Revue d'Evidence-Based Medicine



Intérêt de doubler la dose des corticostéroïdes en cas d'échec du traitement de l'asthme?



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 1 Page 8 - 10

Professions de santé


Analyse de
Harrison TW, Oborne J, Newton S, Tattersfield AE. Doubling the dose of inhaled corticosteroid to prevent asthma exacerbations: randomised controlled trial. Lancet 2004;363:271-5.


Question clinique
En cas d'échec du contrôle de l'asthme, le doublement de la dose des corticostéroïdes du traitement de fond peutil réduire, chez des adultes, le recours aux corticostéroïdes oraux?


Conclusion
Cette étude semble montrer que chez des patients présentant une aggravation momentanée de leur asthme, le doublement des doses de corticostéroïdes inhalés du traitement de fond ne peut réduire le recours à des corticostéroïdes oraux (prednisone). Les résultats d'une étude ultérieure confirment cette observation.


 

Résumé

Contexte

Il est généralement recommandé de doubler la dose quotidienne des corticostéroïdes inhalés quand l'asthme échappe au contrôle. Il n'a jamais été prouvé que cette attitude diminue le nombre d'exacerbations de l'asthme.

Population étudiée

Des patients âgés d'au moins 16 ans et présentant un diagnostic clinique d'asthme, consommant quotidiennement des corticostéroïdes inhalés à un dosage équivalent à une dose de béclométasone de 100 à 2 000 µg, ont été recrutés dans des pratiques de médecine générale et dans la patientèle de la polyclinique de pneumologie des auteurs. Les patients sont inclus dans l'étude s'ils ont, au cours des douze derniers mois, consommé temporairement des corticostéroïdes oraux ou doublé la dose quotidienne des corticostéroïdes inhalés pour traiter ou prévenir une exacerbation. Les patients présentant plus de 10 paquets/ année de tabagisme ou un asthme instable dans la phase d'inclusion sont exclus. Finalement, 390 patients d'un âge moyen de 50 ans, avec un VEMS est mesuré à l’aide d’un spiromètre.">VEMS situé entre 79% (ET 19,6) et 81% (ET 21,1) des valeurs prédictives, un débit expiratoire de pointe est le débit expiratoire maximal atteint lors d’une expiration forcée maximale, après une ins-piration également maximale. Ce test permet d’apprécier globalement la fonction respiratoire et peut être facilement réa-lisé en dehors d’un laboratoire d’épreuves respiratoires fonctionnelles. Ce test est peu spécifique. Sa valeur moyenne chez l’adulte est de 10 l/seconde (600 l/min). La dispersion autour de la valeur de référence est de 15-20 %. La variabilité du DEP (en %) est la différence entre la valeur la plus haute (en soirée) et la valeur la plus basse (le matin) de la journée divi-sée par la moyenne de ces valeurs, multipliée par cent.">débit expiratoire de pointe se logeant entre 382 (ET 97) et 386 (ET 96) l/min et un score de symptômes évalué entre 0,5 (ET 0,7) et 0,4 (ET 0,7) sur 4 (0=pas de symptôme et 4=symptômes invalidants) sont inclus dans l'étude.

Protocole d'étude

Cette étude randomisée, en double aveugle, fixe comme traitement actif (n=192) un inhalateur contenant un corticostéroïde (correspondant au type d'inhalateur, au corticostéroïde utilisé habituellement comme à la dose employée). Les patients du groupe placebo (n=198) reçoivent un inhalateur contenant un placebo. Les patients ont comme directive d'utiliser cet aérosol en complément de leur traitement de fond en cas de diminution de 15% de leur débit expiratoire de pointe matinal ou en cas d'augmentation d'un point sur une journée de leur score de symptômes. Dès l'utilisation de l'inhalateur de l'étude, les patients sont invités à noter durant 28 jours leur débit expiratoire de pointe et leur score de symptômes. Ils quittent ensuite l'étude. En cas d'aggravation sévère des symptômes, un traitement par corticostéroïdes oraux est initié. Une stratification selon l'utilisation d'une dose faible à modérée ou haute de corticostéroïdes inhalés est faite en début d'étude.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est le nombre de patients dans chaque groupe devant recourir à des corticostéroïdes oraux. Les critères de jugement secondaires sont: la diminution maximale du débit expiratoire de pointe et l'augmentation du score des symptômes durant la période d'utilisation de l'inhalateur étudié par comparaison avec les valeurs enregistrées avant l'utilisation de l'inhalateur, ainsi que le délai nécessaire pour arriver à la normalisation du débit expiratoire de pointe et du score de symptômes. L'analyse est faite en intention de traiter et par protocole (pour les patients utilisant l'inhalateur étudié avant de commencer des corticostéroïdes oraux).

Résultats

Dans le groupe traitement actif, 17 participants quittent l'étude pour 20 dans le groupe placebo. Respectivement 110 et 97 patients entament l'utilisation de l'inhalateur étudié. Dans le groupe traitement actif, 22 des 192 participants (11%) et, dans le groupe placebo, 24 des 198 participants (12%) ont recours à un corticostéroïde oral (RR 0,95; IC à 95% de 0,55 à 1,64; p=0,8; NS). Pas de différence significative non plus en analyse par protocole et en analyse de sous-groupes (patients utilisant une dose de béclométasone <1000 µg/jour à l'inclusion). Pour les différents critères de jugement secondaires, aucune différence significative n'est montrée.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que l'efficacité du doublement de la dose des corticostéroïdes inhalés en cas d'insuffisance du traitement de fond n'est pas étayée par leur étude.

