Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement associé, salmétérol et fluticasone, pour la BPCO



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 10 Page 156 - 159

Professions de santé


Analyse de
Calverley P, Pauwels R, Vestbo J et al. Combined salmeterol and fluticasone in the treatment of chronic obstructive pulmonary disease: a randomised controlled trial. Lancet 2003;361:449-56. (étude TRISTAN)


Question clinique
L'association d’un ß2-mimétique à longue durée d’action (salmétérol) et d’un corticoïde inhalé (fluticasone) estelle meilleure que les deux médicaments administrés en monothérapie dans le traitement de patients souffrant de BPCO?


Conclusion
Cette étude est la première à démontrer l’influence positive possible d’une association d’un ß2-mimétique de longue durée d’action avec un corticostéroïde inhalé sur le décours de la maladie des patients présentant une BPCO sévère (VEMS inférieur à 50% de la valeur prédite). Des études ultérieures sont nécessaires pour confirmer ces résultats. L’avantage du traitement associé sur les symptômes et la qualité de vie est moins évident. Les recommandations internationales pour le traitement médicamenteux de la BPCO stable (GOLD) ont été adaptées en 2003 après la publication de cette étude et maintiennent la restriction de la prescription de stéroïdes inhalés aux patients présentant une BPCO sévère et des exacerbations fréquentes.


 

Résumé

Contexte

Plusieurs études ont démontré qu'après trois à quatre mois d'utilisation d’un ß2-mimétique à longue durée d’action, la sévérité de l’obstruction des voies aériennes, les symptômes et l’état de santé des patients BPCO s’améliorent. Les corticoïdes inhalés, d'autre part,augmenteraient le débit expiratoire de pointe (VEMS), diminueraient le nombre d’exacerbations et ralentiraient le déclin de l’état de santé. L’effet à long terme d’un traitement associé n’avait pas encore été étudié.

Population étudiée

Des patients BPCO furent recrutés dans 196 polycliniques s’ils répondaient aux critères d’inclusion suivants: VEMS de 25-70% de la valeur prédictive avant bronchodilatation avec une amélioration de <10% après bronchodilatation, index de Tiffenau <70% avant bronchodilatation, anamnèse de tabagisme (> 10 paquets-années) et des exacerbations répétées de BPCO pour lesquelles des antibiotiques et des corticoïdes oraux ont été nécessaires (au moins une par an dans les trois dernières années et au moins une dans l’année précédant le début de l’étude). Les critères d’exclusion étaient: d’autres affections respiratoires, oxygénothérapie, utilisation de corticoïdes par voie systémique, fortes doses de corticoïdes inhalés et utilisation d’antibiotiques dans les quatre semaines avant le début de l’étude. Finalement, 1 465 patients BPCO d’une moyenne d’âge de 63 ans (environ 73% d'hommes) furent repris dans l’étude. Leur VEMS moyen était de 44,2% (ET 13,7) à 45,0% (ET 13,6) de la valeur prédictive. Pas de différence significative pour les caractéristiques de base entre les différents groupes.

Protocole d'étude

L’étude débute par une période d'inclusion de deux semaines durant lesquelles l’utilisation des ß2-mimétiques de longue durée d’action et des corticoïdes inhalés est interrompue. Les participants qui restent stables sur le plan clinique durant cette période sont ensuite randomisés en double aveugle dans quatre groupes: un groupe traité par une association de 50 µg de salmétérol et de 500 µg de fluticasone (n=358), un groupe qui reçoit 50 µg de salmétérol (n=374), un groupe qui reçoit 500 µg de fluticasone (n=372) et un groupe qui prend un placebo (n=361). La médication est administrée durant 52 semaines à raison de deux fois par jour avec un inhalateur à poudre.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est le VEMS, après un minimum de six heures sans broncho-dilatateur et douze heures de suspension de la médication étudiée. Les autres tests spirométriques exécutés sont: VEMS après bronchodilatation et capacité vitale avant et après bronchodilatateur. En outre, une comparaison est faite pour la survenue d’exacerbations aiguës, pour l’état de santé générale apprécié à l’aide du St George`s Respiratory Questionnaire (SGRQ) ainsi que pour les paramètres notés tous les jours par les patients: débit expiratoire de pointe, utilisation de médication en urgence, réveils nocturnes, symptômes tels que dyspnée, toux, abondance et couleur des crachats.

