Revue d'Evidence-Based Medicine



Réhabilitation vestibulaire en cas de déséquilibre



Minerva 2006 Volume 5 Numéro 2 Page 30 - 32

Professions de santé


Analyse de
Yardley L, Donovan-Hall M, Smith HE et al. Effectiveness of primary care based vestibular rehabilitation for chronic dizziness. Ann Intern Med 2004;141:598-605.


Question clinique
Quelle est l’efficacité de la réhabilitation vestibulaire en pratique de médecine générale chez les patients se plaignant de déséquilibre chronique?


Conclusion
Cette étude montre un bénéfice d’une réhabilitation vestibulaire chez des patients se plaignant de déséquilibre chronique. Cette réhabilitation combine des exercices classiques de réhabilitation vestibulaire avec des éléments issus des thérapies comportementales cognitives.


 

Résumé

Contexte

Le déséquilibre constitue un symptôme fréquent, généralement traité en médecine générale. Différentes études ont montré une efficacité possible d’une réhabilitation vestibulaire pour ce symptôme. Elles montraient cependant des faiblesses méthodologiques importantes et une seule RCT, non en aveugle, a été effectuée en première ligne de soins.

Population étudiée

Dans vingt pratiques de médecine générale au Royaume-Uni, tous les patients s’étant plaint de déséquilibre durant au moins deux ans ont été identifiés, durant une consultation ou d’après leur dossier informatique. Les critères d’exclusion sont: étiologie non labyrinthique du déséquilibre, moins de deux mois avec un déséquilibre dans les deux années précédentes, co-morbidité sévère, contre-indications médicales à une mobilisation de la tête (telles que présence d’une arthrose cervicale sévère). Si les patients ne présentent pas de plaintes juste avant la randomisation ou lors des premiers exercices, ils sont également exclus. Finalement, ce sont 170 patients d’un âge moyen de 62 ans (ET 15), dont 71% de femmes qui sont inclus. Ils présentent un déséquilibre depuis en moyenne huit ans. Les diagnostics posés sont: vertiges sans cause connue (23%), déséquilibre sans cause connue (18%), maladie de Ménière (9%), labyrinthite (9%) et vertige positionnel bénin (5%). Dans 27% des cas, aucun diagnostic n’est évoqué. Près de la moitié des patients consomment des médicaments contre les vertiges.

Protocole d’étude

Cette étude en simple aveugle, randomisée, contrôlée, répartit ses sujets pour une durée de trois mois soit dans un groupe contrôle (n=87) recevant des «soins habituels» (tels que médicaments, référence à un spécialiste) soit dans un groupe bénéficiant d’un «programme de réhabilitation vestibulaire» (n=83). Lors d’une séance de 30 à 40 minutes, conduite par une infirmière du centre participant, formée dans ce but, les patients sont entraînés pour la pratique d’exercices vestibulaires adéquats à leur domicile. Cette séance est suivie d’un contact téléphonique après une et trois semaines. Après trois mois, le programme de réhabilitation est également offert au groupe contrôle.

Mesure des résultats

Les critères de jugement primaires sont: symptômes de déséquilibre rapportés par le patient soit spontanément soit à l’interrogatoire, qualité de vie en relation avec ce déséquilibre et stabilité posturale avec les yeux soit ouverts soit fermés. Différents instruments validés sont utilisés pour les mesures. Les critères d’évaluation secondaires sont: le score obtenu sur l’Hospital Anxiety and Depression Scale, les capacités fonctionnelles enregistrées au Medical Outcomes Study Short-Form General Health Survey (SF-36) est un questionnaire validé comportant 36 questions. Il permet d’explorer huit aspects de la qualité de vie : santé générale et mentale, capacités fonctionnelles physiques et sociales, santé physique et émotionnelle, douleur et vitalité. Les scores pour chacun des huit domaines vont de 0 (le moins bon) à 100 (le meilleur).">Medical Outcomes Study (Short Form-36). Les symptômes sont recueillis lors d’un interrogatoire initial, après trois et six mois, en même temps que la mesure de la stabilité posturale et qu’un contrôle au moyen d’un questionnaire, contrôle effectué par un chercheur indépendant. L’analyse est faite en intention de traiter.

