Revue d'Evidence-Based Medicine



Dose unique de dexaméthasone chez des enfants présentant un croup bénin



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 10 Page 152 - 154

Professions de santé


Analyse de
Bjornson CL, Klassen TP, Williamson J et al. A randomized trial of a single dose of oral dexamethasone for mild croup. N Engl J Med 2004;351:1306-13.


Question clinique
Quelle est l'efficacité de l’administration d’une dose de dexaméthasone versus placebo chez des enfants présentant des symptômes légers de faux croup?


Conclusion
Cette étude montre qu'après une administration unique de dexaméthasone (0,6 mg/kg) à des enfants présentant un faux croup léger, moins d'enfants reconsultent les services médicaux. Les symptômes disparaissent plus rapidement, mais après trois jours, 75% des enfants sont asymptomatiques. Comme le faux croup est une affection auto-limitante et qu'un traitement avec des corticostéroïdes n'offre que peu d'avantages, il n'est pas indiqué de traiter tous les enfants qui présentent des symptômes légers de faux croup. Si une décision de traiter avec un corticostéroïde est malgré tout prise, ceci devrait se faire en concertation avec les parents.


 

Résumé

Contexte

Les corticostéroïdes pourraient, chez des enfants présentant une forme modérée à sévère de faux croup, réduire le risque d'hospitalisation et la nécessité d'intubation et d'administration d'aérosols d'épinéphrine. La plupart des enfants atteints d'un faux croup présentent cependant des symptômes légers et il n'existe pas de preuve d'un bénéfice d'une administration orale de dexaméthasone chez ces enfants.

Population étudiée

Quatre services d'urgences pédiatriques canadiens ont recruté, durant deux hivers consécutifs, 2 901 enfants présentant des symptômes légers de faux croup (toux aboyante endéans les 72 heures et un score de croup selon Westley 1 de ≤ 2/17). Les critères d'exclusion sont: autres causes ou antécédents de stridor, asthme, maladie systémique sévère, exposition récente à la varicelle, immunodéficience, traitement récent par corticostéroïdes, traitement aigu avec épinéphrine. Un total de 720 enfants présentant un âge moyen de 35 mois (ET 23) est inclus dans l'étude.

Protocole d'étude

Cette étude menée en double aveugle, randomisée, contrôlée versus placebo, répartit les enfants soit dans un groupe (n=358) recevant une seule dose de dexaméthasone (0,6 mg par kg) soit dans un groupe (n=359) qui reçoit un placebo. Un traitement complémentaire avec des inhalations de vapeur, des antibiotiques, des aérosols d'épinéphrine ou de β-agonistes est autorisé. Les parents sont contactés par téléphone aux jours 1, 2, 3, 7 et 21 après l'administration du traitement.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est un nouveau recours à des soins médicaux endéans les sept jours qui suivent le traitement. Les critères d'évaluation secondaires sont la persistance des symptômes (toux aboyante et stridor), le nombre d'heures sans sommeil pour l'enfant et le niveau de stress des parents aux jours 1, 2 et 3 après traitement. Une analyse des coûts est faite pour les 21 jours qui suivent le traitement. L'analyse du critère d'évaluation primaire se fait en intention de traiter doit être complétée par une imputation de ces résultats manquants dans les différents bras d’étude.">intention de traiter.

Résultats

Les données sont connues pour 708 enfants: 54 (15,3%) enfants du groupe placebo versus 26 (7,3%) du groupe dexaméthasone ont eu, à nouveau, recours au service médical endéans les sept jours (p<0,001). Après correction pour les caractéristiques de base: OR 2,4 (IC à 95% de 1,4 à 3,9) et NST de 13 (IC à 95% de 8 à 31) en faveur d'un traitement à la dexaméthasone. Après 24 heures, les enfants du groupe dexaméthasone présentaient moins de symptômes que ceux du groupe placebo (OR 3,2; IC à 95% de 1,5 à 6,8; p=0,003), mais au jour 3 les symptômes avaient disparu chez 75% des enfants dans les deux groupes. Au jour 1, la privation de sommeil et le stress des parents sont moindres pour le groupe dexaméthasone (p<0,001 pour les deux critères). Les coûts du groupe dexaméthasone sont inférieurs à ceux du groupe placebo (p=0,01). Les chercheurs ne mentionnent pas d'effet indésirable.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu'une administration unique de dexaméthasone à des enfants présentant un croup léger est efficace et s'accompagne d'un avantage limité quoiqu’important tant sur le plan clinique qu'économique. Même si les effets à long terme ne sont pas encore connus, ces résultats confortent l'usage de la dexaméthasone pour la plupart, voire tous les enfants, présentant un faux croup.

