Revue d'Evidence-Based Medicine



Amlodipine plus périndopril versus aténolol plus bendrofluméthiazide



Minerva 2006 Volume 5 Numéro 8 Page 119 - 121

Professions de santé


Analyse de
Dahlöf B, Sever PS, Poulter NR et al. Prevention of cardiovascular events with an antihypertensive regimen of amlodipine adding perindopril as required versus atenolol adding bendroflumethiazide as required, in the Anglo-Scandinavian Cardiac Outcomes Trial-Blood Pressure Lowering Arm (ASCOT-BPLA): a multicentre randomised controlled trial. Lancet 2005;366:895-906.


Question clinique
Quelle est l’efficacité de l’association aténolol plus bendrofluméthiazide versus amlodipine plus périndopril en prévention de l’ischémie coronarienne chez des patients hypertendus présentant un risque cardiovasculaire accru?


Conclusion
Cette étude montre, chez des patients hypertendus à haut risque, qu’un traitement basé sur de l’amlodipine avec adjonction possible de périndopril, apporte une efficacité préventive supérieure sur des critères cardiovasculaires versus traitement basé sur de l’aténolol éventuellement complété par du bendrofluméthiazide. Aucune différence significative n’est cependant observée pour le critère primaire (infarctus myocardique non fatal et ischémie coronarienne fatale) et les résultats sont influencés par un arrêt prématuré de l’étude et des différences dans les caractéristiques entre les groupes étudiés. Les différences significatives observées pour les pressions artérielles atteintes ne permettent pas de conclusion sur le choix du traitement.


 

Résumé

Contexte

Pour atteindre les valeurs de pression artérielle cibles, une association médicamenteuse de deux ou de davantage d’antihypertenseurs est souvent nécessaire. De précédentes études dans l’hypertension ont montré les limites de l’efficacité des β-bloquants et des diurétiques en termes de prévention. Une efficacité supérieure des nouveaux antihypertenseurs tels que les antagonistes calciques et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) a été insuffisamment évaluée.

 

Population étudiée

Cette étude inclut des personnes âgées de 40 à 79 ans présentant une hypertension artérielle non traitée (systolique >160 mm Hg et/ou diastolique >100 mm Hg) ou une hypertension traitée (systolique >140 mm Hg et/ou diastolique >90 mm Hg) et au moins trois critères de risque cardiovasculaire parmi les suivants: hypertrophie ventriculaire gauche, diabète de type 2, artérite périphérique, antécédent d’accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’accident ischémique transitoire (AIT), sexe masculin, âge >55 ans, microalbuminurie ou protéinurie, tabagisme, cholestérol/HDL cholestérol >6, anamnèse familiale d’incident coronarien prématuré. Les critères d’exclusion sont: antécédent d’infarctus du myocarde, angor chronique traité, AVC dans les trois mois précédents, triglycéridémie >4,5 mmol/l, insuffisance cardiaque, arythmie non contrôlée, troubles hématologiques ou biochimiques importants. Un total de 19 257 patients est inclus, principalement des hommes de race blanche, d’un âge moyen de 63 ans, dont un tiers de fumeurs. Leur IMC moyen est 29 kg/m², la cholestérolémie moyenne de 228 mg/dl et la pression artérielle moyenne de 164/94,7 (ET 18/10,4) mm Hg. De plus, 27% sont diabétiques, 22% présentent une hypertrophie ventriculaire gauche, 11% une anamnèse d’AVC/AIT et 6% une artérite périphérique.

 

Protocole d’étude

Cette étude multicentrique, randomisée, contrôlée répartit ses sujets soit dans un groupe recevant initialement 5 mg quotidiens d’amlodipine (n=9 639) soit dans un groupe démarrant avec 50 mg d’aténolol par jour (n=9 618). Pour atteindre des chiffres tensionnels <140/90 mm Hg pour les non diabétiques et <130/80 mm Hg pour les diabétiques, la dose d’amlodipine peut être portée à 10 mg et associée à du périndopril à une dose pouvant atteindre 8 mg. La dose d’aténolol initiale pouvait également être augmentée jusqu’à 100 mg et être adjointe de 1,25 à 2,5 mg de bendrofluméthiazide par jour. L’adaptation du traitement et l’enregistrement des événements cardiovasculaires comme celui des effets indésirables sont effectués après six semaines, trois et six mois et ensuite tous les six mois.

