Revue d'Evidence-Based Medicine



La fluticasone en traitement d'entretien de la dermatite atopique



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 9 Page 145 - 147

Professions de santé


Analyse de
Berth-Jones J, Damstra RJ, Golsch S et al. Twice weekly fluticasone propionate added to emollient maintenance treatment to reduce risk of relapse in atopic dermatitis: randomised, double blind, parallel group study. BMJ 2003;326:1367-72.


Question clinique
Quelles sont l'efficacité et la sécurité d'une application d'une crème à base de propionate de fluticasone deux fois par semaine, en complément d'un traitement d'entretien par émollients, dans la réduction du risque de récidive de celui-ci?


Conclusion
Cette étude montre que l'application de propionate de fluticasone, sous la forme de crème ou d’onguent, deux fois par semaine en complément d'un traitement d'entretien par émollients peut allonger le délai entre les exacerbations d'eczéma atopique. Une objectivation plus précise, et un suivi sur une durée plus longue, du risque d'atrophie cutanée est cependant nécessaire avant de pouvoir recommander cette utilisation dans la pratique quotidienne, ceci particulièrement pour leur application sur le visage.


 

Résumé

Contexte

Il n'existe pas de traitement de référence pour le traitement d'entretien de l'eczéma atopique modéré à sévère. Les preuves de la sécurité d'un traitement local prolongé de corticostéroïdes et de l'efficacité d'un usage quotidien d'émollients sont limitées. Dans une petite étude récemment publiée, l'association d'émollients avec des corticostéroïdes locaux en usage intermittent donne de bons résultats 1 .

Population étudiée

Dans 39 centres européens, ont été recrutés 376 patients âgés de 12 à 65 ans (âge moyen de 28,8 ans), présentant une exacerbation d'un eczéma atopique modéré à sévère. Une exacerbation est définie comme la présence d'une lésion avec un score supérieur à 4 sur le three item severity score (TIS). Ont été exclus, les patients présentant une contre-indication à l'application de corticoïdes locaux, ceux présentant d'autres affections cutanées rendant le diagnostic des lésions eczémateuses plus laborieux ou encore, consommant des médicaments qui pouvaient influencer les résultats de l'étude. Parmi les sujets inclus, 55% sont de sexe féminin, 91% de race blanche, 86% présentaient un eczéma atopique depuis plus de cinq ans avec un score TIS moyen de 5 (4-9).

Protocole d'étude

Cette étude randomisée, en double aveugle, contrôlée versus placebo, répartit les 295 patients dans quatre groupes, après une période de stabilisation de quatre semaines permettant d'obtenir une rémission (score TIS ≤1) grâce à l'application de crème à 0,05% ou d'onguent contenant 0,005% de propionate de fluticasone. En fonction du traitement (crème ou onguent) reçu pendant la phase de stabilisation, le traitement était, suivant les groupes, soit une crème soit un onguent de propionate de fluticasone (ou contenant un placebo) à appliquer deux soirs d'affilée par semaine sur les zones guéries et sur d'éventuelles nouvelles lésions. Durant cette phase d'entretien de 16 semaines, tous les participants devaient également appliquer une crème à base de cétomacrogol deux fois par jour. Ils furent suivis après 2, 6, 10 et 16 semaines de traitement d'entretien.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est le délai de survenue d'une rechute (score TIS ≥4) à partir du début de la phase d'entretien. Pour comparer les groupes, l'analyse est faite suivant le modèle de risque proportionnel de Cox et en intention de traiter.

