Analyse


La pratique des jeux vidéo actifs améliore-t-elle l’équilibre postural et la mobilité des patients atteints de la maladie de Parkinson ?


22 12 2023

Professions de santé

Ergothérapeute, Infirmier, Kinésithérapeute, Médecin généraliste
Analyse de
Zhang J, Luximon Y, Pang MY, Wang H. Effectiveness of exergaming-based interventions for mobility and balance performance in older adults with Parkinson's disease: systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials. Age Ageing 2022;51:afac175. DOI: 10.1093/ageing/afac175


Question clinique
Quel est l’effet de la pratique des jeux vidéo actifs, mesuré après l’intervention, par comparaison avec celui de la gymnastique médicale habituelle, sur l’équilibre postural et la mobilité des personnes âgées atteintes de la maladie de Parkinson ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique montre que les interventions basées sur la pratique des jeux vidéo actifs sont meilleures, et ce de manière statistiquement significative, que l’entraînement physique habituel pour améliorer l’équilibre postural et la mobilité, à l’exception de la vitesse de marche et de la longueur de la foulée, chez les personnes âgées atteintes de la maladie de Parkinson. Cependant, on ne sait pas quelle est la pertinence clinique des résultats trouvés. Des recherches plus approfondies sur les effets à long terme et sur les différents sous-groupes sont également nécessaires.


Contexte

Le nombre de personnes atteintes de la maladie de Parkinson est en augmentation constante (1). Une étude randomisée contrôlée (RCT) correctement menée (3), qui a fait l’objet d’une discussion dans Minerva (2), a montré que l’association de lévodopa et de carbidopa chez des personnes atteintes de la maladie de Parkinson conduisait à un contrôle rapide des symptômes, mais n’exerçait aucune influence sur la progression de la maladie. En conséquence, l’étude et l’exploration d’autres thérapies pour la maladie de Parkinson suscitent un intérêt croissant. Par exemple, l’entraînement physique devient de plus en plus important dans le traitement de la maladie de Parkinson. Un commentaire publié dans Minerva a traité d’une synthèse méthodique avec méta-analyse qui montrait que, par rapport à la prise en charge habituelle, aux activités quotidiennes ou à une thérapie par l’exercice placebo, l’exercice en musique chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson avait un effet bénéfique sur le fonctionnement moteur, l’équilibre, le phénomène de « freezing » et la vitesse de marche. On n’en connaît toutefois pas les effets à long terme (4,5). La pratique des jeux vidéo actifs (exercices via des jeux interactifs de réalité virtuelle) est une alternative relativement bon marché à la kinésithérapie habituelle. Une synthèse méthodique très récente a révélé que la pratique des jeux vidéo actifs augmentait la motivation et l’observance du traitement chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson et a conclu que cette thérapie pouvait être proposée comme alternative à la thérapie classique (6).  

 

 

Résumé
 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyses

Sources consultées

  • Web of Science, Medline, Academic Search Premier, CINAHL Complete, PsycINFO, PsychARTICLE et PubMed ; jusqu’au 7 avril 2022
  • listes de références des études incluses
  • uniquement les publications en anglais.

 

Études sélectionnées

  • critères d’inclusion : études randomisées contrôlées, publiées dans des revues avec évaluation intercollégiale, qui ont examiné l’effet de la pratique des jeux vidéo actifs, par comparaison avec l’entraînement physique classique, sur l’équilibre et la mobilité de personnes âgées atteintes de la maladie de Parkinson, leur âge moyen étant d’au moins 60 ans
  • critères d’exclusion : revues, études de cas, commentaires, études avec uniquement une analyse qualitative
  • finalement, inclusion de 19 RCTs, avec un échantillon de 20 à 192 participants par étude, menées dans 9 pays différents (principalement Taïwan (N = 5) et le Brésil (N = 5), mais aussi la Chine (N = 2), l’Italie (N = 2), l’Australie (N = 1), la Corée (N = 1), l’Inde (N = 1), la Hongrie (N = 1) et les Pays-Bas (N = 1)) ; les interventions basées sur la pratique des jeux vidéo actifs duraient de 4 à 12 semaines à raison de 2 à 5 séances par semaine, la durée des séances allant de 20 à 75 minutes ; 13 études ont utilisé des systèmes commerciaux de pratique des jeux vidéo actifs (tels que Wii-Fit), et 5 études ont utilisé des systèmes adaptés au groupe cible (tels que l’entraînement de l’équilibre en réalité virtuelle) ; dans 17 études, le groupe témoin effectuait une gymnastique médicale habituelle (par ex. entraînement de l’équilibre classique et entraînement de l’équilibre par intégration sensorielle, exercices fonctionnels, entraînement en force, entraînement sur tapis roulant), et, dans 2 études, le groupe témoin n’effectuait aucune gymnastique médicale.  

