Revue d'Evidence-Based Medicine



Contraception d'urgence: mifépristone versus lévonorgestrel



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 10 Page 164 - 165

Professions de santé


Analyse de
von Hertzen H, Piaggio G, Ding J, et al. Low dose mifepristone and two regimens of levonorgestrel for emergency contraception : a WHO multicentre randomised trial. Lancet 2002;360:1803-10.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité de 3 schémas de contraception d’urgence, administrés dans les 120 heures (5 jours) après un rapport sexuel non protégé : mifepristone en une dose de 10 mg, lévonorgestrel en une dose de 1,5 mg ou lévonorgestrel en deux doses de 0,75 mg séparées par un intervalle de 12 heures ?


Conclusion
Cette étude montre que 10 mg de mifépristone, 2 doses de 0,75 mg de lévonorgestrel à 12 heures d’intervalle et 1,5 mg de lévonorgestrel en dose unique, sont aussi efficaces dans la prévention de grossesses non désirées, s’ils sont pris dans les cinq jours après un rapport sexuel non protégé. Il n’y a pas de différences importantes dans la survenue d’effets indésirables. La prise d’une dose de 1,5 mg de lévonorgestrel aussi tôt que possible après le rapport sexuel non protégé, de préférence dans les 72 heures (et maximum dans les 120 heures) peut être conseillée aux femmes qui veulent avoir recours à une contraception d’urgence. Une contraception correcte est nécessaire pour le restant du cycle et par après.


 

Résumé

Contexte

Des études ont montré que l’administration d’une dose de mifépristone ou de deux doses de 0,75 mg de lévonorgestrel après un rapport sexuel non protégé était efficace et sûre en prévention d’une grossesse non désirée. Une comparaison entre ces deux traitements n’avait cependant pas encore été publiée.

Population étudiée

Un total de 4 136 jeunes femmes en bonne santé issues de 15 pays, avec un âge moyen de 27 ans et un cycle menstruel régulier ont participé à cette étude. Une grossesse excluait la participation à l’étude. Les caractéristiques de base sont identiques dans les trois groupes. Plus de la moitié des femmes (60%) avait déjà été enceinte, 48 % avaient pratiqué un avortement et une sur quatre avait déjà précédemment utilisé une contraception d’urgence. Environ la moitié des femmes (48%) n’utilisait aucune contraception, 44 % avait eu un problème de préservatif et 3 à 4 % un échec d’une autre méthode contraceptive expliquant le caractère non protégé du rapport sexuel.

Protocole d’étude

Dans cette étude randomisée, en double aveugle, multicentrique, une dose de 10 mg de mifépristone est comparée à une dose unique de 1,5 mg de lévonorgestrel ou à deux doses de 0,75 mg de ce médicament, séparées par un intervalle de 12 heures, et ceci dans les 120 heures après un rapport non protégé. Les participantes ont été réparties entre les 3 groupes selon le programme informatique de randomisation de l’OMS.

Mesure des résultats

Le nombre de grossesses non désirées est le critère de jugement primaire. Les effets indésirables et le moment des premières menstruations après la contraception d’urgence sont également mentionnés.

Résultats

Le taux de grossesse est de 1,5 % (21/1 359) dans le groupe mifépristone, de 1,5 % (20/1 356) dans le groupe prise unique de 1,5 mg de lévonorgestrel et de 1,8 % (24/1 356) dans le groupe avec 2 doses de 0,75 mg de lévonorgestrel. Le risque relatif de grossesse après une dose de lévonorgestrel comparée à deux doses est de 0,83 (IC à 95 %: 0,46-1,50). Celui du lévonorgestrel (2 méthodes) versus mifépristone de 1,05 (IC à 95 %: 0,63-1,76). Pour les femmes ayant pris la contraception d’urgence au moins 72 heures après le rapport non protégé, le taux de grossesse est plus élevé (2,4 % versus 1,5 %), mais cette différence n’est pas significative. Le fait d’avoir d’autres relations sexuelles (avec ou sans contraception) après la prise de la contraception d’urgence et avant les menstruations suivantes augmente le taux de grossesse (2,7 % versus 1,1 %; p = 0,005). Les effets indésirables sont rares : 14 % de nausées, 1 % environ de vomissements, sans différence entre les trois méthodes. Un délai plus long pour les menstruations est plus fréquent dans le groupe mifépristone (9 % versus 5 %; p < 0,0001). Des pertes de sang durant les sept premiers jours sont plus fréquentes dans les groupes lévonorgestrel (31 % versus 19 %).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent à la prévention d’un nombre élevé de grossesses non désirées après un rapport sexuel non protégé grâce à l’utilisation de ces 3 méthodes dans les 5 jours après le rapport. Aucune différence d’efficacité ou de survenue d’effets indésirables n’est observée entre les trois méthodes.

Financement

Cette étude est financée par la UNDP/UNFPA/ WHO/World Bank Special Program Of Research, Development and Research Training in Human Reproduction. Les sponsors n’ont exercé aucune influence sur l’élaboration, la réalisation et la publication de l’étude.

