédite et sur un accroissement du VEMS <10% de la valeur prédite après inhalation de salbutamol. Critères d’exclusion : patients présentant de l’asthme ou une autre affection pulmonaire non BPCO, usage chronique de corticostéroïdes oraux, usage des médicaments évalués dans l’étude durant les quatre semaines précédentes, exacerbation récente pour laquelle des corticostéroïdes systémiques furent nécessaires. L’étude inclut 6 184 patients d’un âge moyen de 65 ans et présentant un VEMS moyen avant bronchodilatateur de 44%. Dans l’année avant inclusion, plus de la moitié des patients avait utilisé des corticostéroïdes inhalés et/ou des bèta2-mimétiques à longue durée d’action et 57% d’entre eux avaient présenté une exacerbation.

Protocole d’étude

Après une période d’inclusion de deux semaines, les patients de cette étude randomisée et contrôlée versus placebo, en double aveugle, multicentrique, sont répartis dans quatre groupes d’étude : placebo (n=1 524), salmétérol (n=1 521), fluticasone (n=1 534) ou salmétérol + fluticasone (n=1 533). Le salmétérol 50 µg et le fluticasone 500 µg sont administrés deux fois par jour à l’aide d’un inhalateur à poudre. Les patients sont revus toutes les douze semaines pour anamnèse et examen clinique. Un examen spirométrique est effectué toutes les 24 semaines. L’étude dure 3 ans.

Mesure des résultats

Critère de jugement primaire : délai avant le décès pour quelque cause que ce soit. Critères de jugement secondaires : fréquence d’exacerbations (aggravation symptomatique de la BPCO qui entraîne l’administration d’antibiotiques, de corticostéroïdes systémiques et/ou une hospitalisation), état de santé général (St. George’s Respiratory Questionnaire (SGRQ)) et résultats de spirométrie. L’analyse est faite en intention de traiter.

 

Résultats

Parmi les 6 112 patients inclus, 875 décèdent durant cette période de trois ans. Il n’y a pas de diminution significative de la mortalité dans les trois groupes versus groupe placebo. Par contre, il y a une majoration significative de la mortalité dans le groupe fluticasone versus groupe association de salmétérol et fluticasone (voir tableau 1). Il y a un nombre significativement moindre d’exacerbations par an dans le groupe association, dans le groupe salmétérol et dans le groupe fluticasone versus groupe placebo. Pour éviter une exacerbation par an, quatre patients doivent être soignés avec l’association plutôt qu’avec un placebo (voir tableau 2). Le score SGRQ et le VEMS sont significativement mieux améliorés dans le groupe association versus autres groupes. Le risque de pneumonie est significativement plus élevé dans le groupe association (19,6%) et dans le groupe fluticasone (18,3%) que dans le groupe placebo (12,3%; p<0,001 pour la différence entre les deux groupes) et dans le groupe salmétérol (13,3%). Pas de différence entre les quatre groupes pour la survenue de fractures, d’incidents cardiaques et de cataracte.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que la diminution de la mortalité globale dans le groupe association versus les autres groupes n’est pas statistiquement significative. Par contre, pour les critères de jugement secondaires, l’avantage est statistiquement significatif.

Financement

GlaxoSmithKline

Conflits d’intérêt

Tous les auteurs ont reçu un soutien financier de plusieurs firmes pharmaceutiques dont GlaxoSmithKline. Deux collaborateurs de GlaxoSmithKline ont siégé dans le comité de direction qui a réalisé le protocole de l’étude, approuvé le plan statistique et assumé la responsabilité de cet article. Un employé de la firme finançant l’étude a effectué les analyses statistiques.

 

Tableau 1: Mortalité totale, sur trois ans, dans les groupes d’étude : Réduction Absolue de Risque(RAR) et Rapport de Hasards (HR).

  Mortalité (%) RAR (%) vs placebo HR vs placebo (IC à 95%) Valeur p HR vs association
(IC à 95%)
Valeur p
Placebo 15,2          
Association 12,6 -2,6 0,825 (0,681 à 1,002) 0,052    
Salmétérol 13,5 -1,7 0,879 (0,729 à 1,061) 0,18 1,068 (0,866 à 1,235) 0,48
Fluticasone 16,0 +0,8 1,060 (0,886 à 1,268) 0,53 1,226 (1,066 à 1,359) 0,007

 

Tableau 2 : Nombre d’exacerbations par an dans les groupes d’étude : ratio de proportions est comparable au risque relatif mais son unité est, contrairement au risque relatif, le nombre d’années-patient ou années-personne de l’observation.">Rapport de Proportions (IC à 95% et valeur p).

