Revue d'Evidence-Based Medicine



Efficacité de faibles doses d'antihypertenseurs et de leurs associations



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 5 Page 70 - 72

Professions de santé


Analyse de
Law MR, Wald NJ, Morris JK, Jordan RE. Value of low dose combination treatment with blood pressure lowering drugs: analysis of 354 randomised trials. BMJ 2003;326:1427-34.


Question clinique
Quelle est l’efficacité moyenne des antihypertenseurs, administrés à différentes doses et en associations variables, sur la pression artérielle et sur le risque d’accident vasculaire cérébral ou d’événement ischémique cardiaque et quelle est la prévalence de leurs effets indésirables?


Conclusion
Cette méta-analyse montre, chez des patients présentant une hypertension non compliquée, qu’une dose faible d’antihypertenseurs peut permettre d’obtenir une diminution importante de la pression artérielle avec une réduction du nombre d’effets indésirables. Les antihypertenseurs en association fixe n’apportent pas de plus-value par rapport aux produits pris séparément. Lors du traitement d’un patient présentant une hypertension artérielle essentielle non compliquée, le généraliste débutera avec un antihypertenseur de première ligne en dose faible (diurétique thiazidique ou ß-bloquant). Si la réponse est insuffisante, un autre antihypertenseur à dose faible sera ajouté.


 

Résumé

Contexte

L’hypertension artérielle reste sous-traitée dans le monde occidental, également en Belgique, et les traitements devraient être intensifiés. Les questions du choix de la molécule, de sa dose et des associations possibles, restent ouvertes.

Méthodologie

 

Sources consultées

Les auteurs ont fait des recherches dans Medline, dans la Cochrane Library et dans le Web of Science.

Sélection des études

La méta-analyse inclut 354 RCTs, versus placebo, qui ont évalué la modification de la pression artérielle suite à l’administration de doses standardisées de diurétiques thiazidiques, de bêta-bloquants, d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion, d’antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II et d’antagonistes calciques.

Population étudiée

Un total de 39 879 patients reçoit un traitement actif et 15 817 patients prennent un placebo. L’âge moyen oscille entre 43 et 68 ans et le suivi s’est fait sur 2 à 12 semaines. La pression diastolique au début de l’étude se situe entre 87 et 106 mmHg. Les patients avec antécédents cardiovasculaires sont exclus.

Mesure des résultats

La réduction moyenne sommée (par rapport au placebo) et la prévalence des effets indésirables sont calculées selon la dose employée comme fraction de la dose de référence.

Résultats

Les cinq classes d’antihypertenseurs permettent d’obtenir des diminutions de pression similaires.La réduction moyenne sur 24 heures est de 9,1 mmHg (IC à 95% de 8,8 à 9,3) pour la pression systolique et de 5,5 mmHg (IC à 95% de 5,4 à 5,7) pour la diastolique avec une dose de référence versus 7,1 mmHg (IC à 95% de 6,8 à 7,5) pour la pression systolique et 4,4 mmHg (IC à 95% de 4,2 à 4,6) pour la diastolique avec la moitié de la dose de référence.L’ampleur de la réduction des chiffres tensionnels est fonction des chiffres initiaux.L’effet des antihypertenseurs est majoré de 1 mmHg pour la pression systolique et de 1,1 mmHg pour la pression diastolique pour chaque tranche d’accroissement de 10 mmHg de la pression en début d’étude. Cinquante RCTs ont évalué l’efficacité d’une association d’antihypertenseurs; la sommation de leurs résultats montre une réduction des chiffres tensionnels à peu près similaire en cas d’administration de deux antihypertenseurs de classes différentes versus administration d’une association fixe de ceux-ci. Les effets indésirables des thiazidés, des ß-bloquants et des antagonistes calciques sont clairement dose-dépendants.Pour une réduction de moitié par rapport à la dose de référence, la prévalence de ces effets indésirables diminue de 10% à 2% pour les thiazidés (p<0,001), de 7,5% à 5,5% pour les ß-bloquants (p=0,04) et de 8,3% à 1,6% pour les antagonistes calciques (p<0,001).La toux est quasiment le seul effet indésirable des IEC (4%) et ceci indépendamment de la dose. Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II n’occasionnent pas significativement plus d’effets indésirables qu’un placebo.Avec la réduction de dose des thiazidés de moitié de celle de référence, la diminution de la kaliémie est trop faible que pour accroître le risque de troubles du rythme. L’augmentation du taux sanguin d’acide urique a occasionné des crises de goutte chez moins d’un patient pour 1 000 par an. La prévalence des effets indésirables d’une association (7,5%; IC à 95% de 5,8 à 9,3) est significativement plus basse (p=0,03) que la somme de ces effets observés pour les antihypertenseurs administrés séparément (2 fois 5,2%; IC de 95% de 3,6 à 6,6).