Financement

Canadian Institutes of Health Research, Alberta Children’s Hospital Foundation, Children’s Hospital of Eastern Ontario Research Institute et Stollery Children’s Hospital Foundation.

Conflits d'intérêt

Un des auteurs a reçu une bourse de Cumberland Pharmaceuticals.

 

Discussion

Pertinence pour la pratique

Le faux croup est une affection fréquente en médecine générale: environ un contact sur six pour des enfants de moins de quatre ans concerne la «laryngite/trachéite» (ICPC code R 77) 2. Au cours de la dernière décennie, de nombreuses études ont évalué l'efficacité des corticostéroïdes chez les enfants atteints de laryngite striduleuse aiguë, et il est actuellement bien établi qu'une administration unique de corticoïdes est effectivement efficace. Une synthèse Cochrane 3, basée sur 31 études, conclut qu'une administration unique de dexaméthasone ou de budésonide réduit plus rapidement les symptômes et réduit le nombre de contacts supplémentaires pour des soins ou d'hospitalisations pour faux croup. La plupart des études réalisées à ce jour concernent des enfants présentant des symptômes modérés à sévères. Deux de ces études ont déjà été analysées dans Minerva 4. Les données concernant l'efficacité de ce traitement chez des enfants présentant des symptômes légers sont encore limitées. Ce sont pourtant ces derniers cas qui intéressent particulièrement le généraliste, parce que la grande majorité des enfants présente des symptômes légers et est traitée à domicile.

Considérations sur la méthodologie

Cette étude est de bonne qualité, randomisée, contrôlée versus placebo; le groupe intervention et le groupe placebo sont semblables au début de l'étude, la randomisation et la mise en aveugle sont bien exécutées et la durée du suivi est suffisante. L'intervention consiste en une dose orale unique de dexaméthasone, une thérapie qui peut être facilement appliquée par le généraliste. Tous les critères de jugement sont pertinents pour la pratique générale. Cette étude cible spécifiquement le groupe d'enfants présentant une «atteinte légère»: une toux aboyante, mais peu de stridor et peu de tirage intercostal au repos (score de 2 sur l'échelle de Westley). Bien que ce soient des enfants qui se présentent aux urgences et non dans une pratique générale, cette population semble néanmoins bien comparable avec la majorité des petits patients rencontrés par le généraliste.

Autres études

L'étude de Geelhoed datant de 1996 5 n'inclut que 100 enfants. L'inclusion se fait dans un service d'urgences pédiatriques. Aucun des enfants ne présente de tirage intercostal ni de stridor au repos. Ils reçoivent tous une dose unique de dexaméthasone 0,15 mg/kg ou un placebo et quittent ensuite l'hôpital. Huit enfants du groupe placebo se représentent ou sont hospitalisés en raison de l'aggravation des symptômes, alors que ce n'est le cas d'aucun des enfants du groupe dexaméthasone. L'étude de Luria datant de 2001 6 concerne 364 enfants présentant tant des symptômes légers que plus sévères. L'intervention consiste en une administration orale de dexaméthasone à raison de 0,6 mg/kg, ou de dexaméthasone via un aérosol, ou d'un placebo. La dexaméthasone orale fait régresser plus vite les symptômes et réduit le nombre de contacts supplémentaires pour soins du faux croup, en comparaison avec le placebo et avec la dexaméthasone en aérosol.

Effet important?

