Revue d'Evidence-Based Medicine



Hystérectomie laparoscopique versus abdominale et vaginale



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 3 Page 48 - 50

Professions de santé


Analyse de
Garry R, Fountain J, Mason S et al. The eVALuate study: two parallel randomised trials, one comparing laparoscopic with abdominal hysterectomy, the other comparing laparoscopic with vaginal hysterectomy. BMJ 2004;328:129-35.


Question clinique
Les complications postopératoires sont-elles différentes en fonction de l’abord laparoscopique, abdominal ou vaginal de l’hystérectomie?


Conclusion
L’étude montre que l’hystérectomie laparoscopique comparée aux hystérectomies vaginale et abdominale présente davantage de complications majeures et une durée opératoire allongée. La définition de complication majeure et l’expérience limitée de certains chirurgiens pour les techniques utilisées sont cependant des biais importants dans cette étude. L’indication d’une hystérectomie reste une question préalable au choix de la technique.


 

Résumé

Contexte

Les abords classiques de l’hystérectomie sont abdominal et vaginal. Depuis plus d’une décennie, l’abord laparoscopique est une autre possibilité. Le choix d’une technique en particulier est étroitement lié à la préférence du chirurgien ou du service chirurgical. Plusieurs études ont comparé les résultats d’une hystérectomie laparoscopique à l’hystérectomie abdominale ou vaginale. Aucune de ces études n’avait cependant une puissance suffisante pour évaluer la sécurité des différentes interventions.

Population étudiée

Un total de 43 gynécologues, répartis dans 30 centres (28 au Royaume-Uni et deux en Afrique du Sud), a inclus, durant quatre ans, 1 380 patientes, chez lesquelles une hystérectomie était indiquée pour une affection bénigne. Dans 63% des cas, l’indication était la présence de saignements dysfonctionnels et dans 17% l’existence de fibromes. Les critères d’exclusion étaient: volume utérin dépassant l’équivalent d’un utérus gravide de douze semaines, prolapsus utérin stade 2 ou 3, contre-indications à la laparoscopie et la nécessité d’une intervention simultanée sur le plancher pelvien. Les caractéristiques démographiques étaient comparables entre les groupes étudiés. L’âge moyen des femmes était de 41 ans et l’indice de masse corporelle (IMC) était de 26 kg/m². Plus de 60% des femmes avaient déjà subi une intervention du petit bassin.

Protocole d’étude

Deux études parallèles, multicentriques, randomisées, ont réparti des femmes en fonction du choix clinique du gynécologue dans un “bras abdominal” (n=876) comparant l’hystérectomie abdominale à l’hystérectomie laparoscopique et un “bras vaginal” (n=504) comparant l’hystérectomie vaginale à l’hystérectomie laparoscopique. Dans chacun de ces deux bras, les femmes ont été réparties à l’aide d’une randomisation informatisée centrale selon un rapport de 2 pour 1 (deux interventions laparoscopiques pour une vaginale ou abdominale). Les femmes ont été revues après 6 semaines. Un questionnaire leur a été envoyé après quatre mois et après un an.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est la survenue d’au moins une complication majeure: hémorragie majeure (avec nécessité d’une transfusion), hématome (avec transfusion ou drainage), lésion intestinale, vésicale ou urétérale, embolie pulmonaire, problème anesthésique majeur, laparotomie imprévue (conversion lors de l’intervention ou ré-intervention), déhiscence de plaie. Les critères de jugement secondaires sont des complications mineures (telles que saignement ou hématome limité, infection ou thrombose veineuse profonde (TVP), quantité de sang perdu, douleur postopératoire (évaluée au moyen d’une échelle visuelle analogique (EVA) et recours à des analgésiques) et qualité de vie (rapports sexuels, image de soi et bien-être général). L’analyse est menée en intention-de-traiter.

Résultats

Dans le “bras abdominal”, l’hystérectomie laparoscopique est associée à un nombre de complications majeures significativement plus élevé (différence moyenne 4,9%; IC à 95% de 0,9 à 9,1; p=0,02, voir tableau). Cette différence correspond à un Odds Ratio de 1,91 (IC à 95% de 1,11 à 3,28) et un NNN de 20.La durée de l’intervention chirurgicale pour l’hystérectomie laparoscopique est plus longue, mais elle est associée à moins de douleur post-opératoire (score EVA de 3,51 versus 3,88; p=0,01) et à un séjour hospitalier raccourci (trois versus quatre jours). Pas de différence en termes de qualité de vie après quatre ou douze mois.