Résultats

Après 52 semaines, le VEMS avant bronchodilatation a augmenté dans les groupes d’intervention et diminué dans le groupe placebo. L’accroissement du VEMS dans le groupe traitement associé est significativement plus important que dans les autres groupes (voir tableau). Apres 52 semaines, une diminution significative du nombre d’exacerbations dans tous les groupes est observée par rapport au groupe placebo, mais sans différence entre les différents groupes de traitement actif. Dans le groupe traitements associés, par rapport aux autres groupes d’intervention, une amélioration plus importante de la dyspnée et une réduction de l’utilisation de la médication en urgence sont observées. Pas de différence significative pour la toux, l’abondance et la couleur des crachats, le score SGRQ (groupe salmétérol) et les réveils nocturnes (groupe fluticonasone). Pas de différence non plus dans le nombre de survenues d'effets indésirables, à l’exception des candidoses oropharyngées (davantage dans le groupe fluticonasone).

 

Tableau: VEMS (en ml) avant bronchodilatation, au début de l’étude et après 52 semaines.

 

placebo

(n=361)

salmétérol

(n=372)

fluticasone

(n=374)

salmétérol + fluticasone

(n=358)

VEMS au début de l’étude (ET)

1 266 (467)

1 245 (452)

1 260 (449)

1 308 (532)

VEMS après 52 semaines (ET) †

1 264 (11)

1 323 (11)

1 302 (11)

1 396 (11)

Différence de VEMS par rapport

-133

-73

-95

0

à salmétérol + fluticasone après 52 semaines (IC 95% )

(-161 à -105)

(-101 à -46)

(-122 à -67)

 

† Corrigés pour les caractéristiques de base

 

Conclusions des auteurs

Les auteurs concluent que l'association salmétérol et fluticasone est préférable à la monothérapie de salmétérol et de fluticasone, parce qu’elle contrôle mieux la fonction pulmonaire et les symptômes sans accroître le nombre d’effets indésirables.

Financement

GlaxoSmithKline.

Conflits d’intérêt

GlaxoSmithKline a été impliqué dans le protocole d'étude, la récolte et l’analyse des données et la publication de l’article. Deux auteurs sont employés par GlaxoSmithKline et six autres ont reçu une bourse d'étude de GlaxoSmithKline.

Discussion

La méthode de l’étude TRISTAN

La valeur des ß2-mimétiques à longue durée d’action (‘long acting beta agonists’,LABA) dans le traitement de la BPCO a été suffisamment démontrée 1. La place précise des corticoïdes inhalés (ICS) demeure, à ce jour, controversée. Les guides de bonne pratique actuels recommandent leur utilisation chez des patients atteints de BPCO sévère (stade III de la classification GOLD, voir cadre) qui présentent des exacerbations fréquentes 2. Des associations fixes (relativement onéreuses) de ces deux classes de médicaments existent.

 

Critères de GOLD

Médication pour

Classe de

GOLD

VEMS

(% valeur prédictive)

Ajouter au traitement

BPCO légère

I

VEMS1 > 80%

(et VEMS1/CV < 70%)

bronchodilatateur à courte durée d'action à la demande

BPCO modérément sévère

II

(ancien IIa)

50% < VEMS1 < 80%

(et VEMS1/CV < 70%)

+ bronchodilatateur à longue durée d'action

BPCO sévère

III

(ancien IIb)

30% < VEMS1 < 50%

(et VEMS1/CV < 70%)

+ stéroides inhalés si exacerbations répétées

BPCO très sévère

IV

(ancien III)

VEMS1 < 30%

(et VEMS1/CV < 70%)

+ administration chronique d’O2 si insuffisance respiratoire

 

