Revue d'Evidence-Based Medicine



L'oxycodone efficace pour traiter la neuropathie diabétique



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 8 Page 124 - 125

Professions de santé


Analyse de
Gimbel JS, Richards P, Portenoy RK. Controlled-release oxycodone for pain in diabetic neuropathy. A randomised controlled trial. Neurology 2003;60:927-34.


Question clinique
Quelles sont l'efficacité et la sécurité de l'oxycodone à libération prolongée dans le traitement d'une douleur modérée à sévère associée à une neuropathie diabétique?


Conclusion
Pour le traitement de la douleur neuropathique, dont la neuropathie diabétique, les antidépresseurs tricycliques et les anticonvulsivants restent le premier choix. Cette seule étude montre que l'oxycodone pourrait être un deuxième choix efficace. D'autres études sont nécessaires pour le confirmer.


 

Résumé

Contexte

Plusieurs études montrent l'efficacité d'antidépresseurs tricycliques et d'anticonvulsivants en cas de douleur neuropathique diabétique. Pour de nombreux patients, ces moyens ne sont pas suffisants.Peu de données sont disponibles sur l'efficacité des opioïdes.

Population étudiée

Cette étude inclut 159 patients diabétiques âgés de 59 ans en moyenne et présentant une polyneuropathie distale, symétrique, douloureuse. Ils sont recrutés dans 15 centres aux E.U. Durant les trois mois précédents, la douleur devait avoir été présente dans les deux pieds pendant au moins la moitié de la journée, avec une intensité d'au moins cinq points sur une échelle en comportant dix. La neuropathie distale (sensibilité, motricité, réflexes) était évaluée sur une échelle comportant 4 points par des cliniciens expérimentés. Tous les patients présentaient un bon contrôle de la glycémie avec une HbA1c moyenne de 6,9% (ET 1,4). Environ 60% des participants consommaient concomitamment d'autres médicaments (anticonvulsivants, antidépresseurs, benzodiazépines, etc.). Les critères d'exclusion étaient: mauvais contrôle du diabète, autres causes de douleur chronique, abus d'alcool, insuffisance rénale ou hépatique, cancer,hypersensibilité aux opioïdes, abus d'opioïdes à courte durée d'action, usage d'opioïdes à longue durée d'action, gastroparésie.

Protocole d'étude

Cette étude multicentrique, randomisée, contrôlée versus placebo, en double aveugle, inclut un nombre de 77 patients traités par placebo et de 82 traités par comprimés d'oxycodone à libération prolongée. Le traitement initial est de 10 mg toutes les 12 heures avec titration possible par palier de trois jours jusqu'à un maximum de deux fois 60 mg par jour.Les médicaments pour le diabète ou autres analgésiques (exceptés les opioïdes) pouvaient être poursuivis. L'étude prenait fin après six semaines et la médication était progressivement arrêtée.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est la différence pour le score moyen de la douleur entre le 28ème et le 42ème jour d'étude. L'intensité de la douleur est située quotidiennement par le patient sur une échelle numérique (de 0= pas de douleur à 10=douleur très importante). Le patient note également chaque jour son indice de satisfaction quant au traitement et son évaluation de son sommeil sur une échelle comportant 6 points (de 1 = non satisfait/sommeil médiocre à 6 = très satisfait/sommeil correct). L'état de santé (SF-36) constitue un critère de jugement secondaire. L'analyse est faite en intention de traiter.

Résultats

Au total 115 patients (72%) terminent l'étude, dont 52 dans le groupe placebo et 63 dans le groupe oxycodone. Douze patients arrêtent prématurément en raison d'une analgésie insuffisante (1 dans le groupe oxycodone et 11 dans le groupe placebo; p=0,002). Aucune différence n'est notée pour les sorties d'étude en raison d'effets indésirables. La dose moyenne d'oxycodone est de 42 mg (ET 27) et de placebo de 52 mg (ET 25) par jour.Du jour 28 au jour 42, le score moyen de douleur diminue dans le groupe oxycodone de 6,9 (ET 1,4) à 4,1 (ET 0,3) versus diminution de 6,8 (ET 1,3) à 5,3 (ET 0,3) dans le groupe placebo (p=0,002 pour la différence). Aucune différence n'est observée pour l'état de santé général. Davantage d'effets indésirables sont enregistrés dans le groupe oxycodone (96% des patients) versus placebo (68% des patients). Ces effets sont surtout liés aux propriétés opioïdes (constipation, somnolence, nausées, vertiges,…).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent à l'efficacité de l'oxycodone à libération prolongée ("controlled release") dans le traitement d'une douleur modérée à sévère d'origine neuropathique diabétique.