Conflits d’intérêt

Aucun déclaré par les auteurs.

 

Discussion

La contraception d’urgence en prévention primaire

Les grossesses non désirées sont un problème universel. La prévention primaire principale est une contraception correcte avec un avortement provoqué comme solution de recours 1. Selon Grimes, la prévention primaire devrait être étendue à la contraception d’urgence 2. Cette étude est donc importante non seulement sur le plan scientifique, mais également au niveau social. Au plus le recours à la contraception d’urgence répondra aux désirs des consommatrices, au plus celles-ci pourront en faire un usage adéquat. Une des raisons principales de la non-utilisation de la contraception d’urgence sont les effets indésirables présumés 3.

Cette étude est de méthodologie correcte. Les chercheurs énumèrent clairement les critères d’inclusion et d’exclusion des femmes lors de la sélection. Le problème majeur est le taux de sortie d’étude (61/4 136 femmes). Ceci introduit un biais possible, étant donné notre ignorance du taux de grossesse dans ce groupe. Cette étude confirme les résultats d’une étude publiée en Chine et comparant le mifépristone au lévonorgestrel 4.

Lévonorgesterel, une prise versus deux prises

L’avantage pour la pratique est la démonstration de l’efficacité d’une seule dose de lévonorgestrel. Tremblay conclut dans une étude précédente, en comparant la prise de deux doses de lévonorgestrel avec des intervalles soit de 12 soit de 24 heures entre les deux prises, à une efficacité semblable des 2 schémas, ce qui peut améliorer la compliance 5. Cette étude était cependant de petite taille et se déroulait dans un contexte très étroitement surveillé ce qui ne permet pas d’en exploiter les résultats dans des schémas pratiques. L’étude analysée ici nous apprend que l’administration d’une dose est aussi efficace, sans augmentation des effets indésirables. Nous ne pouvons cependant tirer aucune conclusion quant à l’efficacité d’une administration reportée jusqu’au cinquième jour après un rapport non protégé. Il y a en effet un taux de grossesse qui augmente, quoique non significativement, mais les groupes sont sans doute trop petits pour atteindre une signification statistique. Sur la base de cette étude, la stratégie de la contraception d’urgence, établie par tous les groupes professionnels concernés en Belgique, a été adaptée et émet l’avis d’une prise unique. Cet avis a également des implications pour la vente libre en pharmacie. Les pharmaciens peuvent conseiller de préférence cette prise unique à leurs clientes et doivent donner un counseling correct sur des rapports sexuels protégés pour la suite du cycle jusqu’aux menstruations suivantes.

 

Recommandations pour la pratique

Cette étude montre que 10 mg de mifépristone, 2 doses de 0,75 mg de lévonorgestrel à 12 heures d’intervalle et 1,5 mg de lévonorgestrel en dose unique, sont aussi efficaces dans la prévention de grossesses non désirées, s’ils sont pris dans les cinq jours après un rapport sexuel non protégé. Il n’y a pas de différences importantes dans la survenue d’effets indésirables. La prise d’une dose de 1,5 mg de lévonorgestrel aussi tôt que possible après le rapport sexuel non protégé, de préférence dans les 72 heures (et maximum dans les 120 heures) peut être conseillée aux femmes qui veulent avoir recours à une contraception d’urgence. Une contraception correcte est nécessaire pour le restant du cycle et par après.

La rédaction

Références

  1. Cheng L, Gülmezoglu AM, Ezcurra E, Van Look PFA. Interventions for emergency contraception (Cochrane Review). In : The Cochrane Library, Issue 3, 2003. Oxford : Update Software.
  2. Grimes D. Emergency contraception : expanding opportunities for primary prevention. N Engl J Med 1997;337:1078-9.
  3. Free C, Lee MR, Ogden J. Young women’s accounts of factors influencing their use and non-use of emergency contraception : in-depth interview study. BMJ 2002;325:1393-7.
  4. Wu S, Wang C, Wang Y. A randomized, double-blind, multicentre study on comparing levonorgestrel and mifepristone for emergency contraception. Zhonghua Fu Chan Ke Za Zhi 1999;34:327-30.
  5. Tremblay D, Gainer E, Ulmann A. The pharmacokinetics of 750 microgram levonorgestrel following administration of one single dose or two doses at 12 or 24 h interval. Contraception 2001;64:327-31.

Noms de marque

Levonorgestrel : Norlevo®

Mifepristone : Mifegyne® non disponible en Pharmacie en Belgique ; uniquement disponible dans certains centres d’interruption de grossesse (pour une interruption de grossesse n’excédant pas 49 jours d’aménorrhée).

Contraception d'urgence: mifépristone versus lévonorgestrel

Auteurs

Peremans L.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Universiteit Antwerpen; Departement Maatschappelijke Gezondheidszorg, Vrije Universiteit Brussel
COI :

Glossaire

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