Revue d'Evidence-Based Medicine



Quel type de kinésithérapie dans la gonarthrose ?



Minerva 2013 Volume 12 Numéro 7 Page 84 - 85

Professions de santé


Analyse de
Wang SY, Olson-Kellogg B, Shamliyan TA, et al. Physical therapy interventions for knee pain secondary to osteoarthritis: a systematic review. Ann Intern Med 2012;157:632-44.


Question clinique
Quelles sont l'efficacité et la sécurité des différents types de kinésithérapies ambulatoires proposées dans la gonarthrose douloureuse chez l'adulte ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique apporte des éléments de faible niveau de preuve, et difficilement extrapolables, qui semblent souligner un effet positif limité des exercices en aérobie, de renforcement et proprioceptifs, ainsi que des ultrasons, parmi les différentes options de kinésithérapie ambulatoire dans la gonarthrose douloureuse de l'adulte.


 

 

Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone


 

Contexte

La gonarthrose est une cause majeure de morbidité chez l'adulte, avec une incidence de 1,9/1 000 personnes et une prévalence de 5,6/1 000 personnes en Hollande (1). Sa prévalence va probablement s’accroître avec le vieillissement de la population. La kinésithérapie au sens large est communément considérée comme une pierre angulaire de sa prise en charge non chirurgicale. L'efficacité spécifique et la sécurité des différentes approches de kinésithérapies ambulatoires n'avaient pas encore été systématiquement étudiées.

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyses

 

Sources consultées

  • bases de données : MEDLINE, la Cochrane Library, the Physiotherapy Evidence Database, Scirus, Allied and Complementary Medicine, the Health and Psychosocial Instruments bibliography database de 1970 jusqu'à février 2012
  • listes de références des articles sélectionnés
  • informations complémentaires sur les études en cours sollicitées auprès des sponsors mais sans succès
  • restriction de langue à l'anglais.

 

Études sélectionnées

  • critères d’inclusion : RCTs concernant des adultes présentant une gonarthrose douloureuse évaluant des interventions de kinésithérapies au sens large (avec ou sans supervision directe d'un professionnel) versus absence d'intervention, soins usuels, stimulation factice ou autre intervention de kinésithérapie ; pour l'évaluation de la sécurité, inclusions d’études non randomisées et/ou d’observation
  • critères d’exclusion : études avec enfants ou adolescents, patients hospitalisés, institutionnalisés ou en réhabilitation dans les 6 mois après une arthroplastie du genou
  • inclusion de 212 publications (193 RCTs) sur les 4 266 identifiées, 84 RCTs utilisées pour les méta-analyses.

 

Population étudiée

  • patients « principalement âgés », plus de 70 % de femmes, IMC moyen d’environ 29 kg/m2- dans 100 RCTS, prise d’AINS ou d’antidouleurs ; dans la moitié des RCTs, pas d'information sur d'éventuels co-traitements médicamenteux ; dans la majorité des RCTs, absence de mention des antécédents chirurgicaux du genou (si non exclusion), de la profession, des co-morbidités des patients, de la durée des symptômes ni du handicap initial.

 

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : douleur, handicap et qualité de vie
  • critères de jugement intermédiaires : marche, force, fonction articulaire et mesure composite de la performance fonctionnelle
  • sécurité des interventions : tous les effets indésirables
  • valeurs données en Différences Moyennes Standardisées, en Différence Moyenne sur différentes échelles usuelles dont une Echélle Visuelle Analogique (EVA).

 

Résultats

  • efficacité des différentes interventions : résultats statistiquement significatifs pour plusieurs critères : voir tableau 
  • sécurité : effets indésirables rares et variés selon le type d'intervention, non suffisamment sévères pour entraîner un arrêt; taux d'abandon moyen en fin d'intervention de 10,3%.

 

 

Tableau. Efficacité des différentes techniques de kinésithérapie sur les différents critères d’évaluation avec mention de l’échelle utilisée (IC à 95 %).