 

Population étudiée 

  • 781 patients atteints de la maladie de Parkinson, l’âge moyen se situant entre 60 et 75 ans.

 

Mesure des résultats

 

Résultats

  • pour tous les tests d’équilibre et de mobilité sauf pour la vitesse de marche, la longueur de la foulée et le score FGA, l’amélioration observée à la fin de l’intervention était plus importante, et ce de manière statistiquement significative, dans le groupe « pratique des jeux vidéo actifs » que dans le groupe témoin
  • dans l’analyse de sous-groupes ne prenant en compte que les 17 études dans lesquelles la pratique des jeux vidéo actifs a été comparée à l’entraînement physique habituel comme groupe témoin, tous les tests d’équilibre et de mobilité, à l’exception de la vitesse de marche et de la longueur de la foulée, ont montré une amélioration plus importante, et ce de manière statistiquement significative, à la fin de l’intervention (voir tableau 1). 

 

Tableau 1. Différence entre la pratique des jeux vidéo actifs et l’entraînement physique habituel sur le changement en termes d’équilibre et de mobilité à la fin de l’intervention, exprimée en différence moyenne (DM) avec intervalle de confiance à 95% (IC à 95%) et degré d’hétérogénéité statistique (I²). 

 

Différence moyenne (avec IC à 95%) entre intervention et témoin

Valeur de p

Niveau de preuve selon GRADE

BBS (N = 12, n = 517)

2,129 (1,293 à 2,965)

< 0,001

19%

élevé

TUG (N = 6, n = 313)

-1,030 sec (-2,029 à -0,031)

0,04

0%

élevé

6MWT : (N = 4, n = 136)

63,483 m (9,542 à 117,425)

0,02

70%

modéré

Vitesse de marche : (N = 7, n = 260)

0,045 m/s (-0,006 à 0,096)

0,08

0%

élevé

Longueur de la foulée : (N = 4, n = 124)

4,837 m (-0,272 à 9,947)

0,06

0%

modéré

FGA : (N = 2, n = 52)

2,099 (0,306 à 3,893)

0,02

0%

modéré

 

Conclusion des auteurs

Les interventions basées sur la pratique des jeux vidéo actifs sont meilleures, et ce de manière statistiquement significative, que la kinésithérapie habituelle pour améliorer les scores TUG, 6MWT, BBS et FGA chez les personnes âgées atteintes de la maladie de Parkinson. Seule la différence au 6MWT entre les interventions basées sur la pratique des jeux vidéo actifs et la kinésithérapie habituelle atteint le niveau de différence minimale cliniquement pertinente. De nouvelles études sont nécessaires pour déterminer davantage l’efficacité des interventions basées sur la pratique des jeux vidéo actifs. 

 

Financement de l’étude

Par le Shenzhen-Hong Kong-Macao Science and Technology Project Fund, School of Design Collaborative Research Fund, Postdoc Matching Fund Scheme en Start-up Fund for RAPs under the Strategic Hiring Scheme à la Hong Kong Polytechnic University.

 

Conflits d’intérêt des auteurs

Pas de conflits d’intérêt mentionnés. 

 

 

Discussion

 