  Exacerbation Rapport de Proportions vs placebo (IC à 95%) Valeur p Rapport de Proportions vs association (IC à 95%) Valeur p

Placebo

1,13

       

Association

0,85

0,75 (0,69 à 0,81)

<0,001

   

Salmétérol

0,97

0,85 (0,78 à 0,93)

<0,001

1,29 (1,21 à 1,37)

<0,001

Fluticasone

0,93

0,82 (0,76 à 0,89)

<0,001

1,13 (1,02 à 1,22)

0,02

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

La méthodologie de cette étude est solide. L’analyse des résultats se fait en intention de traiter et les méthodes d’analyse ont été précisées dans le protocole initial. Les auteurs se sont basés sur les résultats de l’étude ISOLDE5 avec la fluticasone avec une mortalité dans le groupe placebo de 17% sur trois ans. Le nombre de participants nécessaire pour obtenir une puissance de 90% pour le critère de jugement primaire a été atteint. La question clinique de cette étude est indiscutablement intéressante. En effet, depuis un certain temps les guides de bonne pratique recommandent d’utiliser les corticostéroïdes inhalés chez les patients BPCO, notamment ceux qui présentent un VEMS <50% de la valeur prédite3,4 et de fréquentes exacerbations (par exemple trois sur trois ans)³. Cet avis se base sur la constatation que les corticostéroïdes diminuent le nombre d’exacerbations de façon significative chez de tels patients. Ils sont donc largement utilisés, sans preuve cependant que cet usage diminuera également la mortalité. Cette étude à long terme tente de démontrer une telle diminution, mais les auteurs, au vu des résultats d’une étude rétrospective², ont opté en première instance pour la comparaison du traitement combiné avec un placebo.

Interprétation  des  résultats

Il n’y a pas eu de diminution significative de la mortalité. Une explication possible serait le manque de puissance de l’étude, avec une mortalité plus faible que prévue comme l’illustre la mortalité dans le groupe placebo. Il est également possible qu’une partie de la population d’étude ne tire aucun profit du traitement combiné. Des patients n’ayant pas d’exacerbations durant les années précédentes sont également inclus dans cette étude. Selon les recommandations GOLD, la survenue d’exacerbations est un critère pour l’indication d’un traitement par corticostéroïdes inhalés3. Par ailleurs, des résultats d’études antérieures y trouvent une confirmation. Il y a une amélioration statistiquement significative de la qualité de vie pour tous les traitements actifs (à l’exception du salmétérol seul) en comparaison avec le placebo. La pertinence clinique d’une diminution de 1,2 jusqu’à 3,1 points sur les 100 points que compte le score SGRQ peut cependant être mise en doute.                

L’augmentation significative de la fréquence de pneumonie dans les groupes fluticasone versus placebo demande une évaluation complémentaire6.

Autres études

Une méta-analyse récente montre qu’un traitement avec des corticostéroïdes inhalés réduit significativement, versus placebo, le nombre d’exacerbations7. Dans l’étude de Calverley et coll., le nombre d’exacerbations (modérées à sévères regroupées) est significativement abaissé et la diminution du VEMS est moindre dans les groupes avec médicaments actifs versus groupe placebo. La pertinence clinique de cette dernière diminution du VEMS peut également être mise en question. Une analyse en sous-groupes apprend que les décès liés à la BPCO ne surviennent pas plus fréquemment dans le groupe placebo que dans les groupes soignés avec des produits actifs. Ajoutons qu’il n’y a pas eu de différences significatives de fréquence d’autres effets indésirables, y compris les accidents cardio-vasculaires dans les groupes qui ont reçu du salmétérol. Ceci est en contradiction avec les constatations de la méta-analyse de Salpeter et coll.8,9 qui met en question la sécurité des bèta2-mimétiques à longue durée d’action.

 

Références

  1. Sin DD, Wu L, Anderson JA, et al. Inhaled corticosteroids and mortality in chronic obstructive pulmonary disease. Thorax 2005;60:992-7.
  2. Soriano JB, Vestbo J, Pride NB, et al. Survival in COPD patients after regular use of fluticasone propionate and salmeterol in general practice. Eur Respir J 2002;20:819-25
  3. http://www.goldcopd.com
  4. National Institute of Clinical Excellence. Chronic obstructive pulmonary disease. Management of chronic obstructive pulmonary disease in adults in primary and secondary care. NICE 2004. http://guidance.nice.org.uk/CG12
  5. Burge PS, Calverley PM, Jones PW, et al. Randomised, double blind, placebo controlled study of fluticasone propionate in patients with moderate to severe chronic obstructive pulmonary disease: the ISOLDE trial. BMJ 2000;320:1297-303.
  6. Rabe KF. Treating COPD – The TORCH trial, p values, and the dodo. N Engl J Med 2007;356:851-4.
  7. Gartlehner G, Hansen RR, Carson SS, Lohr KN. Efficacy and safety of inhaled corticosteroids in patients with COPD: a systematic review and meta-analysis of health outcomes. Ann Fam Med 2006;4:253-62.
  8. Salpeter SR, Ormiston TM, Salpeter EE. Cardiovascular effects of beta-agonists in patients with asthma and COPD: a meta-analysis. Chest 2004;125:2309-21.
  9. Salpeter SR, Buckley NS, Salpeter EE. Meta-analysis: anticholinergics, but not beta-agonists reduce severe exacerbations and respiratory mortality in COPD. J Gen Intern Med 2006;21:1011-9.
Association de salmétérol et de fluticasone : pas de réduction de la mortalité dans la BPCO



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