 

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est composite: infarctus du myocarde non fatal, incident ischémique coronarien fatal. Les critères secondaires sont: le critère de jugement primaire moins l’infarctus silencieux, le total des événements coronariens, le total des événements et des interventions cardiovasculaires, la mortalité globale, la mortalité cardiovasculaire, les AVC fatals ou non fatals, les insuffisances cardiaques fatales ou non fatales. Les critères tertiaires sont: infarctus silencieux, angor instable, angor stable chronique, artérite périphérique, arythmie à pronostic vital, survenue de diabète ou d’insuffisance rénale ainsi que l’effet sur le critère primaire plus tous les événements cardiovasculaires et interventions dans les sous-groupes. Post-hoc, deux critères composites ont été ajoutés: mortalité cardiovasculaire plus infarctus du myocarde non fatal et AVC et critère primaire plus revascularisation coronarienne. Les analyses ont été effectuées en intention de traiter.

 

Résultats

Après un suivi moyen de 5,5 ans, l’étude a été arrêtée prématurément. Seuls 109 patients (1%) ont quitté l’étude. Au terme de celle-ci, la pression artérielle moyenne est descendue jusqu’à 136,1/77,4 mm Hg (ET 15,4/9,5) dans le groupe amlodipine versus 137,7/79,2 mm Hg (ET 17,9/10,0) dans le groupe aténolol. Sur l’ensemble de la durée de l’étude, la pression est de 2,7/1,9 mm Hg inférieure dans le groupe amlodipine versus groupe aténolol (p<0,0001). A la fin de l’étude, 78% des patients prennent deux antihypertenseurs (une monothérapie est observée dans 15% des cas dans le groupe amlodipine versus 9% dans le groupe aténolol). Un cross-over de 16% est mentionné dans le groupe amlodipine versus 26% dans le groupe aténolol. Le critère de jugement primaire est moins souvent observé dans le groupe amlodipine versus aténolol (429 versus 474) mais la différence n’est pas significative (HR 0,90; IC à 95% de 0,79 à 1,02; p=0,1052). Tous les critères de jugement secondaires sont moins souvent observés dans le groupe amlodipine, sauf les insuffisances cardiaques fatales et non fatales (voir tableau). L’angor instable, les artérites périphériques et la survenue de diabète sont significativement moins souvent observés dans le groupe amlodipine (respectivement 32%, 35% et 30%). Les critères déterminés post-hoc surviennent également moins souvent dans le groupe amlodipine. Le nombre de patients arrêtant le traitement en raison d’effets indésirables est similaire dans les deux groupes. Une toux, une prise de poids et un œdème périphérique sont plus souvent mentionnés dans le groupe amlodipine alors que des vertiges et une fatigue surviennent plus fréquemment dans le groupe aténolol.

 

Tableau: différence (HR avec IC à 95% et valeur p) pour les critères primaire et secondaires entre les groupes amlodipine + périndopril et aténolol + bendrofluméthiazide. 

 

HR (IC à 95%)

Valeur p

Critère primaire

   

nfarctus du myocarde non fatal et événement coronarien fatal

0,90 (0,79 à 1,02)

0,1052

 

Critères secondaires

 

 

Critère primaire moins infarctus silencieux

0,87 (0,76 à 1,00)

0,0458

Total d’événements coronariens

0,87 (0,79 à 0,96)

0,0070

Total des événements coronariens et des interventions

0,84 (0,78 à 0,90)

<0,0001

Mortalité globale

0,89 (0,81 à 0,99)

0,0247

Mortalité cardiovasculaire

0,76 (0,65 à 0,90)

0,0010

AVC fatal ou non

0,77 (0,66 à 0,89)

0,0003

Insuffisance cardiaque fatale ou non

0,84 (0,66 à 1,05)

0,1257

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un traitement par amlodipine et périndopril prévient davantage d’événements cardiovasculaires et induit moins de survenue de diabète qu’un traitement par aténolol et bendrofluméthiazide. Sur la base de précédentes études, cet effet ne peut être totalement expliqué par un meilleur contrôle tensionnel. Ces résultats ont des conséquences pour le choix optimal d’une association d’antihypertenseurs.

 

Financement

Pfizer, Servier Research Group, Leo Laboratories et Solvay Health Care.