Financement

NHS (National Health Service) Executive. Astra Zeneca, Glaxo Wellcome,3M Pharmaceuticals et Baker Norton ont fourni les médicaments de l'étude.

Conflits d'intérêt

Le «Department of Respiratory Medicine» du Nottingham City Hospital dans lequel les auteurs travaillent, a reçu une aide financière d'AstraZeneca et de Glaxo Wellcome. Deux auteurs ont reçu un soutien financier de Schering-Plough, AstraZeneca, Glaxo Wellcome et 3M Pharmaceuticals pour des lectures ou des frais de voyage. AET est consultant auprès de Schering-Plough.

 

Discussion

Des guides de pratique sur sable mouvant

Il est bien établi que l'emploi de faibles doses de corticostéroïdes inhalés chez des patients présentant un asthme persistant améliore la fonction respiratoire et la symptomatologie par rapport à un placebo ou à l'inhalation régulière de ß2-mimétiques. Tous les guides de pratique dans ce domaine en recommandent l'usage 1-4. En tirer la conclusion que l'augmentation de la dose des corticostéroïdes inhalés, chez les patients dont les symptômes d'asthme sont difficiles à stabiliser, permet de mieux contrôler l'asthme n'est pas démontré à ce jour. Nous disposons bien de quelques données indiquant que le fait de doubler ou de quadrupler les doses de corticostéroïdes inhalés chez des asthmatiques permet d'améliorer modestement les résultats spirométriques 5. Il est cependant souvent conseillé aux asthmatiques qui pratiquent le «self-management» d'augmenter leur dose de corticostéroïdes inhalés quand leur affection se détériore. Les guides de pratique GINA incluent également cette approche, avec la réserve suivante cependant: «The data to support the utility of this strategy are limited» 6. Cette étude semble infirmer cet avis.

Population hétérogène

Les auteurs ont voulu que les conclusions de cette étude soient les plus «généralisables» possible en n'étant pas trop stricts dans leurs critères d'inclusion et d'exclusion. Ils ont veillé également à essayer de ne pas inclure des patients atteints de BPCO en excluant les sujets tabagiques de plus de 10 années/paquet. Il n'est cependant pas exclu que des patients BPCO soient inclus, d'autant plus qu'à l'inclusion le diagnostic d'asthme reposait uniquement sur des critères cliniques. Le fait de tolérer, pour l'inclusion, une variation du traitement de fond par corticostéroïdes inhalés de 100 à 2 000 µg par jour, entraîne également une hétérogénéité de la population étudiée. Ensuite, les cas de critère de jugement primaire (exacerbation nécessitant l'utilisation de corticostéroïdes oraux) sont assez rares. Seuls 24 patients (12%) dans le groupe placebo ont recours durant les 12 mois de l'étude à des corticostéroïdes oraux. Les auteurs affirment qu'une exacerbation d'asthme est probablement un phénomène assez rare, ce qui rend difficile une étude sur sa prévention.

Explications?

Les auteurs ont cherché à expliquer les résultats de leur étude. Une mauvaise compliance thérapeutique semble peu probable au vu de l'insistance auprès des patients sur le bon usage de leur médication lors de chaque visite de contrôle. En général, la compliance est supérieure lors d'études cliniques par rapport à la pratique quotidienne.Une cause possible est le délai d'action lent des corticostéroïdes inhalés par rapport à la rapidité de la détérioration possible de l'asthme. Une autre hypothèse est l'insuffisance du doublement de la dose et la nécessité éventuelle de la quadrupler (ou davantage). Les observations de cette étude ont été confirmées dans une étude ultérieure 7. Un groupe comparable de patients reçoit, dans cette dernière étude, en double aveugle, une dose habituelle ou double du corticostéroïde inhalé, dans ce cas du budésonide. Chez ces patients également aucune différence significative n'est observée pour la fréquence des exacerbations en cas de doublement des doses de budésonide.

 

Recommandations pour la pratique

Cette étude semble montrer que chez des patients présentant une aggravation momentanée de leur asthme, le doublement des doses de corticostéroïdes inhalés du traitement de fond ne peut réduire le recours à des corticostéroïdes oraux (prednisone). Les résultats d'une étude ultérieure confirment cette observation.

La rédaction

 

Références

  1. Dennis RJ, Solarte I, FitzGerald JM. Low dose inhaled corticosteroids in mild, persistent asthma. Clin Evid 2004;11:1972-3.
  2. Kegels E, De Sutter A, Michels J, Van Peer W. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering. Astma bij volwassenen. Huisarts Nu 2003;32:275-300.
  3. Geijer RMM, Van Hensbergen W, Bottema BJAM et al. NHG-Standaard Astma bij volwassenen: Behandeling. Huisarts Wet 2001;44:153-64.
  4. Scottish Intercollegiate Guidelines Network (SIGN). 2004. Update to the British guideline on the management of asthma. (consulté le 07.12.04)
  5. Greening AP, Ind PW, Northfield M, Shaw G. Added salmeterol versus higher-dose corticosteroid in asthma patients with symptoms on existing inhaled corticosteroid. Lancet 1994;344:219-24.
  6. GINA Workshop Report. Global Strategy for Asthma Management and Prevention. Update oktober 2004. http://www.ginasthma.com (consulté le 07.12.04)
  7. FitzGerald JM, Becker A, et al. Canadian Asthma Exacerbation Group. Doubling the dose of budesonide versus maintenance treatment in asthma exacerbations. Thorax 2004;59:550-6.
 
Intérêt de doubler la dose des corticostéroïdes en cas d'échec du traitement de l'asthme?



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