Revue d'Evidence-Based Medicine



Electro-stimulation du plancher pelvien dans l'incontinence d'effort



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 6 Page 95 - 97

Professions de santé


Analyse de
Goode PS, Burgio KL, Locher JL et al. Effect of behavioral training with or without pelvic floor electrical stimulation on stress incontinence in women. JAMA 2003;290:345-52.


Question clinique
La stimulation électrique du plancher pelvien peut-elle augmenter l’efficacité du training comportemental chez les femmes souffrant d’incontinence urinaire de stress (d'effort)?


Conclusion
Cette étude montre qu'une électro-stimulation du plancher pelvien (ESPP) ajoutée à un training comportemental (avec biofeedback) n'apporte pas de bénéfice supplémentaire par rapport à ce training seul pour le traitement de (principalement) l’incontinence de stress chez la femme en bonne santé. Un guide de self help améliore également l’incontinence et la qualité de la vie de ces patientes. Une prise en charge progressive, débutant par des exercices musculaires du plancher pelvien avec l'aide d'un guide de self help ou d'instructions précises, suivis d’un programme avec accompagnement par des professionnels est à recommander.


 

Résumé

Contexte

Différentes études ont montré que l’électro-stimulation du plancher pelvien conduit à une amélioration des plaintes liées à une incontinence urinaire. Le bénéfice de l’association de l’électro-stimulation du plancher pelvien à une thérapie comportementale n’a pas encore été suffisamment étudié.

Population étudiée

Cette étude inclut des femmes d'au moins quarante ans, non institutionnalisées, ayant au moins deux épisodes d’incontinence de stress par semaine et, chez les-quelles cette incontinence de stress a été démontrée par examen urodynamique. Les patientes présentant des pertes urinaires continues, un volume vésical résiduel de plus de 150ml, un prolapsus utérin sévère, une décompensation cardiaque ou un Mini Mental State Examination (MMSE) <24 ont été exclues. Finalement, 200 femmes d’âge moyen de 56,2 ans (ET 9,8) ont été incluses. Parmi elles, 33,5% souffraient d’une incontinence de stress pure et 66,5% d’une incontinence mixte (de stress et instabilité vésicale).

Protocole de recherche

Il s’agit d’une étude contrôlée et randomisée. Les patientes suivent soit 8 semaines de training comportemental conduit par une infirmière, soit 8 semaines de training comportemental complété par une électrostimulation du plancher pelvien à domicile, soit 8 semaines de training comportemental avec un guide de self help (le groupe contrôle). Une stratification en fonction de la sévérité de l'incontinence et de l'ethnicité a été effectuée. L’accompagnement s’est déroulé en quatre sessions. Il était constitué d'exercices de musculation du plancher pelvien avec utilisation de biofeedback, d'instructions pour des exercices progressifs à faire, 3 fois par jour à domicile, pour l’apprentissage de stratégies de contrôle vésical et pour la tenue, par les patientes, d’un journalier. Les mêmes points étaient repris dans le guide de self help. Dans le groupe d’électro-stimulation du plancher pelvien (ESPP), les femmes apprenaient à pratiquer des exercices, les autres jours, durant une quinzaine de minutes avec l'aide d'une électro-stimulation, c'est-à-dire à contracter elles-mêmes les muscles du plancher pelvien après chaque contraction provoquée par la sonde.

Mesure des résultats

Le premier critère de jugement est la diminution du nombre d’épisodes d’incontinence notés par les patientes dans leur journalier. Ainsi, pour chaque patiente un pourcentage de réduction est calculé, égal à [(fréquence avant traitement - fréquence après traitement) divi sé par la fréquence avant traitement] x100%. Les critères secondaires sont la satisfaction des patientes et les changements de qualité de vie. L’analyse se fait en intention de traiter doit être complétée par une imputation de ces résultats manquants dans les différents bras d’étude.">intention de traiter.

