Revue d'Evidence-Based Medicine



Plaintes de cystite et tigelle négative: traiter quand même?



Minerva 2006 Volume 5 Numéro 7 Page 109 - 110

Professions de santé


Analyse de
Richards D, Toop L, Chambers S, Fletcher L. Response to antibiotics of women with symptoms of urinary tract infection but negative dipstick urine test results: double blind randomised controlled trial. BMJ 2005;331:143-7.


Question clinique
Quelle est, versus placebo, l’efficacité d’un traitement par triméthoprime chez des femmes présentant des symptômes d’infection urinaire non compliquée mais un examen par tigelle urinaire négatif pour la recherche de nitrites et d’estérase leucocytaire?


Conclusion
Cette étude apporte des arguments pour traiter quand même des femmes présentant une suspicion clinique de cystite mais un test à la tigelle urinaire négatif, par triméthoprime, disponible uniquement sous forme magistrale en Belgique: triméthoprime 300 mg par gélule, une gélule par jour pendant trois jours. La recommandation de bonne pratique «Cystite chez la femme», qui recommande de ne pas (déjà) traiter en cas de résultat négatif à la tigelle, devrait être adaptée. Le pour et le contre peut être discuté avec la patiente.


 

Résumé

Contexte

Le diagnostic d’une infection urinaire est généralement posé, en première ligne de soins, sur base des symptômes «classiques» associés à un résultat positif d’une tigelle urinaire pour la recherche de nitrites et/ou d’estérase leucocytaire 1-3. Un test négatif pour les nitrites et l’estérase leucocytaire a une valeur prédictive négative élevée pour l’absence d’une culture urinaire positive (≥10 5 unités formant une colonie (CFU)/ml). Certaines femmes qui ont un examen à la tigelle entièrement négatif présentent cependant des plaintes urinaires typiques. Un bénéfice d’un traitement par triméthoprime chez celles-ci n’avait pas encore été évalué.

Population étudiée

Trente médecins généralistes participant à un réseau de pratique vigie néozélandais ont recruté des femmes âgées de 16 à 50 ans se présentant à eux pour des plaintes de dysurie et de pollakiurie. Les critères d’exclusion sont: résultat positif à la tigelle pour les nitrites ou l’estérase leucocytaire, infection urinaire compliquée, grossesse, infection urinaire prouvée et/ou traitée dans le mois précédent, allergie au triméthoprime. Finalement, 59 femmes d’un âge moyen de 36 ans sont incluses dans l’étude. Environ 90% d’entre elles ont déjà présenté une cystite. Lors de l’inclusion, 81% se plaignent de dysurie, 93% de pollakiurie, 37% de démangeaisons, 79% de douleurs abdominales, 52% de lombalgies et 37% se plaignent de sensation fébrile et de tremblements.

Protocole d’étude

Cette étude randomisée, en double aveugle, contrôlée versus placebo répartit ses sujets dans deux groupes de traitement: soit une dose quotidienne de 300 mg de triméthoprime (n=26), soit un placebo (n=33) durant trois jours. Le prélèvement urinaire à mi-miction, négatif à la tigelle, est envoyé pour examen microscopique et culture. Durant sept jours, les femmes tiennent un journalier reprenant leurs plaintes et elles sont contactées par téléphone au jour 7 pour contrôle d’absence ou de présence de plaintes.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est l’absence de dysurie au jour 3 et au jour 7, ainsi que le délai moyen de disparition de la dysurie. Les critères secondaires sont la disparition des autres symptômes.

Résultats

Parmi toutes les femmes présentant une dysurie au jour 1, après 3 jours, 24% s’en plaignent toujours dans le groupe triméthoprime versus 74% dans le groupe placebo (p=0,0005 pour la différence). Cette différence reste significative au jour 7: 10% pour le groupe triméthoprime versus 41% dans le groupe placebo (p=0,02 pour la différence). Le délai moyen pour la disparition de la dysurie atteint trois jours dans le groupe triméthoprime versus cinq jours dans le groupe placebo (p=0,002) soit un NST de 4 (IC à 95% de 1,9 à 14,1). Chez les femmes se plaignant de sensation fébrile et de tremblements au jour 1, ces plaintes disparaissent en moyenne après deux jours dans le groupe triméthoprime versus après six jours dans le groupe placebo (p=0,02). Pour l’amendement des autres plaintes (pollakiurie, démangeaisons, douleurs abdominales et lombalgies), aucune différence significative n’est établie entre les deux groupes. Finalement, cinq femmes (trois dans le groupe triméthoprime et deux dans le groupe placebo) présentent une infection urinaire prouvée par examen microbiologique (≥20 leucocytes/ml et ≥105 CFU/ml). La valeur prédictive négative d’un test par tigelle négatif est donc de 92% dans cette étude. Six femmes, trois dans chaque groupe, présentent une bactériurie low grade (présence de bactéries mais moins de 105 CFU/ml). Cette caractéristique ne semble pas prédictive d’un résultat de traitement positif. 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que, malgré la forte valeur prédictive d’un test sur tigelle urinaire pour les nitrites et les leucocytes pour une culture négative, un traitement de trois jours par triméthoprime fait disparaître des plaintes de dysurie plus rapidement qu’un placebo. Cette observation conforte une prise en charge empirique basée sur un traitement des plaintes. D’autres études sont nécessaires pour préciser les facteurs cliniques prédictifs de réponse aux antibiotiques.