Résultats

Après trois mois de suivi, une amélioration significativement supérieure est observée versus groupe contrôle pour tous les critères primaires. Il n’y a pas de différence significative pour ce qui est des critères secondaires. Dans le groupe réhabilitation, 67% des patients présentent une amélioration cliniquement significative sur la Vertigo Symptom Scale pour 38% dans le groupe «soins habituels» (RR 1,78; IC à 95% de 1,31 à 2,42). Après six mois, cette amélioration est maintenue dans le groupe réhabilitation (sauf pour le Short Form-36) et il n’y a plus de différence observée par rapport au groupe contrôle qui a également, à ce moment-là, bénéficié du programme (p>0,15). Seuls sept patients mentionnent des effets indésirables mineurs (dont quatre des symptômes cervicaux).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’une réhabilitation vestibulaire, sous la conduite d’infirmières en première ligne de soins, améliore la symptomatologie, la stabilité posturale et la qualité de vie de patients se plaignant de déséquilibre chronique.

 

Financement

Directorate of Health and Social Care South, London, United Kingdom.

 

Conflits d’intérêt

Aucun n’est mentionné.

 

Discussion

Importance de cette étude

Il n’est pas nécessaire de souligner l’importance de cette étude pour le médecin généraliste. Le déséquilibre chronique est un problème typique et très fréquent en première ligne de soins. Cette étude multicentrique effectuée par des confrères britanniques en évalue scientifiquement le traitement. Dans le projet néerlandais Transitieproject, l’incidence de déséquilibre (vertiges) aigu est estimée à 34/1 000/an pour les femmes et à quasi deux fois moins pour les hommes (18/1 000/an). L’incidence croît aussi avec l’âge: 71/1 000/an chez les plus de 75 ans1. Etant donné que 80% de ces patients présentant des plaintes de déséquilibre ne se représentent plus après un mois, cette étude n’en est que plus intéressante: elle concerne les 20% de sujets chroniques, rebelles, dirions-nous «difficiles».

Considérations sur la méthodologie

Quelques limites cependant à cette étude. Elle comporte un biais de sélection à ne pas sous-estimer. Les personnes incluses n’ont pas été sélectionnées au hasard mais se sont portées volontaires pour participer à l’étude, avec le risque, donc, d’inclure uniquement des personnes motivées, ce qui est d’autant plus important qu’il s’agit d’une étude exigeant un investissement important du patient. La probabilité de résultat positif sera-t-elle aussi importante chez des patients choisis au hasard pour effectuer un programme de traitement aussi important? Probablement non. Un suivi de six mois est également trop court pour évaluer un traitement d’une affection chronique présente depuis au moins huit ans. Il faut également noter que tous les critères sont de type intermédiaire et que les auteurs utilisent des questionnaires de type «subjectif». Quels seraient des critères forts et des golds standards pour une plainte telle que le déséquilibre? En pratique de médecine générale, l’anamnèse et l’examen clinique sont du plus grand intérêt pour le diagnostic et les examens techniques ont une signification très limitée 2. Pour une étude scientifique, une objectivité maximale des critères d’évaluation est cependant attendue (électronystagmographie) 3. Un tel programme de traitement est difficilement concevable en double aveugle, mais c’est surtout le caractère imprécis des «soins habituels» dans le groupe contrôle qui pose question. Davantage de patients ont probablement été, dans ce groupe, référés à un spécialiste, et un certain nombre, non connu, se sont vu prescrire des exercices. Les auteurs ont méritoirement effectué l’analyse en intention de traiter, d’autant plus que le taux de sortie d’étude est important, de 28% dans les deux groupes.

Diagnostic?

