Revue d'Evidence-Based Medicine
Weight Watchers versus efforts personnels
Minerva 2004 Volume 3 Numéro 8 Page 122 - 124
Professions de santé
Résumé
Contexte
Les régimes et les programmes
d'exercice permettent un amaigrissement chez environ 13% des hommes et 5% des
femmes. Un BMI compris dans les limites normales (20 à 25) est rarement
atteint et la perte de poids est souvent rapidement annulée. Des programmes
commerciaux d'amaigrissement sont souvent proposés comme étape suivante, mais,
à ce jour, rarement sérieusement évalués. Cette étude évalue le programme du plus
grand fournisseur de programmes d'amaigrissement aux E.U.,"Weight Watchers
International".
Population étudiée
Des hommes et des femmes avec BMI
compris entre 27 et 40 kg/m² sont recrutés dans six centres cliniques aux Etats
Unis. Etaient exclus: les personnes avec une glycémie >140 mg/dl ou des
triglycérides >1 000 mg/dl, avec une fonction hépatique ou rénale
perturbée, avec une anamnèse de trouble psychiatrique ou d'abus d'alcool, ou les
sujets qui avaient récemment suivi un programme d'amaigrissement ou débuté
des médicaments pour maigrir. Au total, 65 hommes et 358 femmes ont été
inclus. Leur âge moyen était de 45 ans (ET 10),leur BMI moyen variait de 33,6
dans le groupe efforts personnels (ET 3,7) à 33,8 dans le groupe "Weight
Watchers"(ET 3,4) et leur poids moyen était respectivement de 93,1 (ET
14,4) kg et 94,2 (ET 13,1) kg. Les groupes d'intervention étaient semblables
pour l'âge, le sexe, le BMI initial et les facteurs de risque
cardiovasculaire.
Protocole d'étude
Cette étude randomisée multicentrique
inclut 423 patients répartis en deux groupes. Dans le groupe efforts
personnels (n=212), les participants bénéficiaient de deux consultations diététiques
d'une durée de vingt minutes chacune et de dépliants ou autre matériel d'aide
au régime et à la pratique d'exercices.Le groupe Weight Watchers (n=211) avait
le loisir de participer gratuitement à un programme commercial
d'amaigrissement, avec rencontre hebdomadaire dirigée d'environ une heure,
composé d'un programme d'alimentation et d'exercices tout comme d'une thérapie
comportementale cognitive. Les participants étaient évalués à 3, 6, 12, 18 et
24 mois.
Mesure des résultats
La perte de poids représentait le
critère de jugement primaire. Les critères secondaires étaient le BMI, le
tour de taille, le pourcentage de graisse, des paramètres cliniques (pression
artérielle) et biologiques (glycémie et lipides) et la qualité de vie évaluée
au moyen du SF36 et de l'Impact of Weight on Quality of Life Questionnaire
(IWQOLLite).
Résultats
Au terme des deux ans, 150 participants
(71%) du groupe commercial et 159 (75%) du groupe efforts personnels terminent
l'étude. Sur base d'une analyse en intention de traiter, la perte moyenne de
poids des participants au groupe commercial est supérieure à celle enregistrée
dans le groupe efforts personnels, aussi bien après un an (-4,3 versus -1,3 kg;
p<0,001) qu'après deux ans (-2,9 versus -0,2 kg; p<0,001).Après deux
ans, 16% des participants au groupe commercial versus 6% dans le groupe
efforts personnels (p=0,005) atteignent une réduction de poids d'au moins 10%.
Le nombre de sujets atteignant une perte de poids comprise entre 5 et 10%
n'est pas significativement différent entre les deux groupes (18% versus 15%;
p=0,57). Le tour de taille et le BMI diminuent plus chez les participants du
groupe commercial (respectivement –2,4 cm versus –0,6 cm; p=0,02
et -1,1 versus –0,2; p<0,001).Aucune différence significative n'est
observée entre les groupes pour les paramètres cliniques et la qualité de
vie. Ces paramètres sont cependant corrélés dans les deux groupes à la perte de
poids. Celle-ci était proportionnelle à la participation déclarée des sujets
au programme commercial (p<0,05).
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent qu’un
programme commercial d'amaigrissement apporte une perte de poids limitée mais
cependant supérieure à celle obtenue uniquement avec des efforts personnels.
Financement
Weight Watchers International.
Conflits d'intérêt
Le sponsor est intervenu dans le
protocole d'étude mais non dans la récolte des résultats et dans leur
analyse. Le Dr. Anderson a reçu un soutien financier de Weight Watchers. Un
autre auteur est un collaborateur du sponsor. Les auteurs ont également des
liens avec l'industrie de l'alimentation et certaines firmes pharmaceutiques.