 

 

Critère de jugement

 

Douleur

Différence sur EVA de 0 à 100

Handicap

Différence évaluée sur le score EQ-5D

Qualité de vie

SF-36

Marche

Différence de vitesse de marche en m/sec*

Force

mesurée à 60 ° d'extension

Fonction articulaire

Mesure composite performance fonctionnelle

score WOMAC

Programme d'éducation

N=2, n=511

Pas d'effet

 

 

 

 

 

 

Exercices de proprioception

N=4, n=247

-15,6 (-28,8 à -2,4) ; CI

 

 

Pas d'effet

 

 

 

Pas d'effet

 

Exercices en aérobie

N=11, n=1553

 

-4,6 (-7,7 à -1,8), à >26 semaines ; SS, CnI

-0,08 (-0,14 à -0,02) ; SS, CI

 

-0,11 (-0,15 à -0,08) à 3 et 12 mois

 

 

 

-15,4 (-24,8 à -5,92) à 3 mois ; SnS

Exercice aquatique

N=3, n=348

SnS

 

-0,11 (-0,19 à -0,02)

SnS

 

 

 

 

Exercice de renforcement

N=9, n=1 982

 

-15 (-27,1 à -3,1) ; CI

 

SnS

 

SnS

 

-0,08 (-0,12 à -0,04) à 3 et 12 mois.

 

 

-18,5 (-36,1 à -0,93) ; CI

 

Tai-chi

N=3, n=167

 

SnS

 

SnS

 

 

 

 

 

-8,14 (-16,3 à 0) à 3 mois ; CnI

Massage

N=3,n=162

 

 

 

 

 

 

 

-10,2 (-17,3 à -3,33) ; CI

Orthèse

N=7, n=364

 

 

 

 

Pas d'effet à court terme

 

 

Pas d'effet à court terme

 

Taping

N=2, n=105

Pas d'effet

 

Pas d'effet

 

 

Pas d'effet

 

 

Pas d'effet

Stimulation électrique

N=7, n=390

 

-15,6 (-21, 6 à -9,15) à court terme mais +12,5 (2 à 23,3) à 6 mois

Pas d'effet

 

 

Pas d'effet

 

SS

Pas d'effet

 

Pas d'effet

 

Champs électromagnétiques pulsés

N=4, n=267

Pas d'effet

 

 

 

 

 

 

 

 

Pas d'effet

Ultrasons

N=6, n=387

Risque de biais modéré

-16,3(-20,9 à -11,7) ; CI

Pas d'effet

 

 

-0,3 (-0,42 à -0,18) CI

 

 

-21,2 (-29,8 à -12,8) ; CI

 

Diathermie

N=5, n=382

 

-11,7 (-21,1 à -2,2) à 1 mois

Pas d'effet

 

 

Pas d'effet

 

 

Pas d'effet

 

Pas d'effet

 

* une différence négative est favorable

CI = cliniquement important, CnI = cliniquement non important.SS = statistiquement significatif, SnS = statistiquement non significatif

 

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que des preuves de faible niveau suggèrent que seule une faible proportion des différents types de kinésithérapies est efficace. De futures études devraient évaluer comparativement différentes interventions de kiné combinées, comme elles sont typiquement mise en œuvre en pratique, pour la douleur associée à la gonarthrose.

 

Financement

Agency for Healthcare Research and Quality (AHRQ, USA) qui n’a participé qu’à la formulation des questions de recherche.

 

Conflits d’intérêt

2 auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt, les 3 autres mentionnent que leur institution a été rétribuée par l’AHRQ.

 

Discussion

 

Considération sur la méthodologie

Cette synthèse est réalisée selon une méthodologie rigoureuse. Les directives PRISMA sont bien suivies pour le rapport des résultats de la recherche dans la littérature. Le risque de biais semble bien évalué globalement selon les recommandations de la Cochrane Collaboration pour la randomisation est un processus consistant à sélectionner et à répartir au hasard les sujets d’un échantillon. Dans une étude randomisée contrôlée (RCT), les sujets doivent être attribués au hasard dans les différents bras de traitement, par exemple un nouveau traitement médicamenteux versus son placebo. La séquence de randomisation est la suite ordonnée prévue dans le dessin d’étude pour attribuer les sujets inclus dans une étude dans un des bras d’étude. Pour être méthodologiquement valide, une étude doit avoir une séquence d’attribution non prévisible pour les chercheurs.">séquence et le secret d’attribution (risque jugé globalement faible), le respect de l’insu (peu clair dans la plus part des études) et le principe d'analyse en intention de traiter (non planifié a priori dans la plus part des études) mais les auteurs ne les détaillent pas pour chacune des études. Les auteurs estiment que le risque de biais est « globalement élevé ». Ils recherchent l’hétérogénéité des résultats par les tests Chi2 et I2 (substantielle à considérable dans les études comparant les techniques). Au vu du faible nombre d’études par méta-analyses, la recherche d’un biais de publication par funnel plot n’a pas été réalisée. Il est jugé probable par les auteurs.

