Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement de la dyspepsie H. pylori négative



Minerva 2006 Volume 5 Numéro 7 Page 98 - 100

Professions de santé


Analyse de
Veldhuyzen van Zanten SJO, Chiba N, Armstrong D et al. A randomized trial comparing omeprazole, ranitidine, cisapride, or placebo in Helicobacter pylori negative, primary care patients with dyspepsia: The CADET-HN Study. Am J Gastroenterol 2005;100:1477-88.


Question clinique
Quel est, en pratique de médecine générale, le traitement le plus efficace pour des patients se plaignant de dyspepsie et présentant un test Helicobacter pylori négatif?


Conclusion
Cette étude montre chez des patients présentant des symptômes de dyspepsie, sans exploration gastroscopique préalable, mais avec un test Helicobacter pylori négatif, une diminution des symptômes acquise par un traitement par oméprazole 20 mg/jour ou par ranitidine 150 mg deux fois par jour. Après quatre semaines de traitement, un traitement par oméprazole se montre supérieur à un traitement par ranitidine, mais après six semaines aucune différence n’est plus observée. Pour une large moitié des patients, malgré ce traitement, les plaintes ne sont pas moindres après six mois. L’oméprazole paraît plus efficace chez les patients présentant des plaintes de type reflux. Dans la pratique, un traitement empirique avec un inhibiteur de la sécrétion acide est recommandé chez les patients présentant des plaintes dyspeptiques de type reflux, indépendamment de leur status H. pylori. La réalisation d’un test H. pylori n’est recommandée qu’en cas de persistance des plaintes malgré le traitement. Dans cette étude, un traitement par oméprazole n’est pas, à long terme, d’un meilleur rapport coût/efficacité qu’un traitement par ranitidine. Sur la base de ces données, après un traitement efficace avec de l’oméprazole, un passage «en retour» à la ranitidine peut être envisagé.


 

Résumé

Contexte

L’étude CADET-HP (Canadian Dyspepsia Empirical Treatment Helicobacter pylori) a montré que chez des patients dyspeptiques présentant un test H. pylori positif, l’éradication de ce germe améliore les symptômes et est coût-efficace 1,2. Cette étude-ci concerne la prise en charge de patients présentant une dyspepsie sans H. pylori mais par ailleurs non investiguée (pas de gastroscopie effectuée).

Population étudiée

Les patients consultant leur médecin de famille pour un nouvel épisode de plaintes stomacales, définies comme une douleur ou une gêne au niveau de l’épigastre accompagnée ou non de pyrosis, d’aigreurs, de nausées, de sensation de satiété, de troubles digestifs et/ou de ballonnements, sont susceptibles d’être inclus. Un résultat de test sérologique négatif pour la recherche des anticorps anti H. pylori et un résultat négatif d’un test respiratoire à l’urée sont nécessaires pour une inclusion. Les critères d’exclusion sont: symptômes d’alarme, anamnèse de reflux gastro-oesophagien ou de pyrosis isolé et/ou de régurgitation, examen gastroscopique ou gastrographie barytée dans les six mois précédents ou répétés dans les dix années précédentes, plaintes suggestives d’un syndrome du colon irritable. Les sujets inclus ont un âge moyen de 40 à 43 ans, 40 à 53% sont de sexe masculin, plus de 95% de race blanche et environ un tiers fume. Les plaintes sont présentes en moyenne depuis 8 à 10 ans. Le symptôme principal est l’épigastralgie dans 40% des cas, le pyrosis dans 25% des cas et une sensation de ballonnement dans 13% des cas.

Protocole d’étude

Les patients ont été recrutés dans 35 centres de pratique de médecine générale au Canada. Ils ont été traités par de l’oméprazole à la dose de 20 mg par jour (n=134), ou de la ranitidine 150 mg deux fois par jour (n=139), ou du cisapride 20 mg deux fois par jour (n=84) ou un placebo (n=111). Une phase de traitement «à la demande» de cinq mois avec le même traitement vient ensuite. Les plaintes sont évaluées après 4, 12 et 24 semaines.

Mesure des résultats

Le critère de jugement principal est la (quasi) disparition des plaintes dyspeptiques après quatre semaines de traitement, évaluation faite grâce au questionnaire Global Overall Symptoms (GOS). Les critères secondaires sont la qualité de vie et les plaintes stomacales par rapport aux coûts (recours à des médicaments, incapacité de travail, etc.).

