Revue d'Evidence-Based Medicine



Vaccin anticoquelucheux pour les adolescents et les adultes



Minerva 2006 Volume 5 Numéro 10 Page 158 - 160

Professions de santé


Analyse de
Ward JI, Cherry JD, Chang Sj et al. Efficacy of an acellular pertussis vaccine among adolescents and adults. N Engl J Med 2005;353:1555-63.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité du vaccin anticoquelucheux acellulaire chez les adolescents et les adultes ? Quels sont le tableau clinique et l’épidémiologie de la coqueluche dans ces tranches d’âge ?


Conclusion
Cette étude montre une efficacité suffisante d’un vaccin anticoquelucheux acellulaire chez les adolescents et chez les adultes. Elle ne permet pas de conclusions dans la détermination de groupes cibles ni pour le délai optimal de revaccination. En théorie, ce sont les personnes en contact avec les nouveau-nés qui constituent le groupe cible de cette vaccination de rappel.


 

Résumé

Contexte

Pour les enfants, jusqu’à leurs six ans accomplis, le vaccin utilisé en routine comprend des toxines diphtériques et tétaniques et des extraits acellulaires contre la coqueluche (en lieu et place du précédent vaccin cellulaire). Ce vaccin combiné semble efficace et sûr. En raison d’une diminution de l’immunité, une augmentation de l’incidence de coqueluche est à nouveau observée chez les adolescents et les adultes. Poser le diagnostic (tant clinique que microbiologique ou sérologique) d’une infection à Bordetella pertussis est difficile, ce qui entraîne un déficit d’enregistrement des cas. Cette affection n’est sévère et parfois fatale que chez les nourrissons n’ayant pas encore reçu deux doses du vaccin 1.

Population étudiée

Huit centres situés aux E.-U. ont recruté 2 781 personnes saines âgées de 15 à 65 ans, avec un âge moyen de 34,8 ans, dont 67% de femmes et 32% de travailleurs de la santé. Les critères d’exclusion sont : déficience immunitaire, affections chroniques, coqueluche ou vaccination contre la coqueluche dans les cinq dernières années, immunoglobulines ou produits sanguins reçus dans les trois derniers mois, traitement antibiotique récent par érythromycine ou apparenté, réactions d’hypersensibilité à de précédents vaccins.

Protocole d’étude

Dans cette étude multicentrique, randomisée, en double aveugle, contrôlée, les patients reçoivent soit un vaccin anticoquelucheux acellulaire (n=1 391) soit un vaccin contre l’hépatite A (n=1 390), les deux étant administrés une seule fois en intramusculaire. Les effets indésirables et la fièvre sont enregistrés dans un journalier durant les quatorze jours suivant la vaccination. Les titres sérologiques sont déterminés avant, un mois et un an après la vaccination. Durant 2,5 ans les participants sont contactés tous les deux mois par téléphone afin d’enregistrer tout épisode de maladie accompagné de toux. Chacun de ces épisodes d’une durée supérieure à cinq jours est évalué au point de vue clinique, sérologique et microbiologique (culture et PCR sur prélèvement nasal).

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est l’efficacité du vaccin en termes de prévention de la coqueluche. Une infection coquelucheuse est définie comme étant un épisode infectieux avec toux traînante (>5 jours) survenu au moins un mois après la vaccination et confirmé par une sérologie ou une microbiologie positive dans les quatorze jours suivant le début de l’épisode de maladie. La sécurité du vaccin et l’incidence de coqueluche sont également évaluées.

Résultats

Le suivi moyen est de 22 mois. Aucune différence n’est observée entre les deux groupes pour ce qui concerne l’incidence des épisodes de maladie accompagnés d’une toux >5 jours. Un total de 2 672 épisodes d’une durée moyenne de 24 jours est observé, soit 0,63 épisode/année-patient. Dix épisodes, dont neuf dans le groupe contrôle, correspondent à la définition fixée de coqueluche. L’efficacité du vaccin est de 89% (IC à 95% de 19 à 99) et 92% (32 à 99) après correction pour la durée de l’épisode de maladie. En comparaison avec d’autres épisodes de maladie associés à une toux prolongée, la coqueluche est plus fréquente chez les participants plus jeunes (p=0,027), la toux y est plus prolongée (p<0,001) et s’accompagne moins souvent de fièvre (p=0,047). Sur base des neuf cas de coqueluche observés pour un total de 2 444 années-patients dans le groupe contrôle, l’incidence est de 370 cas pour 100 000 personnes par an. Aucun effet indésirable sérieux (cancer, hospitalisation ou décès) ou malformation néonatale n’a été attribué au vaccin anticoquelucheux.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le vaccin anticoquelucheux est efficace chez les adolescents et les adultes et prétendent que son utilisation en routine pourrait réduire l’incidence de coqueluche et sa transmission aux enfants.

Financement

GlaxoSmithKline.

Conflits d’intérêt

Certains auteurs ont reçu des dédommagements de GlaxoSmithKline et de Sanofi Pasteur.

