Revue d'Evidence-Based Medicine



Deux vaccins contre le rotavirus



Minerva 2006 Volume 5 Numéro 9 Page 132 - 134

Professions de santé


Analyse de
1. Vesikari T, Matson DO, Dennehy P et al. Safety and efficacy of a pentavalent human bovine (WC3) reassortant rotavirus vaccine. N Engl J Med 2006;354:23-33. 2. Ruiz-Palacios GM, Pérez-Schael I, Velazquez R et al. Safety and efficacy of an attenuated vaccine against severe rotavirus gastroenteritis. N Engl J Med 2006;354:11-22.


Question clinique
1. Quelles sont l’efficacité et la sécurité d’un vaccin vivant oral pentavalent d’origine bovine contre le rotavirus (RotaTeq®) chez des bébés âgés de six à douze semaines? 2. Quelles sont l’efficacité et la sécurité d’un vaccin oral, vivant atténué, monovalent, d’origine humaine (Rotarix®) chez des bébés âgés de six à treize semaines?


Conclusion
Ces études montrent que deux nouveaux vaccins contre le rotavirus sont sûrs et efficaces dans la prévention d’infections à rotavirus sévères quand ils sont administrés à des nourrissons âgés de six à douze semaines. Nous disposons de trop peu de données concernant la sécurité de ces vaccins en cas d’administration de la première dose à des bébés de plus de trois mois et pour les enfants immuno-compromis. Un suivi rigoureux de l’efficacité et de la sécurité à plus long terme est indispensable.


 

Résumé

Contexte

Les infections à rotavirus sont très contagieuses et provoquent, de par le monde, des épidémies annuelles. Elles provoquent vomissements et diarrhée pouvant conduire à une déshydratation rapide pour les bébés. A l’âge de cinq ans, pratiquement chaque enfant a connu un épisode de gastro-entérite à rotavirus et un sur 65 a dû être hospitalisé pour ce motif 1. Les rotavirus ressemblent à ceux de l’influenza: différents sous-types circulent et varient d’année en année et d’une région à l’autre (climat tempéré versus tropical). L’immunité contre ce virus se construit lors des contacts répétés avec les différents sous-types: la première infection est la plus sévère et apporte une protection partielle contre les infections suivantes, quel que soit le sérotype en cause 2. Un vaccin précédemment mis au point (en 1998) a été retiré du commerce en raison du risque accru d’invagination intestinale et d’autres effets indésirables.

 

1. Vesikari T, Matson DO, Dennehy P et al. Safety and efficacy of a pentavalent human bovine (WC3) reassortant rotavirus vaccine. N Engl J Med 2006;354:23-33.

 

Question clinique

Quelles sont l’efficacité et la sécurité d’un vaccin oral, vivant atténué, monovalent, d’origine humaine (Rotarix®) chez des bébés âgés de six à treize semaines?

Population étudiée

Ont été recrutés des enfants sains âgés de six à douze semaines. Les enfants ayant récemment (< 42 jours) reçu un vaccin contre la poliomyélite ont été exclus. Finalement, 70 301 enfants âgés en moyenne de dix semaines ont été inclus dans l’étude (51% de garçons et 69% de race blanche).

Protocole d’étude

Cette étude clinique, randomisée, en double aveugle, contrôlée versus placebo, s’est déroulée dans onze pays de 2001 à 2004. A un intervalle de quatre à dix semaines, 34 644 enfants reçoivent à trois reprises un vaccin oral, vivant, pentavalent (G1, G2, G3, G4, P[8]) contre le rotavirus et 34 630 enfants se voient administrer un placebo. Tous les enfants ont été suivis aux jours 7, 14 et 42 après chaque dose administrée et toutes les six semaines durant l’année suivant la première dose, avec une attention particulière pour les effets indésirables sévères et les invaginations intestinales.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est l’incidence d’invagination intestinale et les autres effets indésirables sévères. Le nombre d’hospitalisations et de consultations dans un service d’urgence pour gastro-entérite aiguë a également été évalué (analyse par protocole).