Conclusions des auteurs

Les auteurs concluent que l’association d’antihypertenseurs à des doses faibles augmente leur efficacité et diminue les effets indésirables.

Financement

Aucun.

Conflits d’intérêt

Deux auteurs ont déposé un brevet pour une nouvelle préparation combinée (non précisée) qui pourrait réduire simultanément quatre facteurs de risque cardiovasculaires.

 

Discussion

La recommandation précède les preuves

Les valeurs cibles pour la pression artérielle des patients présentant un risque de présenter un évènement cardiovasculaire supérieur à 20% endéans les 10 ans ne peuvent être atteintes qu’au moyen d’une association rigoureuse de médicaments antihypertenseurs. Cette notion est connue depuis le début de «l’ère antihypertensive » 1 et a été ensuite confirmée à plusieurs reprises. L’efficacité des associations de médications à faible dose est également déjà connue depuis longtemps et ces associations sont largement utilisées par les généralistes 2. Les recommandations européennes les plus récentes concernant le traitement de l’hypertension franchissent un pas supplémentaire et suggèrent de débuter un traitement antihypertenseur avec des associations de produits faiblement dosés: «it appears reasonable to initiate therapy either with a low dose of a single agent or with a low dose combination of two agents» 3. Cette affirmation n’est cependant assortie d’aucune référence à la littérature, fait étonnant pour une publication dont on attend un haut niveau de preuve. Pour cause, l’étude analysée ici étant la première méta-analyse rigoureuse évaluant l’efficacité des antihypertenseurs faiblement dosés en monothérapie ou en association.Les deux publications sont parues à peu près au même moment (juin 2003). Cette méta-analyse n’en est donc que plus précieuse.

Avantages et limites de la méta-analyse

Cette méta-analyse n’inclut que des études contrôlées versus placebo, ce qui n’est plus possible actuellement pour des raisons éthiques. Cet avantage est également une limite: la plupart des publications datent d’avant 2001.Les détails des études incluses peuvent être consultés sur le site internet 4, mais les données (essentielles) permettant de juger de l’hétérogénéité sont absentes. Il est cependant évident que de nombreuses (n=20) petites études d’intervention ont été incluses et que la durée médiane de traitement se limite à quatre semaines (de deux à douze semaines maximum)! Par ailleurs, la population étudiée comprend uniquement des patients hypertendus sans complications, une population franchement de première ligne donc. Le fait que cette méta-analyse n’étudie l’efficacité que sur des critères de jugement intermédiaires, c’est-à-dire la réduction de la pression artérielle (et la survenue d’effets indésirables), pourrait être, à première vue, une autre limite. Comme il a été prouvé de façon répétée et très claire que la chute de la pression artérielle chez des patients hypertendus est associée directement et de façon indépendante à une amélioration significative de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaires 5, ceci n’est plus vraiment un problème.Toutes ces raisons rendent les résultats de cette méta-analyse quand même fort intéressants.

