Revue d'Evidence-Based Medicine



Les interventions d'éducation chez les enfants et les adolescents asthmatiques



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 1 Page 12 - 15

Professions de santé


Analyse de
Guevara JP, Wolf FM, Grum CM, Clark NM. Effects of educational interventions for self management of asthma in children and adolescents: systematic review and meta-analysis. BMJ 2003;326:1308-13.


Question clinique
Quel est l’impact des programmes d’éducation du patient destinés aux enfants et adolescents asthmatiques sur l’évolution de l’asthme, évalué en termes de fonction respiratoire, de morbidité, d’auto-perception et d’utilisation des soins de santé?


Conclusion
Cette méta-analyse conclut que des programmes éducatifs pour les enfants et les adolescents asthmatiques sont efficaces. Elle ne tient cependant pas compte du contexte socioéconomique, de l'efficacité relative des différents programmes ou des différences qu'il peut y avoir entre enfants et adolescents. Des conclusions claires pour la pratique ne peuvent donc être formulées.


 

Résumé

Contexte

Depuis plus de vingt ans, dans de nombreux pays, des programmes d’éducation du patient à l’autogestion de l’asthme ont été développés pour les enfants. Leur efficacité n’avait pas encore été clairement établie.

Méthode

Méta-analyse

Sources consultées

Les bases de données consultées sont celles de la Cochrane Airways Group, PsychINFO, ainsi que les références citées dans les études analysées.

Etudes sélectionnées

Les études relatives aux stratégies d’autogestion de l’asthme sélectionnées sont les études contrôlées randomisées ou essais cliniques contrôlés publiés, comportant une évaluation d’évolution de l’asthme selon les critères de jugement suivants: fonction respiratoire (VEMS est mesuré à l’aide d’un spiromètre.">VEMS, débit expiratoire de pointe est le débit expiratoire maximal atteint lors d’une expiration forcée maximale, après une ins-piration également maximale. Ce test permet d’apprécier globalement la fonction respiratoire et peut être facilement réa-lisé en dehors d’un laboratoire d’épreuves respiratoires fonctionnelles. Ce test est peu spécifique. Sa valeur moyenne chez l’adulte est de 10 l/seconde (600 l/min). La dispersion autour de la valeur de référence est de 15-20 %. La variabilité du DEP (en %) est la différence entre la valeur la plus haute (en soirée) et la valeur la plus basse (le matin) de la journée divi-sée par la moyenne de ces valeurs, multipliée par cent.">débit expiratoire de pointe), morbidité (absentéisme scolaire, restriction d’activité, nuits perturbées), auto-perception (scores de symptômes et d’auto-efficacité) et utilisation des soins de santé (admissions aux urgences, hospitalisations). Les études incluant des diagnostics de pathologie pulmonaire autre que l’asthme ou utilisant des interventions non standards sont exclues. Après une évaluation méthodologique, 32 des 45 études éligibles sont reprises dans la méta-analyse. Ces études diffèrent entre elles par le nombre d’enfants étudiés, l’âge des enfants et la sévérité de l’asthme. Les programmes d’éducation différaient par le nombre et le type de session(s), la stratégie de l’auto-suivi et la durée de l’intervention 1.

Population étudiée

Au total, les données de 3 706 patients âgés de 2 à 18 ans ont été incluses dans l’analyse.

Mesure des résultats

Pour l’estimation d’un effet sommé, les auteurs ont utilisé la différence moyenne standardisée (DMS) pondérée avec un intervalle de confiance à 95%. Pour la méta-analyse, des modèles d’effet fixe et d’effet aléatoire ont été utilisés. L’homogénéité statistique a été évaluée avec le test Q et d’éventuels biais de publication ont été examinés à l’aide d’un funnel plot. Pour les analyses de sous-groupes, les études ont été stratifiées selon la stratégie d’autogestion, le type d’intervention et le nombre de sessions dans l’intervention.

Résultats

Evaluation: autogestion versus «traitement habituel»

Les études sont retenues pour un des critères d’évaluation uniquement si elles rapportent des résultats complets du programme d’éducation pour ce critère.

Etude de la fonction respiratoire

L’analyse des données provenant de 4 études (n=258) montre une amélioration significative des paramètres fonctionnels respiratoires (mesure composite de la fonction respiratoire: DMS:0,50 IC à 95%: de 0,25 à 0,75).

Morbidité

L’analyse des données de 18 études (n=1 649) montre une légère diminution significative du nombre de jours d’absence scolaire (DMS: -0,14; IC à 95% de -0,23 à - 0,04), de jours d’activité restreinte (DMS: -0,29; IC à 95% de -0,49 à -0,08), et du nombre de nuits perturbées par l’asthme (DMS: -0,34; IC à 95% de -0,62 à -0,05). Il n’y a d’effet sur le nombre d’exacerbations (DMS: –0,21; IC à 95% de –0,43 à 0,01).

Auto-perception

L’analyse des données de 9 études (n=522) montre une amélioration des mesures d’auto-efficacité (DMS: 0,36; IC à 95% de 0,15 à 0,57), mais ne montre pas d’effet sur les scores de sévérité.