Résultats

Après 16 semaines, la maladie était contrôlée chez 133 patients (87 dans les groupes propionate de fluticasone et 46 dans les groupes placebo). Vingt-sept patients ont quitté l'étude durant cette période. Le groupe utilisant une crème à base de propionate de fluticasone durant la phase d'entretien présente un risque de rechute six fois moins élevé que celui du groupe placebo correspondant (HR 5,8; IC à 95% de 3,1 à 10,8). Le groupe employant l'onguent à base de propionate de fluticasone présente, lui, un risque deux fois moindre que celui du groupe placebo correspondant (HR 1,9; IC à 95% de 1,2 à 3,2). Le délai médian de survenue d'une rechute est de 16 semaines pour les groupes fluticasone et de 6,1 semaines pour les groupes placebo. Les utilisateurs d'une crème à base de propionate de fluticasone présente un risque au tiers de celui des sujets employant un onguent du même produit (HR 2,9; IC à 95% de 1,5 à 5,9). Durant la phase initiale de stabilisation de quatre semaines, aucune différence n'est observée entre les groupes dans le nombre de sujets arrivant à une rémission. Aucune différence non plus selon que l'application de fluticasone soit faite une ou deux fois. Les effets indésirables sont similaires dans les groupes. Aucune atrophie cutanée n'est observée durant la phase d'entretien.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu'une crème ou un onguent à base de propionate de fluticasone appliqué(e) deux fois par semaine, en association avec un traitement d'entretien avec des émollients, réduit significativement le risque de récidive.

Financement

Glaxo Wellcome (actuellement GlaxoSmithKline, GSK) U.K.

Conflits d'intérêt

Des collaborateurs de GSK sont impliqués dans l'élaboration du protocole d'étude, dans les analyses statistiques et dans la publication de l'article. Un des auteurs est employé à temps plein par GSK.

Discussion

Des corticostéroïdes en traitement d'entretien?

L'eczéma atopique est une affection fort courante. Dans nos pays occidentaux, la prévalence atteint 15 à 20% de la tranche d'âge située entre 7 et 18 ans. Différentes études suggèrent également un doublement ou quadruplement des chiffres au cours des 30 dernières années 2 . En général, les corticostéroïdes sont considérés comme la pierre angulaire du traitement des exacerbations de l'eczéma atopique 2-5 . Leur utilité est bien documentée. Des doutes importants persistent cependant pour l'utilisation de ces produits comme traitement d'entretien, principalement en fonction du risque d'atrophie cutanée et du risque accru d'irritation de la peau pouvant entraîner des exacerbations.

Cette étude est intéressante et pertinente pour le médecin généraliste. Comme pour l'asthme, une intervention précoce devrait limiter le nombre d'exacerbations et freiner ainsi l'évolution naturelle de l'affection.

Considérations sur la méthodologie

Le protocole de cette étude est correct, mais son design peut prêter le flanc à quelques critiques.

Le critère de jugement primaire est uniquement déterminé par le deuxième volet de l'étude, après une phase de stabilisation de quatre semaines. La sélection opérée par cette première phase représente un biais important. Elle vise une rémission grâce à un traitement par crème ou onguent à base de propionate de fluticasone et les non-répondeurs sont ainsi exclus pour la suite de l'étude et non évalués au point de vue sécurité. Les termes d'intention de traiter ne s'appliquent donc pas au début de l'étude. L'étude commence réellement au début de la phase de traitement d'entretien. Avant cette phase, les sujets sont traités par onguent ou par crème. Une différence de réponse entre les deux peut avoir provoqué une non-homogénéité de la population de départ. L'arbre décisionnel de l'étude suggère qu'un passage est possible, après la première période, aussi bien dans un groupe que dans un autre. Ceci est faux. En effet, les patients ayant utilisé une crème durant la première phase de l'étude, continuent à appliquer celle-ci et il en est de même pour ceux qui utilisent un onguent. De plus, l'étude n'est pas strictement en aveugle, la distinction entre crème et onguent étant possible pour le patient.

L'autre critère de jugement primaire, la sécurité d'emploi, se résume à des signes visuels d'atrophie cutanée ou d'autres effets indésirables. Nous nous interrogeons sur la possibilité d'un signalement insuffisant de ces signes. A l'initiation de l'étude, deux patients présentaient déjà des signes d'atrophie. Durant la phase de stabilisation, il y en avait trois, et plus aucun cas durant la phase de traitement d'entretien. Ceci suggère une amélioration de l'atrophie sous application bihebdomadaire d'un corticostéroïde! Une évaluation objective (échographie, mesure des sub-stances du catabolisme du collagène dans les urines) eut été préférable et plus adaptée pour une période d'observation relativement courte (16 semaines) comme celle de cette étude, d'autant plus que ces signes apparaissent avant l'éclosion des manifestations cliniques. Une attention particulière aurait également dû être portée aux conséquences spécifiques dans des territoires dits à risque comme le visage ou les plis. Enfin, aucun commentaire n'est fourni quant au lien entre les autres effets indésirables (parfois sévères comme un érysipèle) et les médicaments étudiés.