L’étude TRISTAN est une importante étude, possédant une méthodologie solide: randomisée, en double-aveugle, contrôlée versus placebo,multicentrique et d’une durée assez longue. Les critères d’inclusion du diagnostic de BPCO sont corrects et comparables avec ceux des autres études. Un accroissement d’un maximum de 10% du volume expiratoir maximale par seconde (VEMS) par rapport à la valeur prédite, après administration de ß2-mimétiques, exclut la grande majorité des patients asthmatiques. Néanmoins un test de réversibilité aux corticoïdes n'a pas été exécuté. Il faut tenir compte du fait que la population de l’étude présentait, avant traitement, un VEMS moyen de 45%, ce qui correspond à une BPCO sévère (stade III de la classification GOLD). Les effets du traitement sont aussi plus nets dans le groupe présentant une BPCO sévère, que dans le groupe présentant une BPCO modérément sévère à légère. Les conclusions de l’étude ne peuvent donc pas être simplement extrapolées à tous les patients présentant une BPCO. En plus, le pourcentage de sorties d'étude est élevé (globalement 31%) et les doses de fluticasone utilisées sont importantes (500 µg par jour).

Efficacité sur le VEMS?

Le paramètre présentant la meilleure corrélation avec le pronostic vital des patients atteints de BPCO est la chute du VEMS. Le choix du VEMS comme critère d’évaluation primaire est donc justifié, bien que contradictoire. D’une part, la BPCO est définie comme une affection présentant une obstruction peu réversible des voies respiratoires,et d’autre part, ce paramètre est précisément utilisé comme un indice de succès de la thérapie, plutôt que des critères d’évaluation cliniques. A date, l’arrêt du tabagisme reste la seule intervention clinique qui peut influencer favorablement l’évolution naturelle de la BPCO. Les synthèses méthodiques 3,4,5 évaluant l'efficacité des corticoïdes inhalés sur la BPCO ont montré un effet favorable sur le VEMS au cours des trois à six premiers mois du traitement, mais la chute de la fonction pulmonaire au-delà de cette période ne fut plus influencée par la médication. La synthèse méthodique la plus récente4 a montré un effet bénéfique sur les exacerbations chez les patients présentant une BPCO sévère. Les effets indésirables de l’inhalation prolongée de corticoïdes comprennent des candidoses oropharyngées et des ecchymoses fréquentes. Une grande RCT a démontré une incidence plus élevée d’ostéopénie après traitement avec des inhalations de triamcinolone6.

L’étude TRISTAN est la première étude à grande échelle qui a pu démontrer que les corticoïdes inhalés peuvent retarder la chute du VEMS sur une période plus longue chez des patients atteints de BPCO. Ceci est en contradiction avec les constatations faites dans d’autres études similaires 6,7. L’association de LABA avec des corticoïdes inhalés a amélioré le VEMS plus significativement après 52 semaines que les traitements utilisant le salmétérol et la fluticonasone séparément. D’autres études sont nécessaires pour confirmer ces résultats et pour démontrer que ces différences statistiquement significatives, le sont également cliniquement, en d’autres mots, si l’administration des médicaments en association peut influencer favorablement l’évolution des BPCO sévères.

Preuves d'une efficacité sur le contrôle des symptômes?

En dehors de l'efficacité sur le pronostic de la BPCO, le contrôle des symptômes et l’efficacité sur la qualité de la vie de ces malades chroniques sont d’une grande importance. Pour ce motif, les critères d’évaluation secondaires de l’étude TRISTAN sont certainement très intéressants. Quelles étaient les preuves dans ce domaine?5. Les bronchodilatateurs forment la pierre angulaire du traitement symptomatique de la BPCO stable. Tant les anticholinergiques que les ß2-mimétiques améliorent de façon démontrable les plaintes et le VEMS à court terme. Des molécules de courte (environ quatre heures) et de longue durée d’action (plus de douze heures) existent dans chacune de ces deux classes. Nous n’avons pas trouvé de synthèse méthodique qui compare l'efficacité des ß2-mimétiques et des anticholinergiques dans la BPCO. Les différentes RCTs concernant cette comparaison donnent des résultats non cohérents. Il existe peu de bonnes études comparant les molécules de courte et de longue durée d’action d’une même classe.Nous pouvons supposer que la compliance au traitement est meilleure pour les produits à longue durée d’action. L’efficacité des LABA versus placebo est suffisamment démontrée 1. La première grande étude utilisant le tiotropium, un anticholinergique à longue durée d’action, montre une diminution de la fréquence des exacerbations et des hospitalisations après un an 8. Les effets indésirables des bronchodilatateurs inhalés sont négligeables dans toutes les grandes RCTs. L’efficacité des théophyllines sur le VEMS est clairement démontrée, cependant l’utilisation de ce médicament est limitée par ses effets indésirables fréquents.