Avantages des doses faibles

Il est important de préciser ce que nous entendons par «dose de référence» d’un médicament antihypertenseur. Nous en citons certaines: chlorthalidone 25 mg, indapamide 2,5 mg, aténolol 50 mg, propranolol 160 mg, captopril 50 mg et félodipine 5 mg. Une «dose faible» est une dose d’au moins la moitié de la dose de référence. Ce qui veut dire 12,5 mg pour la chlorthalidone, 25 mg pour l’aténolol etc. La réduction de pression artérielle obtenue avec des doses faibles, n’est que de 20% inférieure aux diminutions obtenues avec des doses de référence. Cette diminution importante de pression artérielle s’accompagne aussi d’un gain important en termes de moindre survenue d’effets indésirables, du moins pour les thiazidés et les antagonistes calciques. Les effets indésirables des autres catégories d’antihypertenseurs sont moins doses-dépendants.

Avantages de l’association?

Cette méta-analyse nous apprend à évaluer la différence dans la réduction de pression artérielle obtenue par une association fixe versus la somme des efficacités de deux antihypertenseurs faiblement dosés pris séparément. Lorsque les résultats des deux modes d’administration différents sont exprimés sur le même graphique, nous observons une ligne qui est pratiquement identique à la ligne de similitude; il n’y a donc presque pas de différence.La différence n’est en moyenne que de -0,5 mmHg (IC à 95% de -1,4 à 0,4) pour l’effet sur la pression systolique et de -0,1 mm Hg (IC à 95% de -1,0 à 0,8) pour l’effet diastolique. En d’autres mots: il n’y a pas de plus-value significative en termes de diminution de la pression artérielle avec une association fixe de médicaments par rapport à la somme des deux antihypertenseurs pris séparément.

Cette méta-analyse apporte des arguments, en dépit des objections méthodologiques, pour la prise en charge par le médecin généraliste des patients présentant une hypertension légère à modérée non compliquée, telle qu’elle a été proposée dans la recommandation belge. «Le traitement débute par une faible dose (de thiazidé ou de ß- bloquant) … Si le contrôle de la pression artérielle s’avère insuffisant, la dose est majorée prudemment, ou, pour éviter les effets indésirables, il est souvent préférable d’y adjoindre rapidement une petite dose d’un deuxième médicament. Une association fixe peut être éventuellement utilisée» 6.

 

Recommandations pour la pratique

Cette méta-analyse montre, chez des patients présentant une hypertension non compliquée, qu’une dose faible d’antihypertenseurs peut permettre d’obtenir une diminution importante de la pression artérielle avec une réduction du nombre d’effets indésirables. Les antihypertenseurs en association fixe n’apportent pas de plus-value par rapport aux produits pris séparément. Lors du traitement d’un patient présentant une hypertension artérielle essentielle non compliquée, le généraliste débutera avec un antihypertenseur de première ligne en dose faible (diurétique thiazidique ou ß-bloquant). Si la réponse est insuffisante, un autre antihypertenseur à dose faible sera ajouté.

La rédaction

 

Références

  1. Veterans Administration Cooperative Study Group on Antihypertensive Agents. Effects of treatment on morbidity in hyperpression. Results in patients with diastolic blood pressure averaging 115 through 129 mm Hg. JAMA 1967;202:1028-34.
  2. Chrysant SG. Fixed low-dose drug combination for the treatment of hyperpression. Arch Fam Med 1998;7:370-6.
  3. European Society of Hyperpression - European Society of Cardiology Guidelines Committee. 2003 Guidelines for the management of arterial hyperpression. J Hypertens 2003;21:1011-53.
  4. www.smd.qmul.ac.uk/wolfson/bpchol
  5. Staessen JA,Wang JG, Thijs L. Cardiovascular prevention and blood pressure reduction: a quantitative overview updated until 1 March 2003. J Hypertens 2003;21:1055-76.
  6. De Cort P,Philips H,Govaerts F,Van Royen P. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering: Hypertensie. Huisarts Nu 2003;32:387-411.
 
Efficacité de faibles doses d'antihypertenseurs et de leurs associations

Auteurs

De Cort P.
em. Huisartsgeneeskunde, KU Leuven
COI :

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