Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement du carcinome basocellulaire



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 10 Page 148 - 150

Professions de santé


Analyse de
Bath-Hextall F, Bong J, Perkins W, Williams H. Interventions for basal cell carcinoma of the skin: systematic review. BMJ 2004;329:705-9.


Question clinique
Quelle est l'efficacité des différents traitements du carcinome basocellulaire?


Conclusion
Cette synthèse méthodique conclut que la chirurgie est le traitement de référence pour le carcinome basocellulaire. La radiothérapie constitue une alternative mais donne un résultat esthétique inférieur. Des études comparatives avec d'autres traitements font défaut. D'autres études sont nécessaires pour déterminer la place exacte de tous les autres traitements destinés aux patients présentant un carcinome basocellulaire, y compris les traitements plus récents tels que la photothérapie dynamique et l'imiquimod.


 

Résumé

Contexte

Le carcinome basocellulaire est le cancer le plus fréquent et se rencontre de plus en plus souvent chez des personnes plus jeunes. Il métastase rarement, mais peut cependant occasionner localement des destructions tissulaires importantes. Bien que la prise en charge du carcinome basocellulaire reste en premier lieu la chirurgie (avec un contrôle éventuel des marges de section), d'autres possibilités de traitement sont proposées, telles que le curetage, la cryochirurgie, le laser, la radiothérapie, le traitement topique avec le 5-fluorouracil ou l'imiquimod, la thérapie photo-dynamique et l'interféron intra-lésionnel.

Méthode

Synthèse méthodique.

 

Sources consultées

Les auteurs ont cherché dans Medline (1966-2003), Embase (1980-2003), le Cochrane Skin Group Specialised Register (2003), la Cochrane Library (2004), dans les listes de références des études et des synthèses méthodiques et ont contacté des experts.

Etudes sélectionnées

Les études randomisées, contrôlées, qui ont évalué des interventions pour des carcinomes basocellulaires dont le diagnostic est, au préalable, confirmé histologiquement. Dix-huit études ont été incluses, dont quatre sont de bonne qualité et quatorze de qualité moyenne.

Population étudiée

Le nombre de patients inclus dans les études varie de 35 à 174, avec un âge moyen d'environ 60 ans 1. Le diamètre des lésions n'excédait pas les 2 cm dans la plupart des études.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est le contrôle clinique de la tumeur après un suivi de trois à cinq ans. Les critères de jugement secondaires sont une récidive précoce confirmée histologiquement (endéans les six mois) et les effets indésirables du traitement.

 

Résultats

Les 18 études incluses sont fort hétérogènes, ce qui rend la sommation des données impossible pour certains traitements.

L'excision chirurgicale avec contrôle peropératoire des marges de section versus radiothérapie d'un carcinome basocellulaire du visage (diamètre <40mm) donne, dans une étude (n=347), après un suivi de quatre ans, un moindre taux de rechute tumorale (OR 0,09; IC à 95% de 0,01 à 0,67) et un meilleur résultat esthétique.

Une étude (n=93) montre, après un an, un nombre significativement supérieur de récidives (39% vs 4%) après cryothérapie versus radiothérapie.

Une étude (n=96) dans des cas de carcinome superficiel et nodulaire, du visage, ne montre pas de différence significative de récidive entre la cryochirurgie ou l'excision chirurgicale, après un an de suivi.

Une étude (n=88) n'a pas observé, en cas de carcinome basocellulaire superficiel et nodulaire, de différence significative pour les récidives après thérapie photodynamique versus cryochirurgie (5% vs 13%). Le résultat esthétique est significativement meilleur dans le groupe thérapie photodynamique.

Aucune étude comparative n’est disponible concernant l'interféron intralésionnel, le fluorouracil et l'imiquimod 5%.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu'une recherche qualitative du traitement du carcinome basocellulaire fait défaut. La plupart des études incluent des patients dont le carcinome basocellulaire est situé à des endroits à faible risque. Ils proposent la chirurgie et la radiothérapie comme traitements probablement les plus efficaces. La chirurgie connaît le moins d'échecs thérapeutiques. D'autres traitements pourraient avoir une place mais doivent encore être comparés à la chirurgie.

 

Financement

Non mentionné.

Conflits d'intérêt

Tous les auteurs sont impliqués dans une étude randomisée, contrôlée, dans laquelle l'imiquimod est comparé à l'excision pour le traitement du carcinome basocellulaire superficiel et nodulaire. Cette étude est financée par Cancer Research UK.

 

Discussion

Banque de bonnes études

L'incidence annuelle du carcinome basocellulaire est estimée à 200 pour 100 000 personnes dans nos contrées et peut atteindre environ 1% dans certaines régions de l'Australie 2,3. L'incidence connaît encore toujours une croissance de plus de 10% par an dans la population blanche des Etats-Unis 3. En raison de son évolution locale destructrice, le carcinome basocellulaire est potentiellement fort mutilant en particulier dans le visage ou en cas de traitement inadéquat3. Les auteurs de cette synthèse méthodique soulignent qu'en dépit de la forte incidence du carcinome basocellulaire et d'une possible implication sur le plan de la santé publique, peu d'études de bonne qualité en analysent la prise en charge adéquate. Il faut souligner que les auteurs prennent comme critère de jugement primaire la récidive clinique sur un suivi de trois à cinq ans, se basant sur le fait que 2/3 des récidives surviennent endéans les trois premières années et 18% cinq ou dix ans après le traitement. Seule une des études incluses suit les patients pendant plus de trois ans 1. Le suivi des autres études varie de six mois à deux ans. Dans treize études une évaluation histologique est pourtant réalisée après huit à seize semaines 2.

