Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement d’une infection urinaire chez la femme âgée: 3 jours versus 7



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 8 Page 118 - 119

Professions de santé


Analyse de
Vogel T, Verreault R, Gourdeau M et al. Optimal duration of antibiotic therapy for uncomplicated urinary tract infection in older women: a double-blind randomized controlled trial. CMAJ 2004;170:469-73.


Question clinique
Existe-t-il une efficacité et une sécurité différentes entre trois et sept jours de traitement par ciprofloxacine orale chez des femmes âgées présentant une infection urinaire non compliquée?


Conclusion
Cette étude montre, dans une population sélectionnée de femmes plus âgées présentant une infection urinaire non compliquée,qu’un traitement par ciprofloxacine (deux fois 250 mg/jour) est aussi efficace en cure de trois ou de sept jours en termes de critères microbiologiques et cliniques. Pour pouvoir transposer de tels résultats dans une population non sélectionnée en première ligne de soins, il semble indiqué de réaliser d’autres études avec un antibiotique de premier choix.


 

Résumé

Contexte

Différentes RCTs en double aveugle ont déjà montré une efficacité égale d’une antibiothérapie courte, de trois jours, et de sept jours, en cas d’infection urinaire non compliquée chez des femmes avant la ménopause 1-3. De telles RCTs en double aveugle manquaient pour les femmes plus âgées. Dans cette population, les infections urinaires sont encore souvent traitées par cures de plus longue durée, mais des cures plus courtes présenteraient des avantages au point de vue observance et tolérance.

Population étudiée

Sur base des résultats de leurs cultures urinaires effectuées dans les laboratoires cliniques de tous les hôpitaux de la ville de Québec (Canada), toutes les femmes âgées de plus de 65 ans, hospitalisées ou non, ont été invitées à participer à une étude. Les critères d’inclusion sont: culture urinaire positive (au moins 105 colonies du même germe urinaire pathogène par ml d’urines) et présence d’au moins une parmi les six plaintes suivantes: dysurie, miction fréquente, urgence mictionnelle, douleur suprapubienne, miction douloureuse et incontinence urinaire de survenue nouvelle ou aggravée.Les critères d’exclusion sont: pyélonéphrite ou choc septique, consommation d’antibiotique (ciprofloxacine exceptée) dans les trois jours précédents, clairance de créatinine inférieure à 30 ml/min/1,73 m, allergie aux fluoroquinolones, anomalie des voies urinaires structurelle ou fonctionnelle, rétention urinaire importante, utilisation d’une sonde urinaire dans les six derniers jours,immunodéficience et diabète sucré. Finalement, 183 femmes d’un âge moyen de 79 ans sont reprises dans cette étude, dont 73 à 81% traitées en ambulatoire, et dont 25% avaient présenté une infection urinaire dans l’année précédente.

Protocole d’étude

Cette RCT en double aveugle, contrôlée versus placebo, répartit ses sujets dans deux groupes: le premier (n=93) reçoit 250 mg de ciprofloxacine deux fois par jour pendant trois jours puis quatre jours de placebo, le second (n=90) reçoit 250 mg de ciprofloxacine deux fois par jour pendant sept jours. Un contrôle urinaire et une récolte des symptômes sont répétés aux jours cinq et neuf et après six semaines.

Mesure des résultats

Les critères de jugement primaires sont une éradication bactérienne deux jours après la fin du traitement et le risque de rechute ou une nouvelle infection six mois après la fin du traitement. Une éradication bactérienne est définie comme étant la disparition du pathogène initial, une nouvelle infection comme la présence d’une bactériurie significative avec un autre pathogène, et une rechute comme une récidive d’une bactériurie significative avec le même pathogène. Le critère de jugement secondaire est l’amélioration clinique deux jours après la fin du traitement.L’analyse est faite en intention de traiter.

Résultats

Deux jours après la fin du traitement, l’éradication bactérienne est de 98% dans le groupe 3 jours et de 93% dans le groupe 7 jours (p=0,16). Six semaines après le traitement, une nouvelle infection est mise en évidence chez 14% des patientes du groupe 3 jours pour 18% dans le groupe 7 jours (p=0,54) et une rechute chez respectivement 15% et 13% des femmes (p=0,83). Deux jours après la fin du traitement, au moins un des symptômes est amélioré ou disparu chez 98% des femmes du groupe 3 jours et chez 92% de celles du groupe 7 jours (p=0,15). Le nombre moyen d’effets indésirables est moindre dans le groupe 3 jours aussi bien après cinq qu’après neuf jours. Dans ce groupe 3 jours, moins de fatigue et de perte d’appétit sont observées aux jours cinq et neuf, ainsi que moins de nausées et de vomissements au jour neuf.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un traitement d’une infection urinaire symptomatique d’une femme âgée par une antibiothérapie de trois jours n’est pas moins efficace qu’une cure de sept jours, et qu’une cure plus courte est mieux tolérée.

Financement

Fonds de la recherche en santé du Québec. Un des auteurs a reçu une bourse de l’Université de Laval.