Qualité de vie

Dans l’étude TRISTAN,chaque traitement actif (LABA, corticoïde inhalé, association) est plus efficace que le placebo pour la plainte dyspnée. L'association des deux produits est plus efficace, dans ce domaine, que chacune de ses composantes prises séparément. Ceci est cohérent avec l’accroissement moyen du VEMS de 133 ml après 52 semaines avec l'association,moment où la limite de l’amélioration mesurable chez patients BPCO se situait à 112 ml 9. L'association n’est cependant pas meilleure que le salmétérol pour le score du symptôme “toux” et pas meilleure que la fluticasone pour le score du symptôme “réveils nocturnes”. Tout médicament actif a fait chuter le nombre d’exacerbations, sans avantage dans ce domaine pour le produit combiné. Le St George`s Respiratory Questionnaire (SGRQ) est une échelle complexe mais communément admise pour apprécier la qualité de la vie des patients présentant une atteinte chronique des voies respiratoires. Une amélioration de quatre points est considérée comme cliniquement significative. Les auteurs déclarent avec raison que le traitement combiné est le seul à apporter une amélioration de plus de quatre points. Ils ne mentionnent cependant pas qu’avec le placebo une amélioration de plus de deux points est obtenue. La pertinence clinique des traitements actifs peut donc être remise en question sur ce point.

 

Conclusion

Cette étude est la première à démontrer l’influence positive possible d’une association d’un ß2-mimétique de longue durée d’action avec un corticostéroïde inhalé sur le décours de la maladie des patients présentant une BPCO sévère (VEMS inférieur à 50% de la valeur prédite). Des études ultérieures sont nécessaires pour confirmer ces résultats. L’avantage du traitement associé sur les symptômes et la qualité de vie est moins évident. Les recommandations internationales pour le traitement médicamenteux de la BPCO stable (GOLD) ont été adaptées en 2003 après la publication de cette étude et maintiennent la restriction de la prescription de stéroïdes inhalés aux patients présentant une BPCO sévère et des exacerbations fréquentes.

 

Références

  1. Appleton S, Smith B,Veale A et al. Long-acting beta-2 adrenoceptor agonists in stable chronic obstructive airways disease (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 4, 2002. Oxford: Update Software.
  2. Pauwels RA, Buist AS, Ma P et al. Global strategy for the diagnosis, management, and prevention of Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD). Executive Summary Update 2004: www.goldcopd.com.
  3. van Grunsven PM, van Schayck CP, Derenne JP et al. Long term effects of inhaled corticosteroids in chronic obstructive pulmonary disease: a meta-analysis. Thorax 1999;54:7-14.
  4. Alsaeedi A, Sin DD, McAlister FA. The effects of inhaled corticosteroids in chronic obstructive pulmonary disease: a systematic review of randomized placebo-controlled trials.Am J Med 2002;113:59–65.
  5. Kerstjens H, Postma D, ten Hacken J. Chronic obstructive pulmonary disease. Clin Evid 2004;11:2003-30.
  6. Lung Health Study Research Group. Effect of inhaled triamcinolone on the decline in pulmonary function in chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2000;343:1902–9.
  7. Burge PS, Calverley PM, Jones PW et al. Randomised, double blind, placebo controlled study of fluticasone propionate in patients with moderate to severe chronic obstructive pulmonary disease: the ISOLDE trial. BMJ 2000;320:1297-303.
  8. Vincken W, van Noord JA, Greefhorst AP et al. Improved health outcomes in patients with COPD during 1 yr's treatment with tiotropium. Eur Respir J 2002;19:209-16.
  9. Redelmeier DA, Goldstein RS, Min ST, Hyland RH. Spirometry and dyspnea in patients with COPD. When small differences mean little. Chest 1996;109:1163-8.
Traitement associé, salmétérol et fluticasone, pour la BPCO



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