Utilisation des soins de santé

L’analyse des données de 18 études (n=1 899) montre une diminution significative des admissions en salle d’urgence (DMS: -0,21; IC à 95% de -0,33 à -0,09) mais pas de diminution des hospitalisations.

Analyse par sous-groupes

L'analyse des seules études de bonne qualité méthodologique donne des résultats identiques. Les analyses suivant les caractéristiques des différents programmes donnent les résultats suivants: les programmes basés sur les mesures du débit expiratoire montrent l'amélioration la plus nette de la fonction respiratoire et la réduction la plus franche de la morbidité. Les programmes individuels permettent d'obtenir la plus forte réduction de morbidité, tandis que l'éducation en groupe obtient la plus grande diminution des hospitalisations. Une session unique offre le meilleur score sur les critères de morbidité, tandis que des sessions répétées étaient plus favorables pour l'auto-contrôle («self-efficacy») et la réduction la plus importante du nombre de consultations au service d'urgence.

Conclusions des auteurs

Les auteurs concluent à l’efficacité des programmes d’éducation sur le plan de la fonction respiratoire et de la perception d’un meilleur auto-contrôle, ainsi que sur les plans de son retentissement social et de la consommation des soins de santé. Ils recommandent que la priorité soit donnée aux patients atteints d’asthme sévère et que les interventions soient de longue durée. Ils recommandent également la réalisation d’études prospectives incluant l’évaluation de la qualité de vie.

Financement

National Institutes of Health Fogarty International Center et National Heart, Lung, and Blood Institute (E.U.).

Conflits d’intérêt

Aucun.

Discussion

L'asthme chez l'enfant

L’asthme est la maladie chronique la plus fréquente de l’enfant, c’est aussi une maladie continue, de l’âge pédiatrique à l’âge adulte. Suivant les pays, 2% à plus de 20% de la population d’âge pédiatrique en sont atteints 1. Dans la plupart des pays, 80% des enfants asthmatiques ont une forme d’asthme légère, peu invalidante. 15% des enfants atteints d’asthme souffrent d’une forme modérée, et 5% d’une forme sévère de la maladie 2. Ces enfantslà courent un risque plus élevé d’hospitalisation, d’admission en salle d’urgence, d’absentéisme scolaire; l’asthme a un retentissement fonctionnel, qui peut limiter leurs jeux, leur développement social, et les freiner dans leurs activités sportives 3. Ces 20% de patients plus sévères consomment près de 80% du budget de soins de santé pour l’asthme de l’enfant 4. La sévérité de la symptomatologie durant l'enfance est aussi un facteur de risque pour la persistance des problèmes d'asthme à l'âge adulte 5.

L’évolution de l’asthme de l’enfant dépend de la gestion du traitement médicamenteux, mais aussi des facteurs de risque et des facteurs précipitants, présents dans l’environnement.

Compliance thérapeutique

La compliance au traitement, c’est-à-dire la manière dont l’enfant reçoit ou gère le traitement qui a été convenu avec un professionnel de la santé est estimée à moins de 50% dans les évaluations les plus optimistes, à moins de 30% dans le cas de l’asthme des adolescents (OMS) 6, à moins de 5% lorsqu’une puce électronique est utilisée à l’insu du patient 7. La compliance au traitement dépend de facteurs socio-économiques, de facteurs liés à l’asthme, de facteurs liés au patient, aux intervenants médicaux, et au système de soins de santé 6,8. Bien qu’elle ne se mesure pas de façon précise, au moins deux scores existent permettant de prédire l’évolution de la morbidité 9. Améliorer la compliance au traitement est la raison d’être des programmes d’éducation (voir cadre).

Recommandations de l’OMS pour l’éducation à l’auto-suivi de l’asthme chez l’enfant 6
  • L’éducation commence au moment du diagnostic, et est intégrée à chaque étape du   traitement.
  • L’éducation est réalisée par chaque membre de l’équipe.
  • L’éducation doit adapter l’information et l’approche du traitement aux besoins de chaque patient.
  • Enseigner et renforcer les comportements: utilisation des aérosols doseurs, poudres sèches inhalées, chambres d’inhalation, auto-suivi, contrôle de l’environnement,…
  • Développement de plans de traitement conjoints par les intervenants médicaux et les   patients.
  • Encouragement d’un partenariat actif, en donnant des plans d’action écrits.

 