Résultats

Après quatre semaines, le traitement se montre efficace chez 51% des patients traités par oméprazole, 36% de ceux ayant reçu la ranitidine, 31% de ceux ayant bénéficié de cisapride et 23% pour les sujets sous placebo. Pour la disparition complète des plaintes, les résultats sont de 4% sous placebo, de 24% sous oméprazole, de 11% sous ranitidine. Pour le groupe de patients ne présentant pas le pyrosis comme symptôme principal (75% de la population, à considérer comme des patients sans reflux), les différences sont moindres: 43% sous oméprazole pour 37% sous ranitidine soit une valeur p pour la différence à 0,064. Le rapport coût/efficacité des différents traitements versus placebo est calculé, pour douze mois, dans la perspective du coût pour la société (y compris absentéisme au travail et plaisir de vivre) et dans la perspective des coûts pour les soins de santé (facture pour la sécurité sociale). Les coûts pour la société sont les plus bas pour le placebo, d’un niveau identique pour l’oméprazole et le cisapride et intermédiaires pour la ranitidine. Les coûts pour la sécurité sociale sont les plus élevés pour le cisapride et semblables pour les trois autres groupes. Les coûts médicamenteux constituent une part importante de la totalité de la facture. L’oméprazole n’est pas, de manière convaincante, d’un meilleur rapport coût/efficacité que la ranitidine.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que chez des patients se plaignant de l’estomac et présentant un test H. pylori négatif, l’oméprazole est le traitement le plus efficace.

Financement

AstraZeneca, Inc, Canada.

 

Conflits d’intérêt

Certains auteurs sont des collaborateurs d’AstraZeneca et de bureaux de consultance pour des recherches commerciales.

 

Discussion

Pertinence limitée: test H. pylori comme point de départ

Cette étude possède une méthodologie correcte, mais sa limite principale quant à une faisabilité en pratique de médecine générale est qu’elle se base sur les résultats d’un test sur l’Helicobacter. Les publications de l’étude CADET, entre autres celles concernant la population présentant un test H. pylori positif 1, nous avaient appris une incidence d’un tel test positif chez environ 30% de la population incluse avec plaintes stomacales. Ce pourcentage est semblable à celui d’autres populations de première ligne, y compris dans nos régions 3. Il diminue cependant dans le monde occidental. Pour cette raison, entre autres en Hollande, les directives pour la prise en charge des plaintes stomacales en première intention n’est pas élaborée sur base d’un test H. pylori préalable mais bien sur la réponse à un traitement symptomatique (empirique) 4,5. Les résultats de cette étude incluant la partie des sujets avec un test H. pylori négatif sont, d’une part, pertinents pour les médecins généralistes, cet échantillon étant représentatif de la population vue en médecine générale. D’autre part, l’applicabilité de cette étude est limitée par la nécessité d’un test H. pylori préalable, test qui est loin d’être toujours réalisé. Les résultats concernent donc des patients avec un test H. pylori négatif et des plaintes d’une durée relativement longue: deux tiers des sujets inclus se plaignent depuis plus de cinq ans, avec une moyenne de huit à neuf ans. Le guide de pratique néerlandais du CBO qualifie ce groupe de «plaintes stomacales persistantes et/ou récidivantes non liées à un reflux». Ce guide recommande de rechercher l’H. pylori dans ce groupe, mais, si les plaintes suggèrent davantage un reflux, un traitement empirique avec un inhibiteur de la pompe à protons est une option sans test préalable 4. Le cisapride n’est plus disponible que pour des indications particulières et n’est donc plus adéquat pour cette population.

Oméprazole ou ranitidine?