 

Conflits d’intérêt

Les auteurs sont consultants et ont reçu des défraiements pour des voyages, des honoraires pour communications et des fonds de recherche pour une ou plusieurs firmes pharmaceutiques commercialisant des antihypertenseurs ou des hypolipidémiants ou ont reçu une aide financière de Pfizer dans le cadre de l’étude ASCOT.

 

Discussion

L’aténolol un bon choix?

Des méta-analyses d’études comparant des médicaments antihypertenseurs actifs versus placebo ou absence de traitement ont montré que ces traitements actifs diminuaient l’incidence d’AVC d’environ 40%, ce qui correspondait aux attentes basées sur des résultats d’études épidémiologiques 1,3,4. L’effet sur les maladies ischémiques coronariennes était plus limité, à 15%, moins que les chiffres attendus. Ce déficit d’effet a été attribué à des effets défavorables possibles des antihypertenseurs utilisés dans les études, c’est-à-dire les diurétiques et les β-bloquants, sur les affections coronariennes. D’où l’intérêt d’une comparaison entre de nouvelles classes d’antihypertenseurs avec les plus anciens. L’étude ASCOT-BPLA est une de ces recherches. Sur base de récentes méta-analyses montrant que l’aténolol 1,2 et les β-bloquants en général 3,4 étaient moins efficaces que les autres classes d’antihypertenseurs pour la prévention des complications cardiovasculaires chez les patients présentant une hypertension, nous pourrions conclure post-hoc que l’aténolol n’est pas le produit de référence le plus adéquat. Le protocole de cette étude-ci a cependant été élaboré en 1998, à un moment où la place des β-bloquants dans le traitement de l’hypertension n’était pas mis en doute. Dans les autres études, les médicaments adjuvants éventuels dans les différents bras étaient les mêmes, tandis que dans l’étude ASCOT le périndopril pouvait être ajouté à l’amlodipine ou le bendrofluméthiazide plus potassium à l’aténolol. Les traitements de troisième ligne étaient semblables. Il s’agit donc davantage dans cette étude d’une comparaison entre stratégies de traitement plutôt que d’une comparaison de traitements de première ligne.

Puissance insuffisante

L’incidence du critère primaire, les décès coronariens et les infarctus non fatals y compris les infarctus silencieux, est de 10% inférieure dans le groupe amlodipine versus groupe aténolol mais cette différence n’est pas significative. Il faut prendre en compte l’arrêt prématuré de l’étude, suite aux résultats d’une analyse intermédiaire planifiée montrant une mortalité moindre et un nombre significativement moindre de cas de critères secondaires dans le groupe amlodipine. A ce moment précis, le nombre prédéfini de cas de critère primaire n’était cependant pas atteint, ce qui entraîne un manque de puissance de l’étude pour ce critère. Les auteurs suggèrent que l’incidence plus basse que prévue de cas de survenue de critère primaire peut être expliquée par des revascularisations coronariennes plus nombreuses suite à une prise en charge plus agressive des pathologies coronariennes en cours d’étude et par une utilisation accrue des statines. En réalisant une analyse post-hoc incluant la revascularisation coronarienne dans le critère primaire, une réduction significative de 14% (p<0,01) est observée. Par analogie avec le critère de jugement de nombreuses autres études, les auteurs analysent également post-hoc l’association de décès cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde et d’AVC et montrent une incidence inférieure de 16% dans le groupe amlodipine (p<0,001). Plusieurs remarques doivent être faites à ce propos. L’arrêt prématuré de l’étude en raison de différences significatives pour les critères secondaires peut entraîner une surestimation des différences trouvées. Les différences relatives entre les deux bras sont bien significatives mais le bénéfice absolu d’un bras par rapport à l’autre est plutôt mince. L’influence du traitement antérieur sur les résultats n’est également pas claire à ce jour: 80% des patients prenaient déjà des antihypertenseurs avant d’être randomisés, moment où un changement soudain vers les médicaments évalués est effectué.