Onguent versus crème

Une découverte accessoire de cette étude est la mise en évidence d'un moindre risque de rechute d'un traitement par crème plutôt que par onguent. Quoique la concentration soit différente d'un facteur 10, les deux formes délivreraient la même quantité de propionate de fluticasone selon les tests de vasoconstriction. Cette étude semble montrer qu'en pratique la crème (avec une concentration dix fois supérieure) est cependant plus active.

Comparaison avec d'autres traitements

D'autres produits ont également été évalués ces dernières années quant à leur efficacité préventive sur les exacerbations d'eczéma atopique. Les émollients sont recommandés depuis de nombreuses années. Quelques bonnes études ont montré qu'ils influençaient favorablement l'évolution de l'eczéma 2,3 . Intéressant aussi, le développement de crèmes avec une forte concentration en céramides 6 . La nouvelle classe des immunomodulateurs en usage local ou TIMs (tacrolimus 7 , pimecrolimus 8 ) se prêterait bien à un traitement d'entretien ou à une intervention précoce, vu que ces substances ne provoquent pas d'atrophie cutanée. Le pimecrolimus a montré, dans quelques études, que son application précoce pouvait diminuer le nombre d'exacerbations 8 . Une comparaison, avec les corticostéroïdes, d'effet à long terme, dans un traitement d'entretien, serait intéressante. Les études comparatives se limitent actuellement à l'aspect efficacité 7,8 . D'autres études d'intervention ont montré que, par exemple, un assainissement visant les acariens contenus dans les poussières de maison ou un régime en cas d'eczéma atopique sévère pouvait réduire le nombre d'exacerbations 2-5 .

 

Conclusion

Cette étude montre que l'application de propionate de fluticasone, sous la forme de crème ou d’onguent, deux fois par semaine en complément d'un traitement d'entretien par émollients peut allonger le délai entre les exacerbations d'eczéma atopique. Une objectivation plus précise, et un suivi sur une durée plus longue, du risque d'atrophie cutanée est cependant nécessaire avant de pouvoir recommander cette utilisation dans la pratique quotidienne, ceci particulièrement pour leur application sur le visage.

 

Références

  1. Van der Meer JB, Glazenberg EJ, Mulder PG et al. The management of moderate to severe atopic dermatitis in adults with topical fluticasone propionate. Br J Dermatol 1999; 149:114-21.
  2. Hoare C, Li Wan Po A, Williams H. Systematic review of treatments for atopic eczema. Health Technol Assess 2000;4:1-191.
  3. Hanifin JM, Cooper KD, Ho VC et al. Guidelines of care for atopic dermatitis. J Am Acad Dermatol 2004;50:391-404.
  4. Ellis C, Luger T, Abeck D et al. International Consensus Conference on atopic dermatitis II (ICCAD II): clinical up-date and current treatment strategies. Br J Dermatol 2003;148(Suppl 63):3-10.
  5. Smethurst D, Macfarlane S. Atopic eczema. Clin Evid 2003;9:1785-803.
  6. Chamlin SL, Kao J, Frieden IJ et al. Ceramide-dominant barrier repair lipids alleviate childhood atopic dermatitis: changes in barrier function provide a sensitive indicator of disease activity. J Am Acad Dermatol 2002;47:198-208.
  7. Kapp A, Allen BR, Reitamo S. Atopic dermatitis management with tacrolimus ointment (Protopic®). J Dermatolog Treat 2003;14(Suppl 1):5-16.
  8. Meurer M, Folster-Holst R, Wozel G et al. Pimecrolimus cream in the long-term management of atopic dermatitis in adults: a six month study. Dermatology 2002;205:271-7.

Nom de marque


Propionate de fluticasone: Cutivate® onguent et crème

La fluticasone en traitement d'entretien de la dermatite atopique

Auteurs

Morren M.A.
Dienst Dermatologie, Universitair Ziekenhuis Leuven
COI :

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