Le diagnostic est fort imprécis ou même absent. Les personnes ont été incluses dans l’étude sur base de mots clés figurant dans le dossier informatique tels que: vertige, déséquilibre, référence ORL, problème d’équilibre, cinnarizine, bêtahistine et diurétique. Aucun effort supplémentaire n’est fait pour préciser le diagnostic. Par contre, l’infirmière monitrice montre une série d’exercices lors de la séance initiale et si ceux-ci ne provoquent pas de déséquilibre, le patient est exclu! Sur base des dossiers informatiques, le «primary care staff» de l’étude propose une classification diagnostique. Parmi les 170 patients, seize (9%) présentent un syndrome de Ménière, quinze une labyrinthite (8,5%), neuf un vertige paroxystique bénin (VPB), quatre un syndrome vestibulaire, trois une vestibulite et cinq une pathologie auriculaire, mais 118 patients (70%) n’ont pas de diagnostic spécifique! N’est-ce pas étonnant pour une population évaluée qui présente un déséquilibre depuis huit ans en moyenne? Probablement non, les patients présentant une étiologie non labyrinthique étant exclus de l’étude. C’est un atout majeur de cette étude: elle concerne un groupe important de patients présentant des plaintes imprécises, avec un «déséquilibre» comme élément d’appel et pour lesquels le médecin généraliste diagnostique une forme de maladie somatique 4.

«Réhabilitation vestibulaire»

Les infirmières n’ont pas utilisé des exercices classiques dans le traitement du VPB 7, tels que décrits par Epley ou Semont, les premiers s’étant récemment montrés plus efficaces (à 95%) que les seconds 5. Elles ne se sont également pas limitées aux exercices classiques proposés par Brandt-Daroff 6, exercices de base pratiqués par les kinésithérapeutes dans les thérapies «d’usure» en cas de vertige positionnel. Cette étude va plus loin en proposant des techniques de réattribution issues de la thérapie comportementale: identification du problème dans son contexte, redéfinition de ce problème, identification et gestion du comportement d’évitement, stimulation de modifications de comportement positives et motivation grâce à des contacts personnels répétés. Les infirmières sont également formées à l’anticipation des résistances classiques des patients à un traitement aussi exigeant. Il n’est pas nécessaire de démontrer qu’un tel traitement n’est guère possible dans notre pratique de la médecine générale, et que ses résultats ne peuvent donc pas être extrapolés dans la situation belge. Nous avons à notre disposition suffisamment de personnes expérimentées (thérapeutes du comportement, kinésithérapeutes) ou qui pourraient le devenir (assistants stagiaires, infirmières) mais il n’y a pas de budget pour un tel traitement. Des traitements non médicamenteux se sont déjà, plusieurs fois, révélés plus efficaces et d’effet plus durable que les traitements médicamenteux, mais avec un coût lié 8.

 

Conclusion

Cette étude montre un bénéfice d’une réhabilitation vestibulaire chez des patients se plaignant de déséquilibre chronique. Cette réhabilitation combine des exercices classiques de réhabilitation vestibulaire avec des éléments issus des thérapies comportementales cognitives.

 

Références

  1. Lamberts H. In het huis van de huisarts. Verslag van het Transitieproject. Lelystad: Meditekst, 1994.
  2. De Vries H, de Jongh TOH, Grundmeijer HGLM. Diagnostiek van alledaagse klachten II. Duizeligheid. Houten: Bohn Stafleu Van Loghum, 2003.
  3. Assessment: electronystagmography. Report of the Therapeutics and Technology Assessment Subcommittee. Neurology 1996;46:1763-6.
  4. van der Horst H. Diagnostiek van somatisatie in de huisartspraktijk. In: Handboek Somatisatie: lichamelijk onverklaarde klachten in de eerste en de tweede lijn. Utrecht: De Tijdstroom, 2003.
  5. Radtke A, von Brevern M, Tiel-Wilck K et al. Self-treatment of benign paroxysmal positional vertigo. Semont maneuver vs Epley procedure. Neurology 2004;63:150-2.
  6. Brandt T, Daroff RB. Physical therapy for benign paroxysmal positional vertigo. Arch Otolaryngol 1980;106:484-5.
  7. Verheij AAA, Weert HCPM van, Lubbers WJ et al. NHG-Standaard Duizeligheid. Huisarts Wet 2002;45:601-9.
  8. De Cort P. La pratique du fitness pour le traitement de la fibromyalgie. MinervaF 2003;2(6):100-1.
 
Réhabilitation vestibulaire en cas de déséquilibre

Auteurs

De Cort P.
em. Huisartsgeneeskunde, KU Leuven
COI :

Glossaire

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires