Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement ambulatoire des exacerbations de BPCO avec de la prednisolone orale



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 10 Page 159 - 161

Professions de santé


Analyse de
Aaron SD, Vandemheen KL, Hebert P et al. Outpatient oral prednisone after emergency treatment of chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2003;348:2618-25.


Question clinique
Chez des patients présentant une exacerbation aiguë de leur BPCO, un traitement ambulatoire par corticostéroïdes oraux diminue-t-il le nombre de récidives?


Conclusion
Cette étude semble montrer qu'un traitement par corticostéroïdes oraux (prednisolone), chez des patients présentant une exacerbation aiguë de BPCO, diminue le risque de rechute dans le mois suivant le traitement. Cette conclusion ne peut cependant pas être extrapolée à la médecine générale. Cette étude inclut des patients s'adressant à un service d'urgence (canadien) et qui reçoivent systématiquement un antibiotique. D'autres études en première ligne de soins sont indispensables.


 

Résumé

Contexte

Deux RCTs incluant des patients hospitalisés ont conclu à une diminution du risque de rechute d'exacerbation aiguë de BPCO grâce à l'administration de corticostéroïdes par voie systémique 1,2. Une synthèse récente de la Cochrane conclut cependant à la nécessité d'autres études pour déterminer la place exacte des corticoïdes par voie systémique dans le traitement ambulatoire des exacerbations de BPCO 3.

Population étudiée

Dans dix services d'urgence, les auteurs ont sélectionné un total de 202 patients présentant une exacerbation de BPCO. Au moins deux des critères devaient être présents parmi les suivants: une aggravation récente de la dyspnée, du volume des expectorations ou de la purulence de celles-ci.Tous les patients inclus présentaient le diagnostic de BPCO ou se plaignaient, depuis au moins un an, de dyspnée chronique ou de toux productive. L'âge moyen de ces sujets est de 69 ans (ET 11) et ils présentent, à l'anamnèse, un chiffre moyen de 50 (ET 28) paquets-années de cigarettes fumées. Une obstruction bronchique irréversible était prouvée, le VEMS au moment de l'exacerbation atteignait 38% (ET 14) de la valeur prédictive et l'index moyen de Tiffeneau était de 50 (ET 12). Dans les deux groupes, une consommation d'au moins 50% était enregistrée pour des corticoïdes inhalés. Etaient exclus, les patients présentant: asthme, atopie, signes radiologiques de pneumonie ou d'insuffisance cardiaque congestive, diabète très mal contrôlé, insuffisance rénale, hépatique ou cardiaque et sujets ayant utilisé des corticostéroïdes systémiques durant les 30 jours précédents.

Protocole d'étude

Les 147 patients disposés à participer à cette étude en double aveugle, randomisée, contrôlée, ont été répartis dans deux groupes: un premier groupe (n=74) consommant durant dix jours une gélule quotidienne de 40 mg de prednisolone et le second (n=72) ingérant une gélule semblable mais contenant un placebo. Tous les patients recevaient simultanément,durant dix jours également,deux doses quotidiennes de triméthoprime 160 mg associé à du sulfaméthoxazole 800 mg par voie orale (ou, en cas d'allergie, deux doses quotidiennes de doxycycline 100 mg) ainsi que, durant 30 jours, quatre doses quotidiennes de salbutamol 200 µg associé à de l'ipratropium 60 µg en inhalation avec une chambre d'expansion.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est une consultation non prévue chez le médecin généraliste ou le retour dans le service d'urgence pour dyspnée accrue,durant les 30 jours après la randomisation. Les critères de jugement secondaires sont la modification du VEMS (après bronchondilatation), de la sévérité de la dyspnée et de la qualité de vie. L'analyse des résultats se fait en intention de traiter.

Résultats

Le critère de jugement primaire n'a pas pu être évalué pour sept patients (trois patients sortis d'étude, un perdu de vue et trois hospitalisés pour une autre pathologie). La compliance atteint 92% dans le groupe placebo et 96% dans le groupe prednisolone.Les récidives sont de 27% dans le groupe prednisolone et de 43% dans le groupe placebo (p=0,05). Le risque relatif de rechute dans les 30 jours après un traitement par prednisolone atteint 0,63 (IC à 95% de 0,40 à 1,01). Un quart des participants rechute dans les 23 jours dans le groupe prednisolone pour sept jours dans le groupe placebo (HR =0,56; IC à 95% de 0,32 à 0,99; p=0,04).Après dix jours, la fonction respiratoire (VEMS) et la dyspnée sont significativement meilleures dans le groupe prednisolone (respectivement p=0,007 et p=0,04). La qualité de vie globale en relation avec la maladie n'est, par contre, pas significativement meilleure dans le groupe prednisolone (p=0,14). Il n'y a pas de différence significative dans le nombre d'hospitalisations (p=0,18).Sont significativement plus importants dans le groupe prednisolone: appétit, prise de poids, somnolence.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu'un traitement ambulatoire avec des corticostéroïdes oraux chez des patients qui se présentent dans un service d'urgence pour une exacerbation de BPCO offre un petit avantage par rapport à un placebo.

Financement

Cette étude est financée par le Canadian Institute of Health Research, l'Ontario Ministry of Health, l'Emergency Health Services Research Advisory Committee, l'Ontario Thoracic Society et le Canadian Institute of Health Research 21st Century Chairs Program.

Conflits d'intérêt

Les auteurs ont reçu des dons financiers de différentes firmes pharmaceutiques: GlaxoSmithKline, Boehringer Ingelheim, AstraZeneca, Medigas, Vitalaire et Abbott.

Discussion

Critères d'exacerbation et de rechute, sources de confusion

Cette étude se fonde sur une question de recherche pertinente pour le médecin généraliste, quoique, pour d'autres, la différence entre initier ou augmenter une bronchodilatation versus utilisation de corticostéroïdes soit plus intéressante. Les résultats pour le critère primaire, la rechute dans les 30 jours, ne sont pas significativement différents pour les groupes prednisolone et placebo. Il est possible que la répétition de cette étude dans un groupe plus important de patients ne montre aucune différence entre un traitement par prednisolone et un autre par placebo. Il faut également remarquer que, même dans le groupe prednisolone, durant une période d'un mois, seul un quart des patients consulte à nouveau un médecin en raison d'une dyspnée accrue (rechute). A souligner également, l'utilisation de critères différents pour "exacerbation" et "rechute d'exacerbation". Une "exacerbation" est définie par la présence de deux critères (augmentation de la dyspnée, du volume des crachats ou de leur purulence). La "rechute" ne nécessite que le seul critère de dyspnée. Ce choix ne permet pas de conclusion univoque. Il est cependant évident que les patients sont libérés plus rapidement de leur dyspnée, élément confirmé par les paramètres respiratoires fonctionnels (VEMS).Ce résultat est concordant avec les conclusions du guideline GOLD et avec une précédente recherche 4,5. Une amélioration du VEMS de 34% dans le groupe prednisolone,comparée à une augmentation de 15% dans le groupe placebo peut même représenter une différence cliniquement pertinente quand on se base sur une valeur de départ de 38%. Pour la qualité de vie globale spécifiquement en relation avec cette maladie, la prednisolone n'offre pas d'efficacité significative. Aucune indication n'est fournie quant à la dose employée et au type de corticoïde inhalé utilisé. Aucun détail non plus sur la répartition entre les deux groupes. Dans cette étude, tous les patients reçoivent un antibiotique. Un VEMS de 38% représente, dans la plupart des recommandations (d'experts) internationales un critère d'initiation d'un traitement antibiotique. Celui-ci est encore plus fortement recommandé en cas de crachats purulents et de fièvre 5,6. Cet avis est cependant très peu étayé. Dans la présente étude, 25% des sujets présentaient de la fièvre et 40% des crachats purulents.

Pertinence pour la médecine générale?

Cette étude concerne-t-elle la majorité de la patientèle traitée, en ambulatoire, par le médecin généraliste? Dans ce type de pratique, ce sont surtout des patients présentant une exacerbation légère de BPCO qui consultent. L'étude est difficilement extrapolable au contexte belge, dans lequel les patients sont soit suivis par la première ligne de soins, soit référés dans un service d'urgence qui, pour cette pathologie, n'assure pas de suivi ni d'hospitalisation. Cette étude ne nous donne pas d'arguments complémentaires pour ajouter des corticostéroïdes systémiques à un traitement bronchodilatateur optimal en cas d'exacerbation de BPCO. Une stratégie reste d'application. Elle consiste à assurer en premier lieu une bronchodilatation adéquate, avec un mode adéquat d'inhalation. Un aérosol doseur vide ou une chambre d'expansion avec une valve défectueuse doivent d'abord être exclus lors de la recherche de causes possibles d'une exacerbation.La technique d'inhalation doit certainement être contrôlée au moment de l'exacerbation 7,8. Le médicament à inhaler sera administré de préférence avec un aérosol doseur et une chambre d'expansion. Un nébuliseur (électrique) pourra être utile dans des situations spécifiques mais ne semble pas supérieur à un aérosol doseur avec chambre d'expansion 9. Les inhalateurs à poudre sont moins adéquats dans cette situation, nécessitant une plus grande force inspiratoire 10. Quand cette prise en charge se révèle insuffisante, des corticostéroïdes systémiques peuvent être ajoutés 11. Pour des patients présentant un VEMS de base inférieur à 50%, une cure de prednisolone 40 mg par jour (équivalent de 32 mg de méthylprednisolone) est recommandée durant 10 jours 5. La prescription ou non de corticostéroïdes systémiques peut également être corrélée à une éventuelle réponse favorable lors d'épisodes précédents d'exacerbations 12. Chez des patients diabétiques ou ayant des antécédents psychiatriques, les avantages éventuels des corticostéroïdes systémiques seront mis en balance avec leurs effets indésirables possibles.Les antibiotiques seront réservés aux patients sévèrement malades.

 

Conclusion

Cette étude semble montrer qu'un traitement par corticostéroïdes oraux (prednisolone), chez des patients présentant une exacerbation aiguë de BPCO, diminue le risque de rechute dans le mois suivant le traitement. Cette conclusion ne peut cependant pas être extrapolée à la médecine générale. Cette étude inclut des patients s'adressant à un service d'urgence (canadien) et qui reçoivent systématiquement un antibiotique. D'autres études en première ligne de soins sont indispensables.

 

Références

  1. Davies L, Angus RM, Calverley PM. Oral corticosteroids in patients admitted to hospital with exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease: a prospective randomised controlled trial. Lancet 1999;354:456-60.
  2. Niewoehner DE, Erbland ML, Deupree RH et al. Effect of systemic glucocorticoids on exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 1999;340:1941-7.
  3. Wood-Baker RW,Walters EH, Gibson PG. Oral corticosteroids for acute exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 3, 2004. Chichester, UK: John Wiley & Sons, Ltd.
  4. Singh JM, Palda VA, Stanbrook MB, Chapman KR. Corticosteroid therapy for patients with acute exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease: a systematic review. Arch Intern Med 2002;162:2527-36.
  5. The GOLD Scientific Committee. Global strategy for the diagnosis, management, and prevention of chronic obstructive pulmonary disease. Executive Summary. Updated 2004: http://www.goldcopd.com
  6. PRODIGY Guidance - Chronic Obstructive Pulmonary Disease. Revised July 2004
  7. Dreessen RCJJ, Muris JVV. Van inhalatietragiek tot inhalatietechniek. Huisarts Wet 1997;40:48-50.
  8. van Grunsven PM, Dompeling E, van Schayck CP et al. De lange adem van de CARA-patiënt. Een observatie van de inhalatietechniek. Huisarts Wet 1994;37:14-6.
  9. van Grunsven PM. Behandeling van acute, ernstige dyspnoe bij astma en COPD in de huisartspraktijk. Een literatuuronderzoek. Huisarts Wet 1997;40:54-62.
  10. Dekhuijzen PNR. Inhalatiemedicatie bij volwassenen met obstructieve longaandoeningen: poeder of aërosol? Ned Tijdschr Geneeskd 1998;142:1369-74.
  11. Geijer RMM, Van Schayck CP, Van Weel C et al. NHG-Standaard COPD: Behandeling. Huisarts Wet 2001;44: 207-19.
  12. BTS guidelines for the management of chronic obstructive pulmonary disease.The COPD Guideline Group of the Standard of Care Committee of the BTS. Thorax 1997;52(Suppl 5):S1-28.
 
Traitement ambulatoire des exacerbations de BPCO avec de la prednisolone orale

Auteurs

Elinck K.
Huisarts, Merelbeke
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