Dans le “bras vaginal”, aucune différence n’est observée pour le nombre de complications majeures entre l’hystérectomie laparoscopique ou par voie vaginale (différence moyenne de 0,3%; IC à 95% de –2,2 à 5,8; p=0,92, voir tableau). Dans ce cas également, la durée d’intervention est plus longue pour l’hystérectomie laparoscopique (72 versus 39 minutes). Pas d’autre différence entre les deux groupes.

 

Tableau: Critères de jugement primaire et secondaires dans le “bras abdominal” (hystérectomie abdominale vs laparoscopique) et dans le “bras vaginal” (hystérectomie vaginale vs laparoscopique).

 

Bras abdominal

Bras vaginal

 

Abdominal

(n=292)

Laparoscopique

(n=584)

Vaginal

(n=168)

Laparoscopique

(n=336)

Patientes avec 1 complication(s) majeure(s)

18 (6,2%)

65 (11,1%)

16 (9,5%)

33 (9,8%)

Saignement majeur

7

27

5

17

Lésion intestinale

3

1

0

0

Lésion urétérale

0

5

0

1

Lésion vésicale

3

12

2

3

Embolie pulmonaire

2

1

0

2

Problème d’anesthésie

0

5

0

2

Conversion vers autre technique

1

23

7

9

Révision

1

3

0

1

Déhiscence de plaie

1

1

0

1

Hématome

2

4

22

7

Autres

0

0

1

0

Patientes avec ≥1 complication(s) mineure(s)

79 (27,1%)

147 (25,2%)

47 (27,9%)

78 (23,2%)

Durée opératoire médiane (min.)

50

84

39

72

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que l’hystérectomie par voie laparoscopique comparée à l’hystérectomie abdominale s’accompagne d’un nombre de complications majeures significativement plus élevé. La chirurgie laparoscopique dure plus longtemps mais entraîne moins de douleur postopératoire, un rétablissement plus prompt et une meilleure qualité de vie à court terme. Le nombre de patientes incluses dans le “bras vaginal” ne permet pas d’atteindre une puissance suffisante pour se prononcer sur des complications majeures. La durée opératoire de l’hystérectomie vaginale était plus courte que celle de la chirurgie par voie laparoscopique.

Financement

National Health Service, Royaume-Uni.

Conflits d’intérêt

Aucune mention.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Pour obtenir une puissance de 80%, les auteurs avaient calculé la nécessité d’inclure un nombre de 487 patientes dans chaque groupe du “bras abdominal”. Dans le “bras vaginal”, ce nombre devait atteindre 1 141 patientes par groupe. Lors de la clôture de l’étude après quatre ans (par manque de fonds et en raison d’un recrutement fortement diminué), le nombre total de patientes incluses dans le groupe abdominal était de 876, donc inférieur au nombre souhaité. Les auteurs se sont rendus compte, dès le début de l’étude, que le nombre souhaité pour l’étude vaginale ne serait pas atteint, mais ils ont néanmoins permis à l’étude de démarrer parce qu’ils estimaient qu’elle serait la plus grande étude comparant l’abord laparoscopique et vaginal. Finalement 504 patientes furent incluses dans l’étude “voie vaginale”.

Définition des complications

Dans l’étude “voie abdominale”, les hystérectomies laparoscopiques s’accompagnent d’un nombre significativement plus élevé de complications majeures. Une des raisons principales expliquant cette observation est que la nécessité de passer à la laparotomie (conversion) est considérée comme une complication majeure. Cette seule complication est responsable de 3,9% des complications majeures du groupe intervention laparoscopique. En ne comptabilisant pas ces conversions, le pourcentage de complications majeures retombe à 7,2% et il n’y aurait probablement pas de différence statistique entre les deux groupes. Le fait de considérer la conversion comme une complication majeure pourrait faire hésiter les chirurgiens à choisir cette solution. Cette décision pourrait également avoir une implication sur le plan médico-légal 1.