Considérations sur la méthodologie

Dans cette méta-analyse, les résultats du test d’hétérogénéité montrent des résultats contrastés selon les critères de jugement utilisés. Il n’est pas significatif pour les études relatives à l’effet de programmes d’intervention sur la fonction respiratoire (p=0,49), sur l’absentéisme scolaire (p=0,61) et sur l’auto-efficacité (p=0,17). En revanche, une hétérogénéité est observée pour celles étudiant l’effet de ces programmes sur le nombre d’admissions aux urgences (p=0,05) et le nombre de nuits perturbées par l’asthme (p=0,004). Les résultats de la méta-analyse concernant ce dernier critère ne sont d’ailleurs pas significatifs. Les résultats de cette métaanalyse, dont la version complète est publiée dans la Cochrane Library 10 tendent à montrer que les patients atteints d’asthme plus sévère bénéficient davantage de l’éducation que les enfants atteints de formes plus légères. Ce sont aussi les patients les plus sévères dont les perspectives à l’âge adulte sont les plus sombres, tant pour la persistance de l’asthme que pour les risques de chômage. Si cette étude contribue à montrer l’importance de mettre en place des programmes d’éducation pour augmenter la compliance du patient, elle comporte cependant certaines limites. La sévérité de l’asthme de l’enfant est fortement associée à la pauvreté, dans toutes les études qui ont abordé ces facteurs. La pauvreté diminue l’accès aux soins, limite l’achat de médicaments 11. Cependant la méta-analyse n’a pas pris en compte cet important facteur, parce que toutes les études ne donnaient pas cette information.

Quels types de programmes?

Les analyses par sous-groupes montrent que si les interventions de groupe semblent plus efficaces sur la réduction des hospitalisations, les interventions individuelles semblaient plus efficaces sur la morbidité. Aucune étude incluse n’a comparé l’efficacité des programmes utilisés en fonction de leurs caractéristiques propres: l’acteur de l’éducation (infirmier(e) d’éducation, médecin, pharmacien), l’évaluation de la compliance au traitement, la stratégie d’éducation utilisée (comportementale, utilisant le jeu, le jeu de rôles, un support informatique…), le nombre de thèmes abordés (prévention, traitement). Aucune étude analysée ici n’a envisagé la formation des éducateurs à la santé. A ce niveau, les pratiques effectives diffèrent: formation des éducateurs à l’asthme et contrôle du programme d’éducation instauré 12.

Pour quel âge?

Les études incluses concernent des enfants âgés de deux à dix-huit ans, et leurs parents. Bien que les résultats indiquent l’efficacité des programmes d’autogestion de l’asthme, la méta-analyse ne reprend pas le facteur âge. Toutes les études concernant la compliance au traitement ciblent l’adolescence comme l’âge à risque maximum de non-compliance au traitement. Il paraît très important de savoir si l’instauration précoce de programmes d’éducation à l’autogestion de l’asthme permet de prévenir ou de diminuer les risques de non-compliance à l’adolescence.

Implications pratiques

La conclusion des auteurs comporte la recommandation d’inclure la démarche d’éducation du patient au traitement de l’asthme chez les enfants et adolescents. Dans l’analyse par sous-groupes, l’efficacité des programmes, plus importante chez les patients plus sévères, plaide pour une accessibilité à ce type de soins pour les patients les plus malades. Donner les moyens de développer une démarche d’éducation des patients nous semble indispensable.

 

Conclusion

Cette méta-analyse conclut que des programmes éducatifs pour les enfants et les adolescents asthmatiques sont efficaces. Elle ne tient cependant pas compte du contexte socioéconomique, de l'efficacité relative des différents programmes ou des différences qu'il peut y avoir entre enfants et adolescents. Des conclusions claires pour la pratique ne peuvent donc être formulées.

 

Références

  1. Anderson HR, Butland BK, Strachan DP. Trends in prevalence and severity of childhood asthma. BMJ 1994;308:1600-4.
  2. Newacheck PW, Halfon N. Prevalence and impact of disabling chronic conditions in childhood. Am J Public Health 1998;88:610-7.
  3. Halfon N, Newacheck PW. Characterizing the social impact of asthma in children. In:Weiss KB, Buist AS, Sullivan SD. Asthma’s impact on society. The social and economic burden. Lung Biology in Health and Disease, vol 138, Marcel Dekker, New York, 2000, p. 23-47.
  4. Smith DH, Malone DC, Lawson KA et al. A national estimate of the economic costs of asthma. Am J Respir Crit Care Med 1997;156:787-93.
  5. Robertson CF. Long-term outcome of childhood asthma. Med J Aust 2002;177:S42-4.
  6. WHO.Adherence to long-term therapies. Evidence for action. Geneva: WHO, 2003.
  7. Milgrom H.Non compliance and treatment failure in children with asthma. J Allergy Clin Immunol 1996;98:1051-7.
  8. Leickly FE, Wade SL, Crain E et al. Self-reported adherence, management behavior, and barriers to care after an emergency department visit by inner city children with asthma. Pediatrics 1998;101(5):e8.
  9. Bauman LJ, Wright E,Leickly FE et al. Relationship of adherence to pediatric asthma morbidity among inner-city in children. Pediatrics 2002; 110(1 Pt 1):e6.
  10. Wolf FM, Guevara JP, Grum CM, Clark NM, Cates CJ. Educational interventions for asthma in children. The Cochrane Database of Systematic Reviews 2002, Issue 4.
  11. Rona RJ. Asthma and poverty. Thorax 2000;55:239-44.
  12. Lob-Corzilius T, Petermann F. Asthmaschulung- Wirksamkeit bei Kindern und Jugendlichen, Beltz: Weinheim, 1997.
 
Les interventions d'éducation chez les enfants et les adolescents asthmatiques

Auteurs

Godding V.
Pneumologie pédiatrique, Cliniques Universitaires Saint-Luc, UCL
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