 

Résultats

La réduction du pourcentage moyen d’épisodes d’incontinence est significative (p=0.005) dans chaque groupe: 68,6% (ET 32,4%) dans le groupe recevant le training comportemental accompagné, 71,9% (ET 32,8%) dans le groupe bénéficiant à la fois du training comportemental et de l’électro-stimulation du plancher pelvien, et 52,5% (ET 42,7%) dans le groupe contrôle. Le training accompagné et le training associé à l’ESPP sont significativement plus efficaces que le training self help du groupe contrôle (respectivement p=0.002 et p=0.02). Il n’y a pas de différence significative entre ces deux premiers groupes de traitement (p=0.60). Les patientes du groupe training plus ESPP se sentaient, à l’issue de l’étude, significativement mieux que les patientes du groupe training accompagné et que celles du groupe contrôle (p<0.001). Tous les groupes remarquent une amélioration de l’activité physique, du confort lors des voyages, des activités sociales et des émotions; mais il n’y a pas de différence significative entre les différents groupes pour ces critères.

Conclusions des auteurs

Les auteurs concluent que l’électro-stimulation du plancher pelvien n’augmente pas l’efficacité du training comportemental chez les femmes souffrant d’incontinence de stress. Un guide de self help diminue l’incontinence et améliore la qualité de vie, mais dans une moindre mesure qu’un programme accompagné.

Financement

National Institutes of Health (US).

Conflits d’intérêt

Non déclarés.

 

Discussion

L’ajout d’une électro-stimulation n’augmente pas l’efficacité d’une prise en charge comportementale limitée. Cette conclusion peut être tirée sans aucun doute de cette étude randomisée et contrôlée de méthodologie bien élaborée.

L’électro-stimulation entraîne une prise de conscience des muscles du plancher pelvien, or la proprioception du plancher pelvien laisse à désirer chez beaucoup de femmes. L'association d'une électro-stimulation à un training comportemental faisait espérer un gain supplémentaire. Dans le training comportemental, cette prise de conscience par biofeedback est instaurée dès le départ. Nous savions déjà que le biofeedback seul ne permet pas d'obtenir de meilleurs résultats que les exercices seuls, mais l’amélioration semble plus rapidement atteinte 1 . D'autres résultats favorables ont été rapportés dans des études menées avec des généralistes apprenant aux patientes, à l’aide d'un toucher vaginal, quels muscles du plancher pelvien contracter et quels autres non 2 . L'amélioration observée grâce au seul guide de self help est également à souligner, d'autant plus que, en analyse en intention de traiter, le taux de sortie d'étude, significativement plus élevé dans le groupe contrôle (37% contre 18,2% dans le groupe du training comportemental et 11,9% dans le groupe training plus ESPP) contribue substantiellement à un résultat moins bon obtenu dans ce groupe contrôle. Cette étude conforte une approche graduelle, de l’autocontrôle à un accompagnement beaucoup plus important par des professionnels, chez les patientes en bonne santé souffrant d’incontinence de stress non compliquée. Le fondement de cette approche est la motivation des patientes et leur capacité à appliquer les exercices dans la vie quotidienne 3.

 

Recommandations pour la pratique

Cette étude montre qu'une électro-stimulation du plancher pelvien (ESPP) ajoutée à un training comportemental (avec biofeedback) n'apporte pas de bénéfice supplémentaire par rapport à ce training seul pour le traitement de (principalement) l’incontinence de stress chez la femme en bonne santé. Un guide de self help améliore également l’incontinence et la qualité de la vie de ces patientes. Une prise en charge progressive, débutant par des exercices musculaires du plancher pelvien avec l'aide d'un guide de self help ou d'instructions précises, suivis d’un programme avec accompagnement par des professionnels est à recommander 4.

La rédaction

 

Références

  1. Berghman LCM, Frederiks CMA, de Bie RA et al. Efficacy of biofeedback, when included with pelvic muscle exercise treatment, for genuine stress incontinence. Neurol Urodyn 1996;15:37-52.
  2. Lagro-Janssen ALM, van Weel C. Long-term effect of treatment of female incontinence in general practice. Br J Gen Pract 1998;48:1735-8.
  3. Alewijnse D, Metsemakers JFM, Mesters IEPE, van den Borne B. Effectiveness of pelvic floor muscle exercise therapy supplemented with a health educational program to promote long-term adherence among women with urinary incontinence. Neurourol Urodynam 2003;22:284-295.
  4. Lagro-Janssen ALM, Breedveldt Boer HP, van Dongen JJAM et al. NHG-Standaard Incontinentie voor urine. Huisarts Wet 1995;38(2):71-80.
Electro-stimulation du plancher pelvien dans l'incontinence d'effort

Auteurs

Lagro-Janssen T.
General Practice/Family Medicine, Women's Studies Medicine, UMC St Radboud, Nijmegen
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