Résultats

Il n’y a pas de différence d’incidence d’invagination intestinale entre le groupe vacciné et le groupe placebo, ni durant les 42 jours après chaque vaccination (6 vs 5; RR 1,6; IC à 95% de 0,4 à 6,4), ni durant l’année suivant la première administration (12 vs 15; RR 0,8; IC à 95% de 0,3 à 1,8). Pas de différence non plus pour les autres effets indésirables sévères (2,4% vs 2,5%). De la fièvre, des vomissements, de la diarrhée surviennent pareillement dans les deux groupes, durant les 42 jours après chaque administration. Le vaccin réduit le nombre d’hospitalisations et de consultations dans un service d’urgence motivées par une infection à rotavirus de 94,5% (IC à 95% de 91,2 à 96,6). L’efficacité durant une durée complète d’une épidémie est de 74% (IC à 95% de 66,8 à 79,9) pour les infections à rotavirus contenus dans le vaccin et de 98% (IC à 95% de 88,3 à 100) pour les infections sévères à rotavirus contenus dans le vaccin (analyse par protocole). Lors d’une deuxième saison d’infection à rotavirus, l’efficacité dans ces situations respectives est de 62,6% (IC à 95% de 44,3 à 75.4) et de 88% (IC à 95% de 49,4 à 98,7). Une analyse en intention de traiter montre une efficacité de 60% (IC à 95% de 51,5 à 67,1) pour la gastro-entérite à rotavirus contenus dans le vaccin.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le vaccin pentavalent contre le rotavirus est efficace dans la prévention des gastro-entérites à rotavirus surtout si elles sont sévères. Aucune augmentation de l’incidence d’invagination intestinale n’est observée.

Financement

Non mentionné.

 

Conflits d’intérêt

La plupart des auteurs ont reçu un soutien financier de Merck et/ou GlaxoSmithKline Biologicals. Deux auteurs sont co-propriétaires du brevet du RotaTeq®.

 

2. Ruiz-Palacios GM, Pérez-Schael I, Velazquez R et al. Safety and efficacy of an attenuated vaccine against severe rotavirus gastroenteritis. N Engl J Med 2006;354:11-22.

 

Question clinique

Quelles sont l’efficacité et la sécurité d’un vaccin oral, vivant atténué, monovalent, d’origine humaine (Rotarix®) chez des bébés âgés de six à treize semaines?

Population étudiée

Cette étude inclut 63 225 enfants sains, d’un âge moyen d’environ huit semaines (51% de garçons, 81% d’hispaniques, 11% de race blanche). Aucun critère d’exclusion n’est fixé.

Protocole d’étude

Cette étude randomisée, en double aveugle, contrôlée versus placebo s’est déroulée dans douze pays de 2003 à 2004. Avec un intervalle de deux mois, 31 673 enfants reçoivent à deux reprises une dose d’un vaccin oral, vivant atténué, monovalent (G1, P[8]) contre le rotavirus et 31 552 enfants se voient administrer un placebo.

Mesure des résultats

Pour la sécurité, le critère de jugement primaire est l’incidence d’invagination intestinale durant les 31 jours après chaque dose de vaccin, et le critère secondaire la survenue d’effets indésirables sévères durant la durée totale d’étude. Pour juger de l’efficacité, le critère primaire est la survenue d’une gastro-entérite à rotavirus, sévère, jusqu’à l’âge d’un an. Le nombre d’hospitalisations motivées par une gastro-entérite à rotavirus et l’efficacité en termes de prévention d’infections à rotavirus (sévères) par les souches spécifiques du vaccin sont également évalués en analyse par protocole.

Résultats

Il n’y a pas de différence quant au nombre d’invaginations intestinales entre les groupes vaccin et placebo, ni dans les 31 jours après chaque vaccination (6 vs 7; RR 0,85; IC à 95% de 0,30 à 2,42), ni durant l’année après la première vaccination (9 vs 16; RR 0,56; IC à 95% de 0,25 à 1,24). Les effets indésirables sévères, incluant invagination intestinale mais aussi vomissements et diarrhée sévères, déshydratation, choc hypovolémique, hospitalisation et décès, sont moins fréquents dans le groupe vacciné (RR 0,88; IC à 95% de 0,81 à 0,96). Le vaccin diminue le nombre de gastro-entérites sévères à rotavirus et le nombre d’hospitalisations pour infections à rotavirus respectivement de 84,7% (IC à 95% de 71,7 à 92,4) et 85% (IC à 95% de 69.6 à 93,5). L’efficacité, après un an, pour ce qui concerne les infections à rotavirus spécifique du vaccin est de 91,8% (IC à 95% de 74,1 à 98,4) et pour les infections sévères liées au rotavirus spécifique de 90,8% (IC à 95% de 70,5 à 98). Aucune efficacité n’est montrée contre le type G2P[4], mais bien contre les types G3P[8], G4P[8] et G9P[8].

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le vaccin monovalent contre le rotavirus est efficace en prévention de la gastro-entérite à rotavirus. Aucune augmentation de l’incidence d’invagination intestinale n’est observée.

Financement

GlaxoSmithKline Biologicals.

