Revue d'Evidence-Based Medicine
Housse de matelas imperméable aux allergènes des acariens
Minerva 2005 Volume 4 Numéro 2 Page 28 - 31
Professions de santé
Résumé
Contexte
Les données concernant l’efficacité clinique des mesures d’éviction des acariens des poussières de maison pour les patients asthmatiques sont contradictoires. La possibilité d’obtenir une diminution de l’exposition individuelle aux allergènes des acariens reste également imprécise.
Population étudiée
Issus de 154 pratiques de médecine générale, 21 045 patients asthmatiques âgés de 18 à 50 ans, utilisant régulièrement des corticostéroïdes inhalés,ont été invités à participer à l’étude: 4 654 personnes se sont portées candidates.
Ont été exclus, les patients utilisant déjà une housse de matelas anti-allergique ou ne consommant que 100 µg d’albutérol (ou équivalent) par jour. Finalement, 1 122 patients ont été randomisés. Leur âge moyen est de 36 ans et ils avaient soigneusement pris note, au cours d’une phase d’inclusion de quatre semaines, de leur débit expiratoire de pointe, de leurs symptômes et de leur consommation médicamenteuse. Avant la randomisation, le taux d’IgE sérique contre les allergènes des acariens avait été déterminé dans un laboratoire central. Les patients et les personnes qui en assuraient le suivi ne connaissaient pas ce résultat. Lors de la randomisation, 65% des patients étaient allergiques aux acariens, 55% avaient un animal domestique et 24% fumaient. Le taux d’allergènes des acariens dans les matelas étaient significatifs et similaires dans les deux groupes étudiés.
Protocole d’étude
Dans cette étude randomisée, contrôlée versus placebo, en double aveugle, 560 patients ont reçu une housse de matelas imperméable aux allergènes, mise en place par une infirmière et maintenue pendant un an. Ils recevaient également une taie d’oreiller imperméable aux allergènes et une couette. Les 562 patients du groupe contrôle ont reçu une housse de matelas non imperméable aux allergènes d’acariens. Aucune autre mesure d’éviction n’était recommandée dans les deux groupes. Une stratification a été faite en fonction des pratiques de médecine générale, des allergies aux acariens, de la présence d’animaux domestiques et des habitudes tabagiques.
Durant la première phase de l’étude (six premiers mois), les patients devaient maintenir leur dose quotidienne de corticostéroïdes inhalés constante. Une visite de contrôle a lieu après trois et six mois. Les patients devaient noter quotidiennement leurs valeurs de débit expiratoire de pointe et leurs symptômes durant les quatre semaines précédant la visite à 6 mois. Durant la deuxième phase (mois 7 à 12), en fonction des valeurs de débit expiratoire de pointe, l’utilisation des ß2-agonistes et, suivant l’avis du patient et du soignant, la dose de corticostéroïde inhalé ont été diminuées de 25 à 50% par mois.
Mesure des résultats
Les critères de jugement primaires sont les débits expiratoires de pointe moyens durant la première phase de l’étude et le pourcentage de patients pouvant diminuer leur consommation de corticostéroïde durant la deuxième phase de l’étude.
Les critères de jugement secondaires sont, durant la première phase de l’étude: le débit expiratoire de pointe vespéral, l’utilisation de ß2-agonistes, les symptômes diurnes et vespéraux, la fréquence des exacerbations aiguës, le nombre de jours d’absentéisme au travail et la qualité de vie. Durant la deuxième phase, le critère est le pourcentage de sujets pouvant diminuer sa dose de corticostéroïde inhalé.
Chez 10% de volontaires parmi les participants, des échantillons de poussières contenues dans le matelas ont été prélevés pour y doser quantitativement la concentration en allergènes d’acariens. Des comparaisons ont été faites entre les deux groupes dans leur totalité (allergie ou non aux acariens) mais également séparément pour les patients allergiques aux acariens.
R
ésultats
Après six mois, 90% des sujets participaient encore à l’étude pour 83% après 12 mois.Après 12 mois, 31 patients dans le groupe intervention et 12 patients dans le groupe contrôle (p=0,003) avaient éliminé leur housse.
