Revue d'Evidence-Based Medicine



Les corticostéroïdes inhalés réduisent-ils la mortalité en cas de BPCO ?



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 1 Page 13 - 14

Professions de santé


Analyse de
Sin DD, Wu L, Anderson JA et al. Inhaled corticosteroids and mortality in chronic obstructive pulmonary disease. Thorax 2005;60:992-7.


Question clinique
Quel est l’effet, sur la mortalité, de l’administration de corticostéroïdes inhalés chez des patients présentant une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), versus placebo ?


Conclusion
Cette méta-analyse montre que l’administration de corticostéroïdes inhalés à des patients présentant un stade sévère ou très sévère de BPCO (VEMs < 50% de la valeur prédite) peut réduire les décès. D’importantes limites méthodologiques sont cependant présentes. La recommandation actuelle de limiter l’administration de corticostéroïdes inhalés aux patients symptomatiques, de classe 3 ou 4 et présentant de fréquentes exacerbations ne doit donc pas être modifiée. Des études ultérieures préciseront si des corticostéroïdes inhalés doivent être prescrits à tous les patients présentant une BPCO de classe 3 ou 4 suivant GOLD.


 

Résumé

Contexte

Différentes études incluant une large population et évaluant le traitement de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) semblent montrer que les corticostéroïdes inhalés réduisent la fréquence des exacerbations et améliorent la qualité de vie en relation avec cette pathologie en cas de BPCO sévère ou très sévère (classes GOLD 3 et 4) 1-7. Ces corticostéroïdes ne semblent cependant pas ralentir la dégradation de la fonction respiratoire ni avoir un effet sur la mortalité.

Méthodologie

Méta-analyse.

Sources consultées

La stratégie de recherche n’est pas décrite.

Etudes sélectionnées

Toutes les études randomisées, contrôlées, concernant des patients avec BPCO stable et recevant durant au moins douze mois des corticostéroïdes inhalés, versus placebo, ont été prises en considération. Sept RCTs ont été incluses.

Population concernée

Un total de 5 085 patients, d’un âge moyen de 59,0 (ET 9,3) ans (71% d’hommes) est inclus dans l’analyse. La vitesse expiratoire maximale par seconde (VEMs) post bronchodilatateur est de 58,4% (ET 19,5) de la valeur prédite. Parmi les participants, 9% appartiennent à la classe GOLD 4, 28% à la classe 3, 49% à la classe 2 et 15% à la classe 1. A l’inclusion, 69% sont fumeurs. Des corticostéroïdes inhalés sont administrés à 2 543 patients, un placebo à 2 542 patients.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est l’effet sur la mortalité globale. L’analyse se base sur les données individuelles de patients et est faite en intention de traiter. Des analyses en sous-groupes sont faites sur base de l’âge, du sexe, du VEMs post bronchodilatateur et du tabagisme.

Résultats

Sur un suivi moyen de 26 (ET 15) mois, 201 décès (4% de la population totale) sont constatés. Versus placebo, le risque de décès est moindre dans le groupe corticostéroïdes inhalés (rapport de hasards désigne le risque relatif de survenue d’un résultat dans une analyse réalisée à l’aide du modèle de régression de Cox. Il s’agit d’un risque relatif « instantané » tenant compte de la durée de présence dans l’étude.">HR 0,75 ; IC à 95% de 0,57 à 0,99). Les analyses en sous-groupes montrent un effet plus important chez les femmes (HR 0,46 ; IC à 95% de 0,24 à 0,91), chez les ex-fumeurs (HR 0,60 ; IC à 95% de 0,39 à 0,93) et chez les sujets avec un VEMs post bronchodilatation <60% (HR 0,67 ; IC à 95% de 0,48 à 0,94). Pour les hommes et pour les fumeurs actifs, les différences ne sont pas statistiquement significatives. L’effet des corticostéroïdes inhalés sur la mortalité n’est également pas significatif en cas de BPCO légère et modérée (classes GOLD 1 et 2), mais, au contraire, favorable en cas de BPCO sévère et très sévère (classes GOLD 3 et 4) : RR 0,66 ; IC à 95% de 0,45 à 0,96.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que les corticostéroïdes inhalés réduisent la mortalité globale en cas de BPCO. D’autres études sont nécessaires pour évaluer si cet effet se maintient au-delà de 2 à 3 ans.

Financement

Michael Smith/St Paul’s Hospital Foundation for Health Research et une Canada Research Chair.

Conflits d’intérêt

Cinq parmi les 14 auteurs ont reçu des honoraires pour des conférences ou pour des recherches, de la part de GlaxoSmithKline et/ou d’AstraZeneca. Deux autres auteurs sont ou étaient employés par GlaxoSmithKline et deux auteurs font partie de son conseil d’avis. Un auteur est au service d’AstraZeneca.

