Revue d'Evidence-Based Medicine



Protecteur de hanche et prévention des fractures



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 9 Page 155 - 156

Professions de santé


Analyse de
1. Meyer G, Warnke A, Bender R, Mühlhauser I. Effect on hip fractures of increased use of hip protectors in nirsing homes : cluster randomised controlled trial. BMJ 2003;326:76–80. 2. Van Schoor N, Smit J, Twisk J, Bouter L, Lips P. Prevention of hip fractures by external hip protectors. A randomized controlled trial. JAMA 2003;289:1957-62.


Conclusion
Ces études montrent des résultats contradictoires quant à l’efficacité préventive des protecteurs de hanche. L’utilisation permanente d’un protecteur de hanche dans la prévention de la fracture de hanche chez des personnes à risque élevé de chute nécessite un encadrement important. Malgré la présence de celui-ci et la gratuité de l’appareillage, la compliance thérapeutique est faible et l’efficacité non formellement démontrée. La prévention des chutes reste essentielle pour la prévention des fractures de hanche chez les personnes âgées.


 

Résumé

Les chutes sont fréquentes chez les personnes âgées de 65 ans et plus : 30 à 50 % font une chute ou plusieurs chutes chaque année. Elles sont d’autant plus fréquentes que les personnes sont plus vulnérables : le risque est multiplié par 3 en institution. Chaque année, cinq pour cent des personnes à haut risque de chute font une fracture de hanche, entraînant un décès dans l’année dans 20 à 30 % des cas ou une invalidité importante dans la même proportion des cas. Il est donc important de mettre sur pied des programmes de prévention des chutes. Ceux-ci se sont révélés efficaces surtout chez les personnes âgées présentant, au départ, les meilleures capacités physiques 1. Pour les personnes à haut risque de chute, plusieurs études ont exploré l’efficacité du port d’un protecteur de hanche en prévention de la fracture de hanche. Nous vous présentons, ici, deux des dernières parues.

L’étude de Meyer G et al. inclut des personnes âgées d’au moins 70 ans, à haut risque de chute, hébergées dans des maisons de repos et de soins en Allemagne. Elle est randomisée et contrôlée. La randomisation est faite par groupes de patients et non individuellement, suivant une allocation correcte. 459 personnes figurent dans les groupes (25 groupes) d’intervention consistant en une formation théorique et pratique du personnel soignant des institutions, avec fourniture de 3 protecteurs de hanche (1 même type de protecteur, validé dans d’autres études) par résident participant à l’étude. 483 personnes sont incluses dans les groupes (24 groupes) contrôles, sans intervention particulière. Dans cess derniers groupes, 8 % des patients utilisaient un protecteur de hanche. Le critère de jugement est l’incidence de fracture de hanche. Les résultats sont décrits dans le tableau 1. Les auteurs concluent : l’introduction d’un programme éducatif et la fourniture de protecteurs de hanche dans les maisons de repos et de soins augmentent l’utilisation de ces protecteurs de hanche et peut réduire le nombre de fractures de hanche.

 

Tableau 1. Résultats de l’étude de Meyer et collaborateurs.

 

 

Groupes protecteur de hanche

Groupes contrôles

Différences

IC à 95 % ; valeur-p

Suivi moyen

15 mois

14 mois

 

Décès/sorties étude, n =

167

207

 

Fracture de hanche

(nombre de fractures

sur le total des patients)

21/21 patients

4,6 %

42/39 patients

8,1 %

RR = 0,57

RAR = -3,5 %
(-7,3 à 0,3 ; p = 0,072)

Utilisation du protecteur

chez les chuteurs

68 %

15 %

Différence moyenne :

53 % (38 à 67 ; p = 0,0001)

Autres fractures, n =

39

38

 

Financement

L’étude est financée par le “Public Health Research Network Northem Germany”. La firme Rölke Pharma a fourni les protecteurs de hanche, doté l’Université d’Hambourg, promotrice du projet.

Conflits d’intérêts

2 auteurs ont reçu des fonds de la firme Rölke Pharma.

 

L’étude de Van Schoor N et al., randomisée, contrôlée, inclut des personnes âgées d’au moins 70 ans présentant une densité minérale osseuse basse (DMO) diminuée au niveau du calcanéum (critère de départ), et des facteurs de risque de chute (de zéro à plusieurs suivant la DMO). Elles résident soit en maison de repos, soit en maison de repos et de soins, soit en appartements dans des seniories en Hollande. Après un screening de 830 personnes, 561 d’entre elles sont enrôlées dans l’étude. Après stratification suivant l’âge et le sexe, 270 sont attribuées, suivant une allocation correcte par blocs, à un groupe intervention et 285 à un groupe contrôle. Une information est donnée aux patients des deux groupes sur les conditions de maintien d’une bonne ossature et sur les facteurs de risque extrinsèques de chute. Dans le groupe intervention, les patients et le personnel soignant reçoivent également une information sur les causes et conséquences des fractures de hanche, ainsi qu’une formation à l’utilisation de protecteur de hanche. Des rappels écrits sont adressés au personnel soignant pour insister sur l’importance de la compliance au port du protecteur de hanche, y compris la nuit. Le critère de jugement est le délai de survenue de la première fracture de hanche. L’enregistrement est fait par le patient (ou par l’infirmière en cas d’incapacité de celui-ci) avec intervention de l’équipe des chercheurs en cas de rapport absent ou incorrect. Le suivi, initialement fixé à 1 an, a été porté à près de 70 semaines pour assurer une puissance suffisante à l’étude (89 %).