Conflits d’intérêt

Aucun n’est mentionné.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Le protocole de cette RCT est correct mais certaines remarques sont cependant à faire sur sa méthodologie. Le bât blesse surtout pour le recrutement des patientes, basé sur des données de laboratoires de microbiologie récoltant quotidiennement des échantillons d’urines prélevées en cas d’infection urinaire non compliquée. Ces échantillons ne proviennent pas de la médecine générale mais de «hospital acute care clinics» et de consultations ambulatoires dans des cliniques où travaillent ou non des médecins de famille. Les patientes sont ensuite contactées par leur médecin traitant avec une demande de participation à l’étude. Deux jours au moins s’écoulent entre la récolte d’échantillon et la randomisation. Ce mode de recrutement permet-il de sélectionner un échantillon représentatif de patientes présentant une infection urinaire non compliquée? Nous ignorons également si, au Canada, il est courant de demander systématiquement une culture urinaire en cas de suspicion d’infection urinaire non compliquée chez une femme plus âgée. Le risque de sélectionner ainsi une population «plus compliquée » est donc important.Que, malgré cette donnée, un traitement de trois jours donne des résultats aussi bons qu’une cure de sept jours est rassurant.

Les auteurs ne mettent en évidence aucune différence entre les deux groupes en ce qui concerne l’amélioration clinique (critère secondaire). Un succès thérapeutique dans ce domaine est défini comme étant une amélioration ou la disparition d’au moins un symptôme. D’autres critères, plus adéquats, auraient été possibles, comme l’évaluation globale de la sensation de maladie sur une échelle visuelle analogique ou la rémission de l’ensemble des symptômes. Les auteurs mentionnent eux-mêmes que l’exclusion des femmes présentant une comorbidité importante et de celles en institution de soins rend les résultats moins représentatifs de l’ensemble de la population féminine âgée. Pour l’analyse en intention de traiter, les auteurs font une manipulation notoire: une sortie d’étude dans le groupe 3 jours est considérée comme un échec thérapeutique, une sortie d’étude dans le groupe 7 jours est considérée comme un succès thérapeutique. Ceci est au détriment des résultats pour le groupe 3 jours.

Importance de l’étude

La question de recherche de cette étude est intéressante, les études évaluant la durée de traitement optimale en cas d’infection urinaire non compliquée concernant en général uniquement des femmes plus jeunes. Il est regrettable que le critère de jugement primaire soit des résultats microbiologiques, éradication, nouvelle infection, rechute. Ce choix est sans doute inspiré par le présupposé des auteurs qu’une infection urinaire non compliquée est liée à une morbidité importante dans une population féminine âgée. Dans cette optique, une guérison bactériologique est en effet à cibler plus qu’une guérison clinique. Il existe cependant peu de preuves pour ce présupposé chez des femmes sans comorbidité. En pratique de médecine générale, nous sommes principalement intéressés par un contrôle correct des symptômes.

Le choix de l’antibiotique s’est porté sur la ciprofloxacine. Les auteurs le motivent en faisant référence à l’efficacité prouvée de cet antibiotique dans les infections urinaires et au faible taux de résistance bactérienne avec cette molécule. En Belgique, elle ne représente pas un premier choix antibiotique en cas de cystite non compliquée 4. Les résultats de cette étude sont donc moins pertinents pour les médecins belges.

 

Conclusions

Cette étude montre, dans une population sélectionnée de femmes plus âgées présentant une infection urinaire non compliquée,qu’un traitement par ciprofloxacine (deux fois 250 mg/jour) est aussi efficace en cure de trois ou de sept jours en termes de critères microbiologiques et cliniques. Pour pouvoir transposer de tels résultats dans une population non sélectionnée en première ligne de soins, il semble indiqué de réaliser d’autres études avec un antibiotique de premier choix.

 

Références

  1. Trienekens TA, Stobberingh EE,Winkens RA, Houben AW. Different lengths of treatment with co-trimoxazole for acute uncomplicated urinary tract infections in women. BMJ 1989;299:1319-22.
  2. Trienekens TA, London NH, Houben AW et al. Treating acute urinary tract infections. An RCT of 3-day versus 7-day norfloxacin. Can Fam Physician 1993;39:514-8.
  3. The Inter-Nordic Urinary Tract Infection Study Group. Double-blind comparison of 3-day versus 7-day treatment with norfloxacin in symptomatic urinary tract infections. Scand J Infect Dis 1988;20:619-24.
  4. Christiaens T, Callewaert L. Cystite chez la femme. Groupe de Travail Pratique Ambulatoire de la Commission de coordination de la politique antibiotique BAPCOC.
 
Traitement d’une infection urinaire chez la femme âgée: 3 jours versus 7

Auteurs

Christiaens T.
Klinische Farmacologie, Vakgroep Farmacologie, UGentVakgroep Fundamentele en Toegepaste Medische Wetenschappen, UGent
COI :

De Backer D.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

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