Après quatre semaines de traitement, l’oméprazole se montre supérieur à la ranitidine et au cisapride, également dans cette population de première ligne de soins avec test H. pylori négatif présentant beaucoup de plaintes «liées à une acidité». Ceci n’est guère étonnant. Cette étude montre aussi que la supériorité de l’oméprazole est moins convaincante si les plaintes sont moins liées à des troubles organiques ou moins de «type reflux». Ces observations sont issues d’analyses en sous-groupes réalisées par les auteurs malgré une absence de puissance de l’étude pour celles-ci. Dans cette étude, le sous-groupe des patients se plaignant principalement de pyrosis et de régurgitation (environ un tiers de la population), montre un effet favorable d’un traitement par oméprazole dans 68% des cas pour 37% sous ranitidine. En excluant de l’analyse ces patients avec plaintes de reflux, la différence entre oméprazole et ranitidine n’est plus significative: le traitement ne se révèle plus efficace que pour 40% des sujets dans les deux groupes. Les plaintes stomacales non organiques ou «fonctionnelles» concernées sont moins amendables par une inhibition de l’acidité. Une autre constatation importante est l’absence de différence entre oméprazole et ranitidine après six mois: environ 40% des sujets répondent au traitement. Une réponse importante au placebo est observée (d’environ 25% après quatre semaines et de 35% après six mois), mais le pourcentage de patients présentant une disparition complète des plaintes est cependant nettement inférieur dans le groupe placebo versus groupe oméprazole (4% versus 24%). Nous ne pouvons donc pas fixer nos espérances à un niveau trop haut quant à l’efficacité des inhibiteurs d’acide dans ce groupe de patients dyspeptiques H. pylori négatif: seul un quart des patients est totalement libéré de ses plaintes et plus de la moitié se plaint toujours de la même manière après six mois.

Recommandations pour la pratique

Cette étude montre chez des patients présentant des symptômes de dyspepsie, sans exploration gastroscopique préalable, mais avec un test Helicobacter pylori négatif, une diminution des symptômes acquise par un traitement par oméprazole 20 mg/jour ou par ranitidine 150 mg deux fois par jour. Après quatre semaines de traitement, un traitement par oméprazole se montre supérieur à un traitement par ranitidine, mais après six semaines aucune différence n’est plus observée. Pour une large moitié des patients, malgré ce traitement, les plaintes ne sont pas moindres après six mois. L’oméprazole paraît plus efficace chez les patients présentant des plaintes de type reflux.

Dans la pratique, un traitement empirique avec un inhibiteur de la sécrétion acide est recommandé chez les patients présentant des plaintes dyspeptiques de type reflux, indépendamment de leur status H. pylori 6. La réalisation d’un test H. pylori n’est recommandée qu’en cas de persistance des plaintes malgré le traitement 5. Dans cette étude, un traitement par oméprazole n’est pas, à long terme, d’un meilleur rapport coût/efficacité qu’un traitement par ranitidine. Sur la base de ces données, après un traitement efficace avec de l’oméprazole, un passage «en retour» à la ranitidine peut être envisagé.

La rédaction

 

Références

  1. Chiba N, Veldhuyzen van Zanten SJ, Sinclair P et al. Treating Helicobacter pylori infection in primary care patients with uninvestigated dyspepsia: The Canadian Adult Dyspepsia Empiric Treatment - H pylori (CADET-Hp) randomised controlled trial. BMJ 2002;324:1012-6.
  2. Chiba N, Veldhuyzen van Zanten SJ, Escobedo S et al. Economic evaluation of Helicobacter pylori eradication in the CADET-Hp randomized controlled trial of H. pylori-positive primary care patients with uninvestigated dyspepsia. Aliment Pharmacol Ther 2004;19:349-58.
  3. Weijnen CF, Numans ME, de Wit NJ et al. Testing for Helicobacter pylori in dyspeptic patients suspected of peptic ulcer disease in primary care: cross sectional study. BMJ 2001;323:71-5.
  4. De Wit NJ, van Barneveld TA, Festen HP et al, namens de NHG-CBO werkgroep maagklachten. Richtlijn maagklachten. Ned Tijdschr Geneeskd 2005;149:1386-92.
  5. CBO en NHG. Multidisciplinaire Richtlijn Maagklachten.
  6. INAMI. L’usage adéquat des inhibiteurs d’acide dans le reflux gastro-oesophagien et la dyspepsie. Réunion de consensus 15 mai 2003.
Traitement de la dyspepsie H. pylori négative

Auteurs

Numans M.E.
Julius Centrum voor Gezondheidswetenschappen en Eerstelijns Geneeskunde, Universiteit Utrecht
COI :

van Driel M.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

Glossaire

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