La principale limite de cette synthèse réside peut-être dans la formulation de sa question de recherche, fort large, menant à la réalisation de 13 méta-analyses. Ceci ne facilite pas sa lecture. L'analyse critique de chacune de ces méta-analyses est contrariée par le manque de description des études incluses (notamment les interventions et les caractéristiques des populations étudiées) ce qui diminue fortement le niveau de preuve des résultats obtenus et leur validité externe. La plupart des études incluses rapportaient des variations moyennes de scores cliniques et non des variations de proportions de patients avec une réponse cliniquement pertinente (dont le seuil reste d’ailleurs à établir).

 

Mise en perspective des résultats et autres études

Nous avons déjà analysé dans la revue Minerva la place, dans la prise en charge de la gonarthrose, des injections intra-articulaires de corticoides (2) et d'acide hyaluronique (3), de l'acupuncture (4), des compléments de glucosamine et/ou de chondroitine (5), de la perte de poids chez la personne obèse (6), des AINS en application locale versus voie générale (7) et enfin de la chirurgie arthroscopique (8).

Cette synthèse montre qu’aucune intervention isolée n’améliore l’ensemble des critères d’évaluation. Les effets indésirables sont cependant rares et ne dissuadent pas les patients de poursuivre leur traitement. Les données des RCTs non-intégrables aux méta-analyses ne montrent pas d'effets concordants en faveur d'une intervention. Les programmes d'éducation, la diathermie, les orthèses et la stimulation magnétique montrent systématiquement une absence d'effet.

Cette synthèse se focalise de manière intéressante sur des critères de jugement primaires “centrés sur le patient” et sur une population ambulatoire. Elle a le mérite de « disséquer » l'intervention « kinésithérapie » en quelques-unes de ces approches spécifiques. Mais au vu des limites méthodologiques majeures de ses méta-analyses, elle n'offre qu'un panorama imprécis des ampleurs d’effets escomptés avec ces interventions. Elle trace quelques pistes pour des études d'interventions (ou des méta-analyses sur données individuelles) plus ciblées. A noter que les interventions sollicitant une implication active des patients, en particulier les exercices en aérobie, aquatiques, de renforcement et de proprioception semblent donner de bons résultats.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique apporte des éléments de faible niveau de preuve, et difficilement extrapolables, qui semblent souligner un effet positif limité des exercices en aérobie, de renforcement et proprioceptifs, ainsi que des ultrasons, parmi les différentes options de kinésithérapie ambulatoire dans la gonarthrose douloureuse de l'adulte.

 

Pour la pratique

Le NHG-Standaard sur les problèmes de genou non traumatiques de 2008 (1) recommande bien la kinésithérapie dans la prise en charge ambulatoire de la gonarthrose douloureuse de l'adulte mais sans en préciser le type. Des guides de pratique étatsuniens plus récents (2010) (9) recommandent la pratique d’exercices comme base du traitement de la gonarthrose, avec une recommandation forte (niveau de preuve élevé) pour des exercices aérobiques. Cette synthèse n'apporte pas de preuve de qualité suffisante pour recommander une approche kinésithérapeutique en particulier dans cette indication.

 

 

Références

  1. Belo JN, Bierma-Zeinstra SM, Raaijmakers AJ, et al. NHG-Standaard Niet-traumatische knieproblemen bij volwassenen (Eerste herziening). Huisarts Wet 2008:51:229-40.
  2. Poelman T. Les infiltrations de corticostéroïdes efficaces pour la gonarthrose? MinervaF 2006;5(5):56-7.
  3. van Driel M. Acide hyaluronique en intra-articulaire dans la gonarthrose ? MinervaF 2006;5(4):58-9.
  4. Kacenelenbogen N, Vanwelde A. Acupuncture pour la gonarthrose? MinervaF 2006;5(5):79-80.
  5. Chevalier P. Glucosamine et/ou chondroïtine pour la gonarthrose ? MinervaF 2006;5(10):156-8.
  6. Van Royen P. Perte de poids et gonarthrose: réduction de la douleur et amélioration fonctionnelle. MinervaF 2008;7(4):60-1.
  7. Chevalier P. Ibuprofène local ou oral pour la gonarthrose douloureuse ? MinervaF 2008;7(5)78-9.
  8. Rombouts J.J. Chirurgie arthroscopique des genous arthrosiques ? MinervaF 2009;8(8):102-3.
  9. Richmond J, Hunter D, Irrgang J, et al; American Academy of Orthopaedic Surgeons. American Academy of Orthopaedic Surgeons clinical practice guideline on the treatment of osteoarthritis (OA) of the knee. J Bone Joint Surg Am 2010;92:990-3.
Quel type de kinésithérapie dans la gonarthrose ?



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