Revue d'Evidence-Based Medicine



Exercices musculaires et relaxation pour les cervicalgies chroniques



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 8 Page 130 - 132

Professions de santé


Analyse de
Viljanen M, Malmivaara A, Uitti J. Effectiveness of dynamic muscle training, relaxation training, or ordinary activity for chronic neck pain: randomised controlled trial. BMJ 2003;327:475-9.


Question clinique
Quelle est l'efficacité d'exercices dynamiques et de relaxation en cas de cervicalgies chroniques?


Conclusion
Cette étude conclut donc à l'absence probable d’efficacité d'exercices de renforcement musculaire et de relaxation par rapport à une poursuite des activités quotidiennes habituelles dans l'amélioration de cervicalgies chroniques atypiques. L'efficacité en cas de compliance plus importante reste encore à étudier.


 

Résumé

Contexte

Les cervicalgies représentent une plainte fort fréquente surtout chez les employés de bureau. Des exercices musculaires dynamiques et de relaxation sont prescrits pour le traitement des cervicalgies chroniques mais leur efficacité bénéficie de peu de preuves.

Population étudiée

Des médecins du travail ont recruté 393 patients parmi une population d'employées de bureau âgées de 30 à 60 ans ayant un épisode d'au moins douze semaines de cervicalgies aspécifiques. Les critères d'exclusion étaient: cancer, traumatisme majeur, maladie rhumatismale, trouble nerveux et revalidation importante au cours des trois mois précédents. L'âge moyen des femmes participantes était de 45 ans. Elles se plaignaient de cervicalgies en moyenne depuis 10,5 ans avec une intensité moyenne de 4,7 sur une échelle analogique visuelle (de 0 à 10).

Protocole d'étude

Cette étude clinique randomisée répartit les participantes dans trois groupes. Dans le groupe EMD (n=135) des exercices musculaires dynamiques (EMD) sont pratiqués avec des poids de 1 à 3 kg; dans le groupe ER (n=128) des exercices de relaxation (ER) sont réalisés et dans le groupe placebo (n=130) les participantes sont encouragées à poursuivre leurs activités physiques quotidiennes (ADL) sans modification.Durant les douze premières semaines, les deux interventions sont accompagnées par un kinésithérapeute lors de sessions de 30 minutes, trois fois par semaine.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est l'intensité des cervicalgies enregistrée par les participantes en référence avec une échelle analogique visuelle (0-10). De plus, l'inconfort subjectif suite aux cervicalgies est évalué grâce à un index de cervicalgies (0-80) basé sur un questionnaire comportant huit items. Etaient également notés: capacités de travail, mobilité cervicale, guérison subjective, dépression et stress lié au travail. Ces mesures étaient réalisées à l'inclusion, après trois, six et douze mois. L'analyse se fait en intention de traiter.

Résultats

Les données sont disponibles pour 91% des participantes après trois mois, 89% après six mois et 87% au terme des douze mois. Durant le suivi, aucune différence n'est observée entre les groupes en ce qui concerne les sorties d'étude. Des proportions de 39% dans le groupe EMD et de 42% dans le groupe ER sont enregistrées en ce qui concerne le suivi des sessions.Sur les douze mois d'étude, une moyenne hebdomadaire de 31 minutes d'exercice est mentionnée pour le groupe EMD et de 20 minutes pour le groupe ER. Au début de l'intervention, 91% des employées du groupe EMD, 85% de celles du groupe ER et 18% des participantes du groupe ADL attendaient une guérison dans les trois mois. Cet espoir diminue significativement dans tous les groupes trois mois après la randomisation (jusqu'à 33% dans le groupe EMD, 31% dans le groupe ER et 15% dans le groupe ADL). Après six mois, 53% des personnes du groupe EMD, 23% dans le groupe ER et 17% dans le groupe ADL déclarent être (quasi) guéris. Après douze mois, ces chiffres chutent à respectivement 26%, 23% et 12%.

Dans les groupes exercices, par rapport au groupe contrôle, mise à part une petite amélioration significative de la mobilité (rotation de la nuque et flexion latérale) après trois et six mois, aucun gain significatif n'est rapporté pour l'intensité des cervicalgies, l'index de cervicalgies, la flexion et l'extension du cou, la force musculaire dynamique du cou, les capacités de travail, les congés de maladie et la dépression. L'absentéisme pour cervicalgies atteint, sur une période de douze mois, en moyenne 3,7 jours dans le groupe EMD, 2,3 jours dans le groupe ER et 2,0 jours dans le groupe ADL.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que ni les exercices musculaires dynamiques, ni les exercices de relaxation n'apportent d'amélioration des cervicalgies chroniques en comparaison avec un maintien des activités physiques quotidiennes.

Financement

L'étude est financée par le Finnish Work Environment Fund.

Conflits d'intérêt

Aucun n'est mentionné.

Discussion

Efficacité des exercices ou de la prescription d'exercices?