Évaluation de la méthodologie

Le protocole de cette synthèse méthodique avec méta-analyse a été enregistré a priori dans PROSPERO et suit les lignes directrices de la Collaboration Cochrane. Sept bases de données différentes ont été consultées, avec l’anglais comme restriction linguistique. Les critères d’inclusion et d’exclusion sont clairement définis. Pour les méta-analyses comportant plus de dix études, il était prévu de détecter le risque de biais de publication avec le test de régression d’Egger et d’en tenir compte lors de l’évaluation de la force des preuves. Nous ne trouvons pourtant rien de plus à ce sujet dans l’article (et les suppléments). La sélection des articles, le traitement des données et l’analyse de la qualité méthodologique avec l’outil Cochrane évaluant le risque de biais ont été réalisés par deux chercheurs indépendamment l’un de l’autre, avec consultation d’un troisième chercheur en cas de désaccord. Les données manquantes ou non publiées ont été demandées par courrier électronique. Parmi les 19 RCTs incluses, 4 études présentaient un faible risque de biais et 1 étude présentait un risque de biais élevé en raison d’un écart dans la procédure de randomisation. Cette dernière étude a également été incluse dans la méta-analyse, et aucune analyse de sensibilité n’a même été réalisée excluant cette étude. Pour les 14 études présentant un risque de biais indéterminé, il s’agit principalement d’incertitudes concernant le processus de randomisation (N = 6), d’écarts par rapport aux interventions proposées (N = 6), de données manquantes (N = 4) et d’un manque de clarté quant à la mesure des résultats (N = 6). Différents instruments de mesure ont été utilisés pour évaluer la mobilité, ce qui est intéressant pour justifier la robustesse des effets constatés. Il est également utile pour la pratique clinique qu’une analyse de sous-groupe ait été réalisée avec uniquement l’entraînement physique habituel comme groupe témoin. Les résultats de cette analyse de sous-groupes étaient comparables à ceux de la méta-analyse complète, à l’exception de l’effet sur le score FGA. Dans ce cas, la différence statistiquement significative a disparu lorsqu’une étude avec un groupe témoin passif a été ajoutée, mais ce résultat était tout à fait cohérent avec les deux autres études comparant avec un groupe témoin actif. Ce n’est que pour la mesure des résultats 6MWT qu’il existe une forte hétérogénéité statistique, qui n’a pas pu être explorée davantage en raison du petit nombre d’études.

 

Évaluation des résultats

Les auteurs visaient à fournir un aperçu des effets des interventions avec pratique des jeux vidéo actifs sur l’équilibre postural et la mobilité chez les personnes âgées atteintes de la maladie de Parkinson. Un des critères d’inclusion était un âge moyen d’au moins 60 ans. Une étude avec un âge moyen de 60,3 ans et un écart type de 9,3 ans a ainsi été incluse. On peut donc dire que de nombreux participants âgés de moins de 60 ans ont également été inclus. Par conséquent, il semble que l’on puisse généraliser le résultat de cette méta-analyse à la population de personnes atteintes de la maladie de Parkinson dans le monde. 
D’autres caractéristiques importantes des participants ne sont pas rapportées, par exemple le sexe, la gravité de la maladie, la durée de la maladie, la présence du phénomène de « freezing ». Il est donc difficile de déterminer quel sous-groupe de patients bénéficierait le plus de la pratique des jeux vidéo actifs. Les études incluses étaient également très hétérogènes en termes de durée de l’entraînement, de sa forme, de son volume et de sa fréquence, et les analyses de sous-groupes n’étaient pas possibles en raison du nombre limité d’études disponibles. Il est donc difficile, à partir de cette étude, de faire des suggestions spécifiques concernant l’intensité et la forme de l’entraînement et concernant le groupe cible approprié en termes de gravité de la maladie.
En ce qui concerne la différence minimale cliniquement importante (Minimal Clinically Important Difference, MCID) les valeurs de référence pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson n’étaient disponibles que pour les tests 6MWT et FGA. Seul le 6MWT a atteint le niveau de MCID. Il est donc difficile de tirer des conclusions sur la pertinence clinique des résultats, malgré le niveau de preuve modéré à élevé des différents critères de jugement. En outre, il faut également noter que les mesures effectuées dans le cadre de l’étude l’ont été à la fin de l’intervention. Comme la durée des études incluses variait entre 4 et 12 semaines, il s’agit d’un effet à court terme, et des recherches à long terme sont donc certainement nécessaires. 
Enfin, cette méta-analyse n’a pas examiné l’observance du traitement ni la motivation des participants. Les auteurs considèrent pourtant la motivation comme un avantage important des interventions avec pratique des jeux vidéo actifs par rapport à l’entraînement physique « souvent répétitif », mais ils disposaient de trop peu de données pour approfondir cette question.

 

Que disent les guides pour la pratique clinique ?

L’evidence summary de JBI (7) concernant la télérevalidation pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson stipule qu’elle doit leur être proposée comme option. Mais il doit toujours y avoir une personne présente physiquement pour assurer la sécurité du patient. Les guidelines JBI mentionnent la pratique des jeux vidéo actifs dans le cadre de la télérevalidation. Actuellement le Guide de bonne pratique de la KNGF (2017) (8) ne mentionne pas encore la pratique des jeux vidéo actifs pour l’équilibre ou la mobilité.  

 

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique montre que les interventions basées sur la pratique des jeux vidéo actifs sont meilleures, et ce de manière statistiquement significative, que l’entraînement physique habituel pour améliorer l’équilibre postural et la mobilité