 

Discussion

Méthodologie

Cette étude est la première qui, après sommation des données de précédentes études, arrive à une conclusion divergente, c’est-à-dire qui conclut que les corticostéroïdes inhalés durant douze mois ont un effet favorable sur la mortalité globale des patients présentant une BPCO. Les auteurs calculent une réduction relative de risque en faveur des corticostéroïdes inhalés d’environ 25% versus placebo. Cette réduction est du même ordre que celle du risque d’ischémie coronarienne obtenue avec les statines 8. Dans leur discussion, les auteurs soulignent cependant que leurs observations doivent être interprétées avec la prudence nécessaire. Aucune des études originales n’avait la mortalité comme critère de jugement et cinq des sept études ne rapportent aucun chiffre de mortalité pour ce qui concerne les patients quittant prématurément l’étude. Ce nombre de patients quittant précocement la recherche est important : en moyenne de 27% dans le groupe principe actif, et de 37% dans le groupe placebo9. L’élaboration de cette méta-analyse n’est pas limpide. La stratégie de recherche n’est pas décrite et aucune mention n’est faite des effets indésirables. Seules des réductions relatives de risque sont mentionnées, pas des valeurs absolues. Le calcul d’un NST est pourtant important pour pouvoir tirer des conclusions pour la pratique, d’autant plus pour des affections chroniques à haute prévalence. Les analyses en sous-groupes appellent également quelques réserves : une différence statistiquement significative n’est observée pour aucun critère. Le bénéfice possible pour les femmes ou les ex-fumeurs par rapport aux hommes ou aux fumeurs reste hypothétique. Il faut également noter que la réduction relative de risque pour les décès d’origine cardiovasculaire et respiratoire est, dans cette étude, moins importante que celle des décès liés à d’autres causes, dont le cancer. Les auteurs n’y trouvent pas d’explication plausible.

Pour la pratique

Le guide de pratique GOLD recommande de limiter l’utilisation des corticostéroïdes inhalés en cas de BPCO uniquement aux patients symptomatiques répondant aux critères des stades sévères et très sévères de la maladie et présentant des exacerbations fréquentes 10. Cette méta-analyse n’apporte pas d’argument encourageant la prescription de corticostéroïdes inhalés en cas de BPCO légère ou modérée. D’autres études devront préciser si ces médicaments doivent être prescrits systématiquement à tous les patients aux stades 3 et 4. Pour tous les patients BPCO, à tout stade de cette maladie, l’arrêt du tabagisme est bénéfique.

Conclusion

Cette méta-analyse montre que l’administration de corticostéroïdes inhalés à des patients présentant un stade sévère ou très sévère de BPCO (VEMs < 50% de la valeur prédite) peut réduire les décès. D’importantes limites méthodologiques sont cependant présentes. La recommandation actuelle de limiter l’administration de corticostéroïdes inhalés aux patients symptomatiques, de classe 3 ou 4 et présentant de fréquentes exacerbations ne doit donc pas être modifiée. Des études ultérieures préciseront si des corticostéroïdes inhalés doivent être prescrits à tous les patients présentant une BPCO de classe 3 ou 4 suivant GOLD.

 

Références

  1. Lung Health Study Research Group. Effect of inhaled triamcinolone on the decline in pulmonary function in chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2000;343:1902-9.
  2. Vestbo J, Srensen T, Lange P et al. Long-term effect of inhaled budesonide in mild and moderate chronic obstructive pulmonary disease: a randomised controlled trial. Lancet 1999;353:1819-23.
  3. Burge PS, Calverley PM, Jones PW et al. Randomised, double blind, placebo controlled study of fluticasone propionate in patients with moderate to severe chronic obstructive pulmonary disease: the ISOLDE trial. BMJ 2000;320:1297-303.
  4. Pauwels RA, Lofdahl CG, Laitinen LA et al. Long-term treatment with inhaled budesonide in persons with mild chronic obstructive pulmonary disease who continue smoking. N Engl J Med 1999;340:1948-53.
  5. Calverley PM, Pauwels R, Vestbo J et al. Combined salmeterol and fluticasone in the treatment of chronic obstructive pulmonary disease: randomised controlled trial. Lancet 2003;361:449-56.
  6. Szafranski W, Cukier A, Ramirez A et al. Efficacy and safety of budesonide/formoterol in the management of chronic obstructive pulmonary disease. Eur Respir J 2003;21:74-81.
  7. Calverley PM, Boonsawat W, Cseke Z et al. Maintenance therapy with budesonide and formoterol in chronic obstructive pulmonary disease. Eur Respir J 2003;22:912-8.
  8. Ebrahim S, Smith GD, McCabe C et al. What role for statins? A review and economic model. Health Technol Assess 1999;3(19):i-iv, 1-91.
  9. Decramer M, Gosselink R, Rutten-Van Mölken M et al. Assessment of progression of COPD: report of a workshop held in Leuven, 11-12 March 2004. Thorax 2005;60:335-42.
  10. Pauwels R, Anthonisen N, Bailey W et al. GOLD Executive Summary. Update 2005. www.goldcopd.com.
Les corticostéroïdes inhalés réduisent-ils la mortalité en cas de BPCO ?

Auteurs

Buffels J.
huisarts, Academisch Centrum voor Huisartsgeneeskunde, KU Leuven
COI :

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