Interprétation des résultats

Malgré une réduction non significative pour le critère primaire, les résultats semblent montrer qu’un traitement basé sur de l’amlodipine prévient davantage de complications cardiovasculaires que l’aténolol. Comment expliquer cette observation? D’une part, l’aténolol apporterait une protection cardiovasculaire moins importante que d’autres antihypertenseurs 1,2. D’autre part, il y a dans l’étude ASCOT un certain nombre de différences entre les deux groupes. Dans le groupe amlodipine, la pression artérielle mesurée de façon conventionnelle, aussi bien systolique que diastolique, le poids, la triglycéridémie et la glycémie sont significativement plus bas que dans le groupe aténolol. La créatininémie, la fréquence cardiaque, la kaliémie et la HDL-cholestérolémie sont par contre plus élevées dans ce groupe amlodipine. Un certain nombre de ces facteurs ont très probablement joué un rôle dans la différence pour l’efficacité préventive. Dans un deuxième article, les auteurs ont évalué l’influence de ces facteurs sur deux critères, le critère primaire plus les revascularisations et le critère AVC5. Pour le premier critère, après corrections pour les facteurs énumérés plus haut, l’incidence plus faible de 14% (p<0,01) en faveur du groupe amlodipine fond à 6% (p=0,35). Pour l’AVC, la réduction se réduit de 23% (p<0,001) à 13% (p=0,14). Après correction pour les covariables, seule une tendance non significative persiste à l’avantage du groupe amlodipine. Il faut également tenir compte du fait que les différentes mesures sont ponctuelles et que toute correction statistique comporte ses limites. Sur base de la relation entre la diminution de la pression artérielle et les complications, montrée dans des méta-analyses d’études précédentes, nous pourrions même conclure que les différences observées entre les deux bras pour les complications pourraient s’expliquer par les différences pour la pression artérielle6. Une observation importante également est la moindre incidence de diabète dans le groupe amlodipine, ce qui a probablement peu influencé, à court terme, les différences observées, mais pourrait représenter un avantage à plus long terme. Des études d’observation suggèrent en effet que le diabète provoqué par les médicaments entraîne, à long terme, les mêmes effets délétères que le diabète présent à l’initiation de l’étude 7.

 

Conclusion

Cette étude montre, chez des patients hypertendus à haut risque, qu’un traitement basé sur de l’amlodipine avec adjonction possible de périndopril, apporte une efficacité préventive supérieure sur des critères cardiovasculaires versus traitement basé sur de l’aténolol éventuellement complété par du bendrofluméthiazide. Aucune différence significative n’est cependant observée pour le critère primaire (infarctus myocardique non fatal et ischémie coronarienne fatale) et les résultats sont influencés par un arrêt prématuré de l’étude et des différences dans les caractéristiques entre les groupes étudiés. Les différences significatives observées pour les pressions artérielles atteintes ne permettent pas de conclusion sur le choix du traitement.

 

Références

  1. Carlberg B, Samuelsson O, Lindholm LH et al. Atenolol in hypertension: is it a wise choice? Lancet 2004;364:1684-9.
  2. De Cort P. La place de l’aténolol dans l’hypertension. MinervaF 2005;4(10):160-2.
  3. Messerli FH, Grossman E, Goldbourt U. Are β-blockers efficacious as first-line therapy for hypertension in the elderly?: A systematic review. JAMA 1998;279:1903-7.
  4. Lindholm LH, Carlberg B, Samuelsson O. Should β-blockers remain first choice in the treatment of primary hypertension? A meta-analysis. Lancet 2005;366:1545-53.
  5. Poulter NR, Wedel H, Dahlöf B, et al. Role of blood pressure and other variables in the differential cardiovascular event rates noted in the Anglo-Scandinavian Cardiac Outcomes Trial-Blood Pressure Lowering Arm (ASCOT-BPLA). Lancet 2005;366:907-13.
  6. Staessen JA, Birkenhäger WH. Evidence that new antihypertensives are superior to older drugs. Lancet 2005;366:869-70.
  7. Verdecchia P, Reboldi G, Angeli F et al. Adverse prognostic significance of new diabetes in treated hypertensive subjects. Hypertension 2005;43:963-9.

 

 

Noms de marque

Amlodipine: Amlor®

Aténolol: Tenormin®

Bendrofluméthiazide: Non commercialisé en Belgique.

Périndopril: Coversyl®

Amlodipine plus périndopril versus aténolol plus bendrofluméthiazide

Auteurs

Fagard R.
Dienst Hypertensie, Universitair Ziekenhuis Gasthuisberg, Leuven
COI :

Glossaire

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