Un travail de bureau peut provoquer des cervicalgies, souvent en association avec une mobilité réduite au travail.Un certain nombre d'employés (10%) deviennent des "patients chroniques" 1 et 5% développent des limitations sévères 2. Le coût des traitements de ces cervicalgies ne représente souvent qu'une fraction du coût global lié aux prestations réduites lors du travail et à l'absentéisme. Il est donc tout à fait justifié d'étudier comment prendre en considération et en charge ces plaintes pour prévenir la progression des lésions. Cette étude est bien conçue (large population, longue période de suivi, randomisation correcte, sortie d'étude faible, puissance statistique est la probabilité que l’hypothèse nulle soit rejetée dans une étude et que cette dernière puisse donc mettre en évidence une association réellement existante. La puissance est déterminée par différents facteurs parmi lesquels, la fréquence de la maladie étudiée (prévalence), la taille de l’effet du traitement, le protocole de l’étude et la taille de l’échantillon. Lors de l’instauration de l’étude, les chercheurs optent pour une certaine puissance en fonction de laquelle l’importance de l’échantillon est déterminée. Une puissance statistique de 80% est généralement considérée comme le minimum exigible. Ce qui signifie qu’il existe 80% de chance que l’étude puisse mettre un effet en évidence.">puissance suffisante). Quelques observations cependant. Les auteurs ont-ils voulu évaluer l'efficacité d'exercices (renforcement ou détente musculaire) ou l'efficacité de prescription d'exercices? Le titre suggère qu'il s'agissait des exercices à proprement parler.Au vu du temps très limité consacré aux exercices (31 minutes pour le groupe EMD et 20 minutes pour le groupe ER,par semaine) et le nombre de consultations manquées (suivi des sessions de 39% dans le groupe EMD et de 42% dans le groupe ER), il semble bien qu'ils aient davantage évalué l'efficacité de la prescription d'exercices. De plus, la durée réelle des exercices sur une semaine doit être considérée comme non pertinente, et peu de résultats en étaient donc à attendre.

Autres études

D'autres études évaluant un renforcement musculaire dynamique (comportant cependant d'autres exercices et pas de relaxation) ont montré des résultats semblables 3-5. Clinical Evidence 6 mentionne qu'une kinésithérapie active (et non une kinésithérapie passive) diminue la douleur et que des exercices soulagent mieux la douleur qu'une gestion du stress. Quant à l'efficacité des médicaments (analgésiques, anti-inflammatoires, antidépresseurs, relaxants musculaires), de l'éducation des patients, d'une prise en charge multidisciplinaire, de la physiothérapie au sens strict combinée à de l'acupuncture, du port d'un collier de soutien et/ou d'oreillers spéciaux, les preuves sont insuffisantes. Preuves insuffisantes également quant à l'efficacité de la réalisation de mobilisations ou manipulations comparées à d’autres méthodes ou à une abstention.

Plaintes chroniques

Une autre lecture de cette étude est également possible. Les patientes observées se plaignent de cervicalgies depuis dix ans, ce qui est une donnée en soi. Elles semblent toutes nourrir de grands espoirs pour une intervention. En regardant le nombre de sessions suivies et le temps consacré aux exercices, on peut s'interroger sur leur motivation et sur leur attitude (locus of control). Estimentelles n'être pas responsables de leur situation et traitement 7? L'étude initiée par les mêmes auteurs,comportant des exercices proprioceptifs, une relaxation et une aide aux changements de comportement, ouvre également très probablement une voie vers une future prise en charge et d'autres recherches. Il faut garder présent à l'esprit que des manières de pensée, de sentir et d'agir ancrées dans la personnalité individuelle doivent être "désapprises" avant que d'autres puissent trouver place. Désapprendre est plus difficile qu'apprendre pour la première fois. Le patient doit-il apprendre d'abord à "mettre un stop" avant de faire autre chose ou d'en faire plus 8?

 

Conclusion

Cette étude conclut donc à l'absence probable d’efficacité d'exercices de renforcement musculaire et de relaxation par rapport à une poursuite des activités quotidiennes habituelles dans l'amélioration de cervicalgies chroniques atypiques. L'efficacité en cas de compliance plus importante reste encore à étudier.

 

Références

  1. Mäkelä M, Heliövaara M, Sievers K et al. Prevalence, determinants, and consequences of chronic neck pain in Finland. Am J Epidemiol 1991;134:1356-67.
  2. Coté P, Cassisy JD, Caroll L. The Saskatchewan health and back pain survey; the prevalence of neck pain and related disability in Saskatchewan adults. Spine 1998;23:1689-98.
  3. Gross AR, Hoving JL, Haines TA, et al. Manipulation and mobilisation for mechanical neck disorders (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 3, 2004. Chichester, UK: John Wiley & Sons, Ltd.
  4. Kjellman GV, Skargren EI, Oberg BE. A critical analysis of randomized clinical trials on neck pain and treatment efficacy. A review of the literature. Scand J Rehabil Med 1999;31: 139-52.
  5. Van Tulder MW, Goossens M, Hoving JL. Nonsurgical treatment of chronic neck pain. In:Nachemson AL, Jonsson E, eds. Neck and back pain. Philadelphia: Lippincott Williams and Wilkins, 2000.
  6. Binder A. Neck pain. Clin Evid 2004;11:1534-50.
  7. Illich I. Health as one’s own responsibility - No, thank you!
  8. Hofstede G. Allemaal andersdenkenden, omgaan met cultuurverschillen. Amsterdam: Uitgeverij Contact, 1991.
 
Exercices musculaires et relaxation pour les cervicalgies chroniques

Auteurs

Eyskens J.
Lic. Kinesitherapie, Bewegingsconsulent
COI :

Glossaire

puissance

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