Durant la première phase de l’étude, le débit expiratoire de pointe matinal est amélioré dans les deux groupes: de 410,7 l/min à 419,1 l/min dans le groupe intervention (p<0,001) et de 417,8 l/min à 427,4 l/min dans le groupe placebo (p<0,001). Après six mois, l’amélioration du débit expiratoire de pointe n’est pas significativement différente entre les deux groupes: -1,6 l/min (IC à 95% de –5,9 à 2,7; p=0,46) et -1,5 l/min (IC à 95% de -6,9 à 3,9; p=0,59). Aucune différence non plus pour les critères secondaires.
Durant la seconde phase de l’étude, aucune différence n’est observée entre les deux groupes en ce qui concerne le pourcentage de patients pouvant arrêter leur traitement par corticostéroïde inhalé (17,4% vs 17.1%) ou en diminuer la dose quotidienne (47% vs 48%). Une analyse du sousgroupe de patients présentant une allergie manifeste aux acariens de poussières de maison (IgE spécifiques de valeur élevée) et de fortes concentrations d’allergènes d’acariens dans le matelas, ne montre également pas de différence. Après six mois, dans la sous-population explorée pour ce critère (10% des participants) une quantité significativement (p=0,01) moindre d’allergènes d’acariens est trouvée dans les matelas recouverts d’une housse imperméable aux allergènes. Cette différence n’est plus significative après douze mois.
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent qu’une housse de matelas et une taie d’oreiller imperméables aux allergènes d’acariens de poussières de maison ne sont pas des mesures suffisantes en elles-mêmes pour prévenir une exposition de patients asthmatiques adultes aux allergènes d’acariens.
Financement
United Kingdom National Health Service Research and Development Programme on Asthma Management.
Conflits d’intérêt
Non mentionnés.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
L’importance de la population de cette étude est une bonne réponse aux limites des précédentes études concernant l’éviction des acariens des poussières de maison 1,2. Cette étude comporte cependant plusieurs limites au point de vue méthodologique.
Pourquoi n’a-t-elle pas inclus uniquement des patients asthmatiques allergiques aux acariens? L’évaluation des résultats chez des patients non allergiques surcharge l’étude et n’apporte rien d’essentiel. De plus, l’allergie d’un patient aux acariens est uniquement déterminée par un RAST positif. L’étude de la littérature concernant la prévalence de l’allergie chez des patients asthmatiques montre des chiffres fort variables, suivant le lieu de l’étude. Un article de synthèse cite des chiffres de présence d’au moins un test cutané positif chez 40 à 79% des enfants asthmatiques et 25 à 63% avec corrélation clinique évidente. Chez 29 à 72% des adultes asthmatiques, au moins un test cutané est positif avec une corrélation clinique évidente dans 8 à 55% des cas 3. Un RAST positif est une indication d’allergie mais non une preuve formelle d’une symptomatologie clinique de celle-ci. Une anamnèse positive et des tests respiratoires lors d’une exposition à des poussières auraient été des arguments plus convaincants.
La literie dans le cadre d’un ensemble de mesures
Il est incorrect d’envisager l’utilisation de housses de matelas imperméables aux allergènes d’acariens sans les autres mesures d’éviction des poussières. Quelle est l’utilité d’employer des housses de matelas spécifiques si la chambre est garnie de tapis plain, n’est pas nettoyée à l’eau, etc. La population étudiée déclare, dans 55% des cas, avoir un animal domestique. Une éventuelle allergie à cet animal n’est pas recherchée, ce qui constitue un biais important, sous-estimé par les auteurs. L’effet protecteur de l’emploi d’une housse de matelas imperméable aux allergènes d’acariens chez un patient allergique aux acariens et à l’épithélium de chats sera perdu si le chat continue à se promener dans la maison.
L’absence de différences dans la quantité d’allergènes d’acariens trouvée dans les matelas après 12 mois est étonnante, des études expérimentales ayant montré l’imperméabilité de ces housses aux allergènes 4,5. Ceci induit des questions concernant la fiabilité des participants de l’étude: ont-ils maintenu les housses en place durant toute l’étude?