L'excision comme traitement de base

La chirurgie reste le traitement de référence du carcinome basocellulaire 2. Une excision avec une marge saine de 2 à 4 mm donne dans 95% des cas un contrôle suffisant. Lors d'une excision jugée incomplète en fonction du diagnostic histologique, la réexcision immédiate est le traitement de choix 2. La chirurgie micrographique de Mohs est une forme spécialisée de chirurgie exigeante en main d'œuvre, qui effectue un contrôle peropératoire des marges de section. Le but est d'obtenir un contrôle tumoral adéquat avec une épargne maximale du tissu sain. Dans une étude randomisée, contrôlée, récemment publiée, l'excision avec une marge saine de 3 mm est comparée à la chirurgie de Mohs pour le traitement de carcinomes basocellulaires primaires ou récidivants, d'un diamètre maximal de 1 cm et localisés au visage 4. La différence observée n’est pas significative pour le nombre de récidives postopératoires (30 mois de suivi). Celles-ci sont au nombre de 1% (maximum 3,7%) pour un carcinome basocellulaire primaire et de 3% (maximum 5%) pour une lésion récidivante. Le résultat esthétique est comparable. Par contre, davantage de complications sont observées après une excision avec une marge de 3 mm en comparaison avec la chirurgie de Mohs pour une récidive de carcinome basocellulaire. Le curetage, l'électrodessication, la cryochirurgie et le laser CO2 sont d'autres techniques destructrices connaissant plus d'échecs thérapeutiques possibles 2. L'inconvénient de ces techniques est l'absence de contrôle histologique des marges tumorales et une guérison de la plaie qui peut être prolongée en comparaison avec l'excision avec suture 2.

Le traitement avec le 5-fluorouracil provoque souvent des réactions locales intenses avec formation de cicatrices, ce qui en limite l'usage surtout au niveau du visage 2. Une étude qui compare la radiothérapie à la chirurgie avec contrôle des marges de section sur coupe congelée, montre un risque de récidive significativement plus élevé dans le groupe radiothérapie 3. Le résultat esthétique est de surcroît nettement moins bon dans ce dernier groupe de patients. La radiothérapie peut être envisagée pour un carcinome basocellulaire lorsque la chirurgie curatrice n'est pas possible pour l'une ou l'autre raison 1. La thérapie photodynamique, l'imiquimod et l'interféron sont des traitements plus récents et plus onéreux. Le traitement à base d'interféron trouvera moins une place dans la pratique courante en raison de ses effets indésirables systémiques 5. Pour le carcinome basocellulaire nodulaire, une étude récente montre, après un an de suivi, une tendance à une récidive tumorale plus grande après thérapie photodynamique versus chirurgie (17% versus 4%) 6. Le taux de récidives en cas de carcinome basocellulaire superficiel est habituellement plus bas7. Le résultat esthétique de la thérapie photodynamique est cependant supérieur à celui de la chirurgie 6,7. Une étude de phase III contrôlée versus excipient montre, pour le carcinome basocellulaire superficiel, une disparition histologique tumorale dans 80% des cas grâce à l'application quotidienne d'imiquimod durant six semaines 8. Une étude contrôlée comparant l'imiquimod avec la chirurgie est en cours.

Conclusions

Cette synthèse méthodique conclut que la chirurgie est le traitement de référence pour le carcinome basocellulaire. La radiothérapie constitue une alternative mais donne un résultat esthétique inférieur. Des études comparatives avec d'autres traitements font défaut. D'autres études sont nécessaires pour déterminer la place exacte de tous les autres traitements destinés aux patients présentant un carcinome basocellulaire, y compris les traitements plus récents tels que la photothérapie dynamique et l'imiquimod.

 

Références

  1. Bath FJ, Bong J, Perkins W, Williams HC. Interventions for basal cell carcinoma of the skin. Cochrane Database Syst Rev 2003, Issue 2.
  2. Thissen M, Neumann H, Schouten L. A systematic review of treatment modalities for primary basal cell carcinomas. Arch Dermatol 1999;135:1177-83.
  3. Wong CS, Strange RC, Lear JT. Basal cell carcinoma. BMJ 2003;327:794-8.
  4. Smeets NW, Krekels GA, Ostertag JU, et al. Surgical excision vs Mohs' micrographic surgery for basal-cell carcinoma of the face: randomised controlled trial. Lancet 2004;364:1766-72.
  5. Avril M, Auperin A, Margulis A et al. Basal cell carcinoma of the face: surgery or radiotherapy? Results of a randomized study. Br J Cancer 1997;76:100-6.
  6. Rhodes L, de Rie M, Engstrom Y et al. Photodynamic therapy using topical methyl aminolevulinate vs surgery for nodular basal cell carcinoma: results of a multicenter randomized prospective trial. Arch Dermatol 2004;140:17-23.
  7. Horn M, Wolf P, Wulf HC et al. Topical methyl aminolaevulinate photodynamic therapy in patients with basal cell carcinoma prone to complications and poor cosmetic outcome with conventional treatment. Br J Dermatol 2003;149:1242-9.
  8. Schulze HJ, Cribier B, Requena L et al. Imiquimod 5% cream for the treatment of superficial basal cell carcinoma: results from a randomized vehicle-controlled phase III study in Europe. Br J Dermatol 2005;152:939-47.

Noms de marque

5-Fluorouracil: Efudix ®

Imiquimod: Aldara®

 

 

 

Traitement du carcinome basocellulaire

Auteurs

Brochez L.
Dienst Dermatologie, UZ Gent
COI :

Glossaire

étude en phase 3

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