Cette étude confirme à nouveau que la dexaméthasone à raison de 0,6 mg/kg per os peut être utile: le nombre d'enfants qui reconsultent pour faux croup endéans les sept jours diminue, les enfants dorment mieux, leurs parents sont moins stressés et les symptômes disparaissent plus vite. C'est de surcroît efficient et sûr: en effet, il n'y a pas d'indication dans cette étude ou dans d'autres que l'administration unique de corticostéroïdes puisse avoir des effets délétères à court ou à long terme. Les auteurs concluent que tous les enfants présentant un faux croup pourraient bénéficier d'un traitement à la dexaméthasone: le bénéfice est faible mais réel sans entraîner de surcoût (à ce jour connu). L'efficacité est cependant faible: treize enfants doivent être traités pour éviter une «consultation de retour»; la différence en symptômes n'est manifeste que dans les premières 24 heures; au jour 3 il n'y a plus de différence; la différence pour le sommeil est de l'ordre de quelques heures. La différence en stress chez les parents est minime. Un nombre équivalent d'enfants dans chaque groupe (environ 10%) rapporte une aggravation des symptômes au jours deux et trois. Traiter évite des coûts, mais cet argument est difficilement extrapolable dans d'autres pays ou dans d'autres situations.

Indications pour la pratique

Cette étude montre clairement ce que nous savions déjà: le faux croup est une affection auto-limitante. Après trois jours, 75% de tous les enfants sont déjà complètement guéris, tant dans le groupe placebo que dans le groupe dexaméthasone. Appliquer la conclusion des auteurs - soigner tous les enfants présentant un croup - signifie qu'à l'avenir, de nombreux enfants seront traités avec un médicament très puissant et possiblement dangereux pour une différence très brève et faible pour un groupe limité d'enfants. Quels seront les «coûts» de surdosages accidentels ou d'indications mal posées, risques qui augmenteront si l'usage prend de l'ampleur? Sommes-nous si sûrs de l'innocuité à long terme? L'administration unique de dexaméthasone ou de budésonide peut, peut-être, constituer un recours important chez des enfants présentant des symptômes plus francs (score de croup de 3 ou plus). Les enfants présentant peu de symptômes ont-ils besoin d'un traitement? La décision de «traiter ou ne pas traiter» pourrait bien être prise en concertation avec les parents du petit patient, en tenant compte des différents aspects du traitement et de ses résultats probables par rapport à l'évolution naturelle favorable du faux croup.

 

Conclusions

Cette étude montre qu'après une administration unique de dexaméthasone (0,6 mg/kg) à des enfants présentant un faux croup léger, moins d'enfants reconsultent les services médicaux. Les symptômes disparaissent plus rapidement, mais après trois jours, 75% des enfants sont asymptomatiques. Comme le faux croup est une affection auto-limitante et qu'un traitement avec des corticostéroïdes n'offre que peu d'avantages, il n'est pas indiqué de traiter tous les enfants qui présentent des symptômes légers de faux croup. Si une décision de traiter avec un corticostéroïde est malgré tout prise, ceci devrait se faire en concertation avec les parents.

 

Références

  1. Westley CR, Cotton EK, Brooks JG. Nebulized racemic epinephrine by IPPB for the treatment of croup: a double blind study. Am J Dis Child 1978;132:484-7.
  2. Okkes IM, Oskam SK, Lamberts H. Van klacht naar diagnose. Episodegegevens uit de huisartspraktijk. Bussum: Coutinho, 1998.
  3.  Russell K, Wiebe N, Saenz A et al. Glucocorticoids for croup. Cochrane Database Syst Rev 2004, Issue 1. :
  4. De Sutter A. Behandeling van pseudokroep met corticosteroïden. Huisarts Nu (Minerva) 1999;28(4):177-80.
  5. Geelhoed G, Turner J, Macdonald WB. Efficacy of a small single dose of oral dexamethasone for outpatient croup: a double blind placebo controlled clinical trial. BMJ 1996;313:140-2.
  6. Luria JW, Gonzalez-del-Ray JA, DiGuilio GA et al. Effectiveness of oral or nebulized dexamethasone for children with mild croup. Arch Pediatr Adolesc Med 2001;155:1340-5.
 
Dose unique de dexaméthasone chez des enfants présentant un croup bénin

Auteurs

De Sutter A.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

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