Effet de la participation à l’étude
Tous les participants à l’étude, indépendamment du groupe de traitement,montrent, du fait de leur intégration dans l’étude, une amélioration du débit expiratoire de pointe, une diminution du recours aux ß2-mimétiques à courte durée d’action, une augmentation du nombre de jours et de nuits sans asthme et une amélioration de la qualité de vie. Les auteurs ne mentionnent aucune explication claire pour cette observation. Une pourrait être cherchée dans l’amélioration de la compliance thérapeutique (prise des corticostéroïdes inhalés) résultant de la participation à une étude contrôlée. Cette meilleure compliance pourrait également être en partie responsable de la possibilité d’arrêter ou de diminuer le traitement par corticostéroïdes inhalés, critère de jugement secondaire dans la deuxième phase de l’étude! Des observations de contrôle 3 et 6 mois après l’arrêt de l’étude auraient pu montré l’importance de la compliance thérapeutique induite par l’étude. La description des patients inclus montre également une discordance entre, d’une part, la fréquence des jours (un sur quatre) et des nuits (une sur trois) asymptomatiques, indiquant un asthme sévère, et, d’autre part, la variabilité nycthémérale du débit expiratoire de pointe (± 4%) qui est très faible.
Adultes versus enfants
Les auteurs mentionnent que, contrairement aux études chez les adultes, les études chez des enfants montrent une efficacité certaine de l’éviction des acariens des poussières de maison 5. Ils attribuent cet effet chez les enfants à l’importance d’une détection précoce (inflammation allergique réversible sans fibrose des voies respiratoires) combinée à l’éviction des allergènes d’acariens. L’importance de la diminution de l’exposition pour le contrôle de l’asthme, de la diminution de l’hyperréactivité bronchique et de l’inflammation des voies respiratoires a été observée dans plusieurs études chez les enfants 6. Des études plus anciennes avaient également montré l’importance de l’éviction des acariens chez des enfants allergiques à ceux-ci: en 1982 déjà, Platts-Mils avait observé une diminution de l’hyperréactivité bronchique aspécifique et, en conséquence, une diminution des symptômes d’asthme chez des enfants séjournant de manière prolongée dans un environnement pauvre en allergènes (mer ou altitude) 7. Les enfants allergiques aux acariens et asthmatiques qui dorment dans une chambre où l’éviction des acariens est visée, montrent significativement moins de symptômes, ont moins recours à des médicaments et obtiennent de meilleurs chiffres de débit expiratoire de pointe 8.
Conclusion
Cette étude ne montre aucune efficacité, sur le contrôle de l’asthme de patients adultes,pour une utilisation isolée (sans autre mesure d’éviction) d’une housse de matelas imperméable aux allergènes d’acariens.
Références
- De Baets F. Is huisstofmijtsanering nuttig? Een meta-analyse. Huisarts Nu (Minerva) 1999;28:437-9.
- Gøtzsche PC, Johansen HK, Schmidt LM, Burr ML. House dust mite control measures for asthma. The Cochrane Database of Systematic Reviews 2004, Issue 4.
- Pearce N, Pekkanen J, Beasley R. How much asthma is really attributable to atopy. Thorax 1999;54:268-72.
- Vaughan JW, McLaughlin TE, Perzanowski MS, Platts-Mills TAE. Evaluation of materials used for bedding encasement: effect of pore size in blocking cat and dust mite allergen. J Allergy Clin Immunol 1999;103:277-31.
- Halken S, Host A, Niklassen U et al. Effect of mattress and pillow encasings on children with asthma and house dust mite allergy. J Allergy Clin Immunol 2003;111:169-76.
- Grootendorst DC, Dahlen SE, Van Den Bos JW et al. Benefits of high altitude allergen avoidance in atopic adolescents with moderate to severe asthma, over and above treatment with high dose inhaled steroids. Clin Exp Allergy 2001;31:400-8.
- Platts-Mills TA, Tovey ER, Mitchell EB et al. Reduction of bronchial hyperreactivity during prolonged allergen avoidance. Lancet 1982;2:675-8.
- Murray AB, Ferguson AC. Dust-free bedrooms in the treatment of asthmatic children with house dust or house dust mite allergy: a controlled trial. Pediatrics 1983;7:418-22.
Auteurs
De Baets F.
Longziekten, infectieziekten en aangeboren immuunstoornissen bij kinderen, UZ Gent
COI :
Glossaire
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