Financement

Health Research Council de Nouvelle Zélande.

Conflits d’intérêt

Aucun n’est mentionné.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Peu de remarques sur la méthodologie de cette étude. Une seule: la taille de la population incluse. Elle concerne un groupe relativement restreint (n=59) ne représentant que 20% du total des patientes répondant aux critères d’inclusion. Soit les médecins ont omis de leur parler de l’étude, soit les patientes n’ont pas acquiescé. Les auteurs se sont également limités à la dysurie comme critère de jugement primaire.

Importance de l’étude

Le protocole de cette étude est très intéressant, particulièrement pour la première ligne de soins. Le médecin généraliste dispose de quelques moyens diagnostiques disponibles dans le processus d’expertise diagnostique des infections urinaires. La tigelle urinaire à la recherche de nitrites et de leucocytes est le test le plus utilisé. La présence de certains symptômes spécifiques donne une probabilité d’infection urinaire pouvant aller jusqu’à 80% 4. Chez des femmes présentant des symptômes classiques d’infection urinaire non compliquée, un test positif pour l’estérase leucocytaire n’apportera que peu ou pas de modification par rapport à l‘impression clinique 5, mais différents guides de pratique mentionnent que l’absence de nitrites aussi bien que de leucocytes rendent une infection urinaire fort improbable 1,2. La seule inclusion de patientes présentant des résultats négatifs à la tigelle est un point fort de cette étude. Cette étude confirme qu’une infection urinaire avec plus de 105 CFU/ml (le critère classique de Kass, critère généralement admis d’infection urinaire) est très rare chez des patientes dysuriques en cas de résultat négatif à la tigelle. Cette étude nous montrant que des patientes dysuriques avec un test à la tigelle négatif bénéficient également d’un soulagement des symptômes sous traitement par triméthoprime, une question se présente à nous: est-il important d’atteindre ce seuil microbiologique? Deux options s’offrent à nous: soit traiter uniquement en cas de test à la tigelle positif, au risque de ne pas traiter un certain nombre de femmes qui auraient pu en tirer bénéfice, soit traiter toutes les femmes symptomatiques, en traitant aussi des femmes ne présentant pas de bactériurie significative. Dans ce dernier cas, un surtraitement avec des antibiotiques est le risque, avec une augmentation possible de la résistance de germes. D’autre part, les patientes demandent d’être soulagées au plus vite. Sans doute devons-nous discuter les deux options avec la patiente concernée.

 

Conclusion

Cette étude apporte des arguments pour traiter quand même des femmes présentant une suspicion clinique de cystite mais un test à la tigelle urinaire négatif, par triméthoprime, disponible uniquement sous forme magistrale en Belgique: triméthoprime 300 mg par gélule, une gélule par jour pendant trois jours. La recommandation de bonne pratique «Cystite chez la femme» 1, qui recommande de ne pas (déjà) traiter en cas de résultat négatif à la tigelle, devrait être adaptée. Le pour et le contre peut être discuté avec la patiente. 

 

Références

  1. Christiaens T, Callewaert L, De Sutter A, Van Royen P. Recommandation de bonne pratique. La cystite chez la femme. BAPCOC - SSMG – WVVH, 2001.
  2. Van Haaren KAM, Visser HS, Van Vliet S et al. NHG-Standaard Urineweginfecties (tweede herziening). Huisarts Wet 2005;48:341-52.
  3. Hummers-Pradier E, Kochen MM. DEGAM-Leitlinie Nr. 1: Brennen beim Wasserlassen. Köln, 1999.
  4. Bent S, Nallamothu BK, Simel DL et al. Does this woman have an acute uncomplicated urinary tract infection? JAMA 2002;287:2701-10.
  5. Sultana RV, Zalstein S, Cameron P, Campbell D. Dipstick urinanalysis and the accuracy of the clinical diagnosis of urinary tract infection. J Emerg Med 2001;20:13-9.
Plaintes de cystite et tigelle négative: traiter quand même?

Auteurs

Christiaens T.
Klinische Farmacologie, Vakgroep Farmacologie, UGentVakgroep Fundamentele en Toegepaste Medische Wetenschappen, UGent
COI :

De Backer D.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

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