Conflits d’intérêt

La plupart des auteurs ont reçu un soutien financier de Merck et/ou de GlaxoSmithKline Biologicals.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les deux RCTs sont correctement exécutées et incluent un nombre suffisant de participants; peu de remarques donc à faire au niveau méthodologie. Certaines peuvent cependant être faites. L’étude de Vesikari et coll. se déroule, en majorité, dans des pays (dont la Belgique) à climat tempéré, tandis que l’étude de Ruiz-Palacios et coll. a lieu dans des pays à climat plutôt tropical (Amérique Centrale et du Sud, avec la Finlande comme exception). D’autres sérotypes circulent dans ces pays à climat tropical. Dans les pays en voie de développement (particulièrement en Afrique Centrale et en Inde), la mortalité liée à une gastro-entérite aiguë à rotavirus est plus élevée (82% de l’ensemble des infections à rotavirus) 1. En Belgique, cette mortalité est quasi nulle chez les enfants. Seule l’étude de Ruiz-Palacios et coll. ne montre pas de différence au point de vue mortalité (incidence de 2/1 000). Les avantages d’un vaccin se situent, dans la situation belge, surtout au niveau d’une diminution de la morbidité, des hospitalisations et de l’absentéisme des parents. Il est donc probablement d’un rapport coût/efficacité acceptable. Les petites différences au point de vue efficacité sont probablement imputables aux différences existant entre les populations d’étude et les définitions d’infections sévères. Le suivi est, dans les deux études, relativement court, d’un an environ. Vesikari et coll. montrent, dans un sous-groupe soumis à une deuxième épidémie à rotavirus, une efficacité diminuée pour toutes les infections à rotavirus, quelle qu’en soit la sévérité.

Différences entre les vaccins

Les deux vaccins évalués sont des vaccins vivants à administrer soit deux fois soit trois fois à partir de l’âge de six semaines et avec un délai d’au moins un mois entre les administrations. Le vaccin pentavalent est un virus d’origine bovine sur lequel cinq génotypes de rotavirus humain (G1, G2, G3, G4, P[8]) sont insérés. Ces sérotypes circulent actuellement surtout (> 90%) dans les pays à climat tempéré. Ce vaccin est moins immunogène et davantage dépendant du type de virus infectant que le vaccin monovalent. L’efficacité du vaccin pentavalent contre d’autres sérotypes que ceux qu’il contient, par exemple contre le sérotype G9 circulant en Belgique est probablement faible. Le vaccin monovalent est une souche virale humaine affaiblie (G1P[8]). C’est le sérotype de rotavirus le plus fréquent parmi ceux qui circulent dans les pays à climat tempéré (exception faite de la saison 2002-2003). Ce vaccin se multiplie dans l’intestin, ce qui en permet une administration moins fréquente et offre une protection croisée pour d’autres sérotypes 3. Ruiz-Palacios et coll. mentionnent une efficacité de 84,7% (IC à 95% de 71,7 à 92,4) pour les infections à rotavirus sévères quel que soit le sérotype. Ce vaccin n’est cependant pas très efficace contre le sérotype G2P[4].

Les rotavirus circulants peuvent rapidement changer de sérotype; à l’avenir, avec l’influence complémentaire d’une vaccination maximale, l’évolution de ces sérotypes devra être suivie de très près 2-4 et le vaccin, tout comme celui contre l’influenza, devra être régulièrement adapté. L’efficacité de ces vaccins avec d’autres sérotypes n’est pas montrée dans les pays tropicaux en voie de développement, ni l’efficacité et la sécurité des vaccins vivants chez des nourrissons immunocompromis. Contrairement au vaccin retiré du marché après seulement un an (Rotashield®), ces deux-ci ne semblent pas augmenter le risque d’invagination intestinale. Il faut souligner que dans ces études, la première dose vaccinale n’est plus administrée après l’âge de deux mois, tandis que la plupart (81%) des invaginations intestinales observées avec le Rotashield® se sont produites en cas d’administration à des bébés âgés de 4 à 9 mois 4. La prudence sera donc de mise lors de la commercialisation des nouveaux vaccins.

 

Conclusion

Ces études montrent que deux nouveaux vaccins contre le rotavirus sont sûrs et efficaces dans la prévention d’infections à rotavirus sévères quand ils sont administrés à des nourrissons âgés de six à douze semaines. Nous disposons de trop peu de données concernant la sécurité de ces vaccins en cas d’administration de la première dose à des bébés de plus de trois mois et pour les enfants immuno-compromis. Un suivi rigoureux de l’efficacité et de la sécurité à plus long terme est indispensable.

 

Références

  1. Parashar UD, Hummelman EG, Bresee JS et al. Global illness and deaths caused by rotavirus disease in children. Emerg Infect Dis 2003;9:565-72.
  2. Desselberger U, Wolleswinkel-van den Bosch J, Mrukowicz J et al. Rotavirus types in Europe and their significance for vaccination. Pediatr Infect Dis J 2006;25:S30-S41.
  3. Glass RI, Parashar UD. The promise of new rotavirus vaccines. N Engl J Med 2006;354:75-7.
  4. Molinaro GA, Lee P, Simonson L, Ruiz LP. Correspondence: Rotavirus vaccines. N Engl J Med 2006;354:1747-51.
Deux vaccins contre le rotavirus

Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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