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette RCT est correctement réalisée mais mérite cependant quelques remarques. En raison des difficultés du diagnostic de coqueluche, tant clinique que microbiologique, cette étude montre une incidence basse de cas symptomatiques de coqueluche certifiés, ce qui entraîne de larges intervalles de confiance. Les chiffres d’incidence qui en résultent pour la population globale présentent les mêmes limites. Suivant les critères diagnostiques, les chiffres varient de 370 cas de coqueluche symptomatique par 100 000 personnes par an à 450 cas dans cette étude. D’autres études évoquent des chiffres de 150 à 507 cas/100 000/an dans la tranche d’âge de 10 à 49 ans avec une grande différence d’année en année d’âge 2. En tenant compte d’une efficacité ici montrée de 92% (IC à 95% de 32 à 99), le NNV est de 294 (IC à 95% de 845 à 273) pour une incidence de 370/100 000/an. L’incidence la plus élevée est actuellement observée chez les adolescents (1 202 cas typiques de coqueluche/100 000/an 3). Des données non publiées issues de cette étude montreraient que les infections asymptomatiques (limitées à une séroconversion) sont 5 à 10 fois plus fréquentes que les épisodes symptomatiques. L’efficacité du vaccin contre ces infections asymptomatiques n’est pas mentionnée.

Une autre limite de cette étude est la différence d’âge importante (de 15 à 65 ans) pour laquelle les auteurs tentent de tirer des conclusions. A ce jour, aucune étude n’a inclus des personnes d’au moins 65 ans. Le suivi est limité à 2,5 ans (22 mois en moyenne), ce qui ne permet pas, sur base de cette étude, de déterminer le délai pour une revaccination. Des études chez les enfants montrent que l’immunité devient insuffisante six ans après la vaccination de base (3 doses) 3. Les effets indésirables ne sont pas abordés dans cette étude. Une absence de différence entre les groupes n’est mentionnée que pour les complications sévères et aucun effet indésirable n’est attribué au vaccin anticoquelucheux. Un suivi post-marketing de longue durée est donc indiqué.

Importance de la vaccination chez les adultes

Le vaccin anticoquelucheux acellulaire utilisé dans cette étude contient un tiers de la dose utilisée pour de jeunes enfants. Ce nouveau type de vaccin remplace l’ancien vaccin «whole cell» qui s’était montré insuffisamment efficace chez les adultes et provoquait trop d’effets indésirables. Le vaccin acellulaire ici évalué n’est disponible qu’en association avec des toxines tétaniques et diphtériques pour une vaccination de rappel (Boostrix®). A ce jour, aucune étude évaluant ce vaccin chez des adultes n’a été publiée, mais, par contre, chez l’enfant, il se révèle suffisamment immunogène et efficace 1. Le vaccin diminue la sévérité de l’infection et donc aussi sa contagiosité, sans cependant pouvoir réduire celle-ci à néant 3. Le rôle principal du vaccin pourrait être, principalement, de protéger les personnes les plus faibles en contact avec les malades éventuels. Une élimination totale de la coqueluche par une immunisation soutenue n’est cependant pas possible 3. L’utilité d’une revaccination chez les adolescents prête à discussion. C’est dans ce groupe que l’incidence de coqueluche est la plus élevée 1,3 et la vaccination pourrait contribuer à faire chuter l’incidence de cas typiques de coqueluche de 26%. Par contre, dans cette tranche d’âge, l’infection est gênante mais non à pronostic vital et, en cas de vaccination massive à cet âge, le nombre de cas de coqueluche augmentera légèrement dans les tranches d’âge plus élevé. Le Conseil Supérieur d’Hygiène 4 et le CDC 1 recommandent actuellement, en plus de la vaccination de base existant pour les jeunes enfants, une revaccination avec le nouveau type de vaccin anticoquelucheux pour les adolescents comme pour les personnes au contact des nouveau-nés.

 

Conclusion

Cette étude montre une efficacité suffisante d’un vaccin anticoquelucheux acellulaire chez les adolescents et chez les adultes. Elle ne permet pas de conclusions dans la détermination de groupes cibles ni pour le délai optimal de revaccination. En théorie, ce sont les personnes en contact avec les nouveau-nés qui constituent le groupe cible de cette vaccination de rappel.

 

Références

  1. Broder KR, Cortese MM, Iskander JK et al. Preventing tetanus, diphtheria, and pertussis among adolescents: use of tetanus toxoid, reduced diphtheria toxoid and acellular pertussis vaccines. Recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP). MMWR Recomm Rep 2006;55:1-34.
  2. Strebel P, Nordin J, Edwards K et al. Population-based incidence of pertussis among adolescents and adults, Minnesota, 1995-1996. J Infect Dis 2001;183:1353-9.
  3. Van Rie A, Hethcote HW. Adolescent and adult pertussis vaccination: computer simulations of five new strategies. Vaccine 2004;22:3154-65.
  4. Conseil Supérieur d'Hygiène.
Vaccin anticoquelucheux pour les adolescents et les adultes

Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

Glossaire

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