En outre, le nombre de complications majeures dans cette étude est fort élevé, même en ne tenant pas compte des conversions 2. La raison possible en est un biais important. Tout d’abord les 584 hystérectomies laparoscopiques sont effectuées par 43 chirurgiens différents, donc treize seulement par chirurgien, réparties sur une période de quatre ans. De plus, les chirurgiens pouvaient participer à l’étude s’ils avaient un minimum d’apprentissage de 25 procédures, ce qui est également étonnamment peu. Enfin, l’article ne décrit pas de quelle façon les hystérectomies laparoscopiques sont effectuées et de quelle source d’énergie (coagulation bipolaire, laser, ligature avec fil) les chirurgiens disposaient. Dans une série de 1 600 hystérectomies laparoscopiques de Donnez 3, ses interventions se soldaient par 2% de complications majeures et les hystérectomies laparoscopiques subtotales (col utérin laissé en place) par 0,6% de complications majeures. Wattiez 4,5 a montré que le pourcentage de complications majeures descendait de 5,6% à 1,3% en comparant les six premières années d’expérience d’un chirurgien (695 hystérectomies laparoscopiques) avec les quatre années suivantes (952 hystérectomies laparoscopiques). En outre, le nombre de conversions chutait de 4,7 à 1,4%. Les auteurs mentionnent eux-mêmes une corrélation importante entre la manière dont les vaisseaux sont “ligaturés” et le taux de complications: des ligatures de vaisseaux ont été pratiquées dans seulement 7% des hystérectomies laparoscopiques, mais celles-ci sont responsables de 25% des complications majeures. D’autres techniques, certainement les plus récentes (telles que l’utilisation d’ultrasons et le “sealing” des vaisseaux), sont plus sûres 6,7.

Douleur

Les auteurs concluent que les hystérectomies laparoscopiques s’accompagnent de moins de douleur postopératoire et occasionnent dès lors un moindre recours à des analgésiques. Un protocole identique pour l’anesthésie et l’analgésie n’était cependant pas prévu, ce qui constitue un autre biais 8.Les auteurs argumentent qu’un protocole identique était prévu dans chaque centre, de sorte que toutes les patientes incluses dans un même centre bénéficiaient d’une même anesthésie et analgésie. Nous ne savons cependant pas combien de patientes sont incluses, par centre, dans chaque bras, de sorte que nous ne pouvons pas tirer de conclusions claires. L’étude “voie vaginale” possédait en outre une puissance insuffisante pour pouvoir se prononcer.

 

Conclusion

L’étude montre que l’hystérectomie laparoscopique comparée aux hystérectomies vaginale et abdominale présente davantage de complications majeures et une durée opératoire allongée. La définition de complication majeure et l’expérience limitée de certains chirurgiens pour les techniques utilisées sont cependant des biais importants dans cette étude. L’indication d’une hystérectomie reste une question préalable au choix de la technique.

 

Références

  1. Atkinson SW. Results of eVALuate study of hysterectomy techniques. Conversion to open surgery should not be regarded as major complication [Letter]. BMJ 2004;328:642.
  2. Donnez J, Squifflet J, Jadoul P et al. Results of eVALuate study of hysterectomy techniques. High rate of complications needs explanation [Letter]. BMJ 2004;328:643.
  3. Donnez J, Nisolle M, Smets M et al. LASH: laparoscopic subtotal hysterectomy. In: Donnez J,Nisolle M, eds.An atlas of operative laparoscopy and hysteroscopy. Carnforth: Parthenon, 2001:243-50.
  4. Wattiez A, Soriano D, Cohen SB et al. The learning curve of total laparoscopic hysterectomy: comparative analysis of 1647 cases. J Am Assoc Gynecol Laparosc 2002;9:339-45.
  5. Canis MJ, Wattiez A, Mage G et al. Results of eVALuate study of hysterectomy techniques. Laparoscopic hysterectomy may yet have a bright future [Letter]. BMJ 2004;328:642-3.
  6. Kunde D, Welch C. Ultracision in gynaecological laparoscopic surgery. J Obstet Gynaecol 2003;23:347-52.
  7. Harrell AG, Kercher KW, Henniford BT. Energy sources in laparoscopy. Semin Laparosc Surg 2004;11:204-9.
  8. Saunders SM. Results of eVALuate study of hysterectomy techniques. Degree of pain cannot be commented on [Letter]. BMJ 2004;328:642.  
 
Hystérectomie laparoscopique versus abdominale et vaginale

Auteurs

Weyers S.

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