Les résultats, en analyse en intention de traiter, donnent la survenue du critère de jugement primaire (fracture de hanche) pour 18 personnes dans le groupe intervention versus 20 personnes dans le groupe contrôle, soit un rapport de hasards désigne le risque relatif de survenue d’un résultat dans une analyse réalisée à l’aide du modèle de régression de Cox. Il s’agit d’un risque relatif « instantané » tenant compte de la durée de présence dans l’étude.">HR de 1,05 (IC à 95 %: 0,55 – 2,03), avec 4 fractures dans le groupe intervention lors du port effectif du protecteur de hanche. Une analyse complémentaire, par protocole, des patients compliants ne montre également pas d’efficacité préventive du protecteur de hanche: HR 0,77 (IC à 95 %: 0,25 – 2,38). La conclusion des auteurs est l’absence d’efficacité préventive prouvée du protecteur de hanche pour la fracture de celle-ci.

Financement

L’étude a été financée par un fond de prévention, le “Zorg onderzoek Nederland”, et un don de “VAZ Doelmatigheid”. Les protecteurs de hanche ont été fournis par la firme Tytax.

Conflit d’intérêt

Non mentionnés dans l’article.

 

Discussion

Ces deux études diffèrent essentiellement par leur technique de randomisation et la population incluse. L’étude de Meyer utilise une randomisation par groupe d’intervention et l’étude de van Schoor une randomisation individuelle. Les 2 études concernent une population à risque de chute et/ou de fracture important. Dans l’étude de Meyer 70 à 77% des patients présentent de l’incontinence, 71 à 76% ont fait une chute dans les 12 mois précédant l’étude et 22 à 25 % ont déjà présenté une fracture de la hanche. Dans l’étude de van Schoor, soit la DMO est très basse, soit elle est basse mais combinée à des facteurs de risque [anamnèse de chute, AVC avec séquelles, incontinence urinaire, faible activité physique, mobilité réduite, déficit cognitif (MMSE <= 23)].

Compliance

Le suivi de la compliance au traitement est également fort important dans ces études : visite programmée des MRS et rappel lors du contrôle bimensuel des formulaires d’enregistrement dans l’étude de Meyer, rappels écrits tous les 3 mois et visites de contrôle non annoncées à 1, 6 et 12 mois dans l’étude de van Schoor. Malgré ces rappels, la compliance est loin d’être importante, dans l’étude de van Schoor : seuls 16 % des sujets portent le protecteur de hanche la nuit et 42 % des patients ont abandonné le port du protecteur dans les 12 mois. Une étude portant sur la compliance chez des femmes non institutionnalisées soulève les mêmes difficultés : seules 28 % des femmes acceptent au départ le port d’un protecteur de hanche et la moitié de celles-ci continuent à le porter tous les jours après 12 mois 2 . Une information complémentaire sur les facteurs de risque de chute est donnée dans les 2 études et un aménagement des lieux est réalisé dans l’étude de van Schoor.

Efficacité

L’efficacité du port d’un protecteur de hanche dans la prévention des fractures de celle-ci n’est pas statistiquement significative dans l’étude de Meyer et non prouvée dans l’étude de van Schoor. Dans la synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration 3 réalisée en mars 2001, le port d’un protecteur de hanche donne une réduction du taux de fracture de hanche (2,2 % versus 6,2 %), lors de la sommation (pooling) des résultats des études. La randomisation étant majoritairement faite par groupe et non individuellement dans les études retenues, il n’est cependant pas possible de préciser si cette différence est significative. Sur les 11 études publiées à l’heure actuelle, 5 utilisent la randomisation par groupe. La synthèse de Parker n’a pas inclus les 4 études présentant des résultats négatifs (4-6 dans cette analyse). Les trois études (5, 6 et van Schoor) numériquement importantes et utilisant une randomisation individuelle ne montrent pas d’efficacité préventive du protecteur de hanche.

 

Recommandations pour la pratique

Ces études montrent des résultats contradictoires quant à l’efficacité préventive des protecteurs de hanche. L’utilisation permanente d’un protecteur de hanche dans la prévention de la fracture de hanche chez des personnes à risque élevé de chute nécessite un encadrement important. Malgré la présence de celui-ci et la gratuité de l’appareillage, la compliance thérapeutique est faible et l’efficacité non formellement démontrée. La prévention des chutes reste essentielle pour la prévention des fractures de hanche chez les personnes âgées.

La rédaction

 

Références

  1. Chevalier “Préhabilitation” et prévention des chutes pour les personnes âgées vulnérables. MinervaF 2003;2(5):77- 80.
  2. Patel S, Ogunremi L, Chinappen U. Acceptability and compliance with hip protectors in community-dwelling women at risk of hip fracture. Rheumatology 2003;42:769-72.
  3. Parker M, Gillespie L, Gillespie W. Hip protectors for preventing hip fractures in the elderly (Cochrane Review). In : The Cochrane Library, Issue 1, 2003. Oxford : Update Software.
  4. Cameron I, Venman J, Kurrle S et al. Hip protectors in aged-care facilities. Age Ageing 2001;30:477-81.
  5. Hildreth R, Campbell P, Togerson I. A randomized controlled trial of hip protectors for the prevention of second hip fractures. Osteoporos Int 2001;12:S13.
  6. Hubacher M, Wettstein A. Acceptance of hip protectors for hip fracture prevention in nursing homes. Osteoporos Int 2001;12:794-9.
Protecteur de hanche et prévention des fractures

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
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