Financement

L'étude est financée par Purdue Pharma L.P..

Conflits d'intérêt

P. Richards est lié à Purdue Pharma L.P..

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette étude montre une réponse d'une douleur neuropathique à des opiacés, ou le fait que certaines formes de douleurs neuropathiques ne sont pas toujours insensibles aux opiacés. D'autres études sont arrivées à cette même conclusion 1- 4. Cette étude-ci possède un protocole solide, une puissance correctement calculée, une analyse statistique correcte. Elle est financée par la firme qui commercialise l'oxycodone aux E.U. Les douleurs neuropathiques présentées par les patients ne sont hélas pas bien précisées. Etait-ce surtout des élancements, des dysesthésies ou des paresthésies ou, au contraire, des douleurs fantômes? L'étude précise fort à propos que la prévalence de la douleur en cas de neuropathie diabétique n'est pas bien connue (10% versus 32% dans deux différentes études), sans parler du type de douleur. Il n'est également pas précisé pour quel type de douleur l'oxycodone est administré. Il est possible que les patients inclus dans le groupe oxycodone aient présenté des plaintes neuropathiques différentes de celles ressenties par ceux du groupe placebo. Versus placebo, la diminution du score de douleur est de 1,25 sur une échelle de 10 points, ce qui est très faible.

Justification des opiacés dans cette indication?

Est-il justifié de prescrire des opiacés forts pour le traitement d'une douleur neuropathique? Une étude récente concernait l'utilisation des opiacés pour le traitement d'une douleur neuropathique chronique périphérique et centrale 5. Elle a montré la plus grande efficacité analgésique d'une dose élevée par rapport à une dose plus faible. Les auteurs ont comparé leurs résultats avec ceux de quatre études contrôlées versus antidépresseurs tricycliques dans des douleurs neuropathiques périphériques ou postherpétiques. Les résultats étaient comparables. Sindrup et Jensen ont calculé le NNT = 1/RAR *100.">NST pour différents médicaments dans le traitement de la douleur neuropathique. Pour la douleur polyneuropathique diabétique, ce sont les antidépresseurs tricycliques qui donnent le NST le plus intéressant.Pour les patients présentant une douleur post-herpétique, le NST est de 2,5 pour l'oxycodone, de 2,3 pour les antidépresseurs tricycliques et de 3,2 pour la gabapentine 4.

Dans cette étude les auteurs mentionnent que l'initiation d'opiacés chez des patients non cancéreux doit être rigoureusement estimée: sélection correcte, suivi régulier, aussi bien pour la réduction de la douleur que pour les effets indésirables. D'autres techniques de lutte contre la douleur peuvent être ajoutées. Cet article apporte des arguments pour prendre les opiacés en considération pour le traitement de la douleur neuropathique. Cette utilisation ne sera cependant faite qu'après un essai des autres médicaments et de préférence initiée et suivie par un médecin expérimenté dans le traitement de la douleur.

 

Recommandations pour la pratique

Pour le traitement de la douleur neuropathique, dont la neuropathie diabétique, les antidépresseurs tricycliques et les anticonvulsivants restent le premier choix. Cette seule étude montre que l'oxycodone pourrait être un deuxième choix efficace. D'autres études sont nécessaires pour le confirmer.

La rédaction

 

Références

  1. Kalso E, Allan L, Dellemijn P et al. Recommendations for using opioids in chronic non-cancer pain. Eur J Pain 2003;7:381-6.
  2. Dellemijn PL, van Duijn H, Vanneste J. Prolonged treatment with transdermal fentanyl in neuropathic pain. J Pain Symptom Manage 1998;16:220-9.
  3. Dühmke RM, Cornblath DD, Hollingshead JRF. Tramadol for neuropathic pain (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 3, 2004. Chichester, UK: John Wiley & Sons, Ltd.
  4. Sindrup SH, Jensen TS. Efficacy of pharmacological treatments of neuropathic pain: an update and effect related to mechanism of drug action. Pain 1999;83:389-400.
  5. Rowbotham MC, Twilling L, Davies PS et al. Oral opioid therapy for chronic peripheral and central neuropathic pain. N Engl J Med 2003;348:1223-32.
 
L'oxycodone efficace pour traiter la neuropathie diabétique

Auteurs

Devulder J.
Pijnkliniek Universitair Ziekenhuis Gent, Vakgroep Anesthesiologie Universiteit Gent
COI :

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