Discussion
Importance de cette étude
En Belgique également, le surpoids et
l'obésité représentent un problème de santé important: dans la tranche d'âge située
entre 35 et 59 ans, un peu plus de 28% des femmes et 49% des hommes ont un
surpoids. L'obésité atteint elle, respectivement 13% et 14% 1.
Cette étude montre un effet favorable d'un programme commercial d'amaigrissement
par rapport à un counseling et à des efforts personnels (self-help). En
contraste avec de nombreuses études chez des patients obèses 2,
cette étude présente une méthodologie de qualité correcte: un calcul préalable
de la taille de l'échantillon, une bonne randomisation, une analyse en
intention de traiter, et un suivi de deux ans. Il est bien sûr quasi
impossible de respecter le double-aveugle lors du suivi de telles
interventions. Seule une étude coûts-efficience aurait pu spécifier davantage
la valeur de cette étude.
Cette étude concerne un programme
commercial (Weight Watchers) qui englobe les trois piliers d'une bonne prise en
charge du traitement de l'obésité 3. Nous ne pouvons donc
probablement pas en extrapoler les résultats à d'autres programmes
commerciaux qui utilisent également souvent d'autres interventions, comme des
régimes déséquilibrés.
Effet sur les risques pour la
santé
Après un an, une réduction moyenne du
poids corporel de 5% est obtenue dans le groupe commercial. Les participants fidèles
qui avaient fréquenté au moins 78% des sessions, réussirent à maintenir cette
perte pondérale au terme des deux ans.Pour les sujets suivant un programme d'efforts
personnels, une réduction de poids fut par contre à peine atteinte. En
général, une perte <5% après six à douze mois est considérée comme
insuffisante4. Une perte de poids modérée, définie par une réduction du poids
corporel original de 10% représente des effets importants sur les risques
pour la santé. Une réduction de poids de 5%, surtout si elle est maintenue à
moyen terme, apporte également une amélioration significative de ces risques 4,5.
Groupe sélectionné
L'efficacité finale est certainement à
attribuer à la sélection du groupe. Les participants étaient effectivement recrutés
par une annonce du programme d'amaigrissement et parmi des patients déjà
connus dans ces centres cliniques, quoique n'ayant pas suivi de programme d'amaigrissement.
Les programmes structurés d'amaigrissement sont surtout fréquentés par les
femmes et dans cette étude aussi, 85% des participants sont de sexe féminin. Les
programmes d'amaigrissement pour les hommes requièrent un autre protocole 4.Au début de chacun de ces programmes, il est essentiel de
jauger la motivation de changement du patient.La prise en charge de problèmes
de poids exige en effet un grand investissement du patient (régime de
modification du style de vie). Dans le "stages of change mode" de
Prochaska et DiClemente, la motivation est décrite dans des stades bien délimités.
Ce modèle permet d'évaluer l'ampleur de la motivation et du degré de
préparation du patient à un changement afin de choisir une intervention adéquate6.
Il est dommage que cette étude ne donne aucune information sur le profil
psychologique des patients inclus. Durant le programme également, un biais
d'auto sélection se produit, avec une tendance à une poursuite du programme par
les sujets les plus motivés et enregistrant les meilleurs résultats, ce qui
influence l'efficacité finale. Il est remarquable également qu'un groupe
aussi important, plus de 70%, ait poursuivi le programme.Des études ont montré
que la durée de l'intervention et le nombre de consultations de suivi
jouaient également un rôle important sur l'efficacité finale d'un programme d'amaigrissement 4,7.
Il est dommage que cette étude n'ait
pas inclus de (troisième) groupe recevant un traitement plus actif et un suivi
dans un contexte de première ligne de soins. Un groupe de patients obèses
pourrait par exemple se présenter une fois par mois chez leur médecin de
famille pour un suivi avec avis comportementaux et de mobilisation, avec, dans
ce cadre également,une entrevue avec un diététicien 8,9. Nous
pouvons supposer que ce type d'intervention apporte de meilleurs résultats
qu'un programme d'efforts personnels se limitant à deux fois 20 minutes de
consultation diététique. Une telle intervention est sans doute au moins aussi
efficace qu'un programme commercial d'amaigrissement.
Conclusion
Cette étude montre qu'un programme commercial d'amaigrissement (Weight
Watchers) possède une efficacité supérieure à celle d'un programme limité
d'efforts personnels.Ce programme "Weight Watchers" suit les sujets
régulièrement et comporte les trois piliers sur lesquels doit reposer la
prise en charge de l'obésité: un suivi d'un régime équilibré, une
modification de comportement et davantage d'exercices physiques.Des
participants motivés pour un tel programme spécifique atteignaient une
réduction moyenne de poids de 5% et maintenaient cette réduction après deux
ans. Aucune comparaison n'est faite entre ce programme et un traitement actif
couplé à un suivi en médecine générale
Références
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- Elley CR,
Kerse N, Arroll B, Robinson E. Effectiveness of counselling patients on
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Auteurs
Van Royen P.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :
Glossaire
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