Revue d'Evidence-Based Medicine



L’estimation du NST : pièges



Minerva 2013 Volume 12 Numéro 9 Page 116 - 116

Professions de santé


 


Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone

 

 

Anzueto et coll., auteurs d’une RCT (1) évaluant l’intérêt de l’association fluticasone + salmétérol versus salmétérol seul durant 52 semaines chez des patients présentant une BPCO, concluent au bénéfice de l’ajout d’un corticostéroïde inhalé (CSI) en termes de réduction des exacerbations, avec un NST de 2. Sur les mêmes chiffres d’étude, un résultat corrigé (2) montre que le bénéfice de l’ajout d’un CSI est plus faible : NST en fait de 14. D’où provient l’erreur des auteurs de l’article original ?

Le NST (Nombre de Sujets à Traiter, Number Needed to Treat, NNT, en anglais) représente le nombre de personnes à traiter pendant une période déterminée (celle de l’étude) pour éviter un cas supplémentaire pour le critère de jugement considéré. C’est en fait la différence pour le nombre de personnes à traiter entre le groupe avec intervention (dans l’étude d’Anzueto, salmétérol + fluticasone) et le groupe contrôle (dans l’étude d’Anzueto, salmétérol seul) pour l’incidence cumulée du critère de jugement considéré sur une période de suivi déterminée.

Dans l’étude d’Anzueto, l’incidence des exacerbations est de 1,59 par patient et par année dans le groupe salmétérol seul et de 1,10 dans le groupe fluticasone + salmétérol. Le NST calculé par les auteurs est de 1/(1,59 - 1,10) soit 2,04 arrondi à 2. Dans l’étude TORCH (3) que nous avions analysée dans la revue Minerva (4), évaluant aussi l’association salmétérol + fluticasone chez des patients souffrant de BPCO versus salmétérol mais sur une période de 3 ans, le NST calculé par les auteurs est de 1/(1,13 – 0,85) = 3,6 arrondi à 4 sur un an.

Ces 2 chiffres de NST sont inexacts parce que la durée de suivi n’est pas d’un an (ou 3 ans) pour tous les patients et aussi parce que plusieurs évènements du même critère de jugement (par exemple des exacerbations) peuvent être pris en compte pour le même patient.

Ces NST prennent en considération les évènements et non les patients (avec au moins 1 événement).

Une première correction possible est de corriger les données pour la plus petite unité de temps mesurable dans l’étude, c’est-à-dire par jour (ou par heure).

Dans l’étude d’Anzueto, l’incidence d’exacerbation par patient et par jour est respectivement de 0,0030 et à 0,0044, ce qui correspond à un NST « instantané par jour» de 714. Dans l’étude TORCH, les chiffres sont de 0,0031 et 0,0023 soit un NST « instantané par jour » de 1250.

Ce NST, s’il est exact, a finalement peu d’intérêt parce qu’il ne peut pas être simplement divisé par un certain nombre de jours (30 jours par ex) pour donner un NST sur une période plus longue (1 mois par exemple). Cette correction est toujours basée sur les évènements et non sur les patients.
Il est plus utile (et plus exact en cas d’évènements multiples enregistrés pour un même patient) de convertir les NST basés sur les seules données du nombre d’évènements, en NST basés sur les données pour un type d’évènement par patient. Il est possible d’avoir recours à des calculs complexes, dont la fiabilité est douteuse en cas de distribution des évènements en dehors de certaines lois (Poisson) ou, de préférence, de se baser sur les résultats donnés sur les courbes de Kaplan-Meier du délai de la première exacerbation pour chaque patient (2).

Dans l’étude d’Anzueto, l’incidence cumulée suivant Kaplan-Meier est respectivement de 0,60 et 0,67, soit un NST de 14 (versus 2 calculé par les auteurs).

Dans l’étude TORCH, absence de graphique de Kaplan-Meier ; un calcul (probablement biaisé) donne un NST de 44 sur 3 ans (versus 4 en calcul NST évènement).

Dans l’étude INSPIRE (6) sur 2 ans, également analysée dans la revue Minerva (7), le NST est de 83.

 

Comme nous l’avons précédemment décrit dans la revue Minerva (5), il faut également tenir compte des Nombres Nécessaires pour Nuire (NNN) de ce traitement pour pouvoir tirer des conclusions cliniques. Dans le cas des corticostéroïdes inhalés dans la BPCO, il s’agit entre autres du risque de pneumonie.

En calculant de la même façon par incidence cumulée par patient et non par incidence d’évènement, le NNN de pneumonie est de 20 dans l’étude d’Anzueto et de 16 dans l’étude TORCH. Dans l’étude INSPIRE, le NNN est de 22.

En considérant les NST et NNN corrects (incidence cumulée, données par patient) par étude, nous constatons ainsi pour les comparaisons fluticasone + salmétérol versus salmétérol seul :

 

étude

durée

NST exacerbation

données/patient

NNN pneumonie

TORCH (3)

3 ans

44

16

INSPIRE (6)

2 ans

83

22

ANZUETO et coll. (1)

1 an

14

20

 

Pour les études à plus long terme (TORCH, INSPIRE), le risque de pneumonie est plus élevé que le bénéfice en termes de diminution du nombre de patients avec au moins une exacerbation en moins.

 

 

 

Références

  1. Anzueto A, Ferguson GT, Feldman G, et al. Effect of fluticasone propionate/salmeterol (250/50) on COPD exacerbations and impact on patient outcomes. COPD 2009;6:320-9.
  2. Suissa S. Number needed to treat in COPD: exacerbations versus pneumonias. Thorax 2013;68:540-3.
  3. Calverley PM, Anderson JA, Celli B, et al. Salmeterol and fluticasone propionate and survival in chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2007;356:775-89.
  4. Sturtewagen J-P. Association de salmétérol et de fluticasone : pas de réduction de la mortalité dans la BPCO. MinervaF 2007;6(6):84-6.
  5. Chevalier P. Nombre de sujets à traiter. MinervaF 2009;8(2):24.
  6. Wedzicha JA, Calverley PM, Seemungal TA, et al; INSPIRE Investigators. The prevention of chronic obstructive pulmonary disease exacerbations by salmeterol/fluticasone propionate or tiotropium bromide. Am J Respir Crit Care Med 2008;177:19-26.
  7. Chevalier P. BPCO : LABA + corticostéroïde inhalé ou tiotropium ? MinervaF 2008;7(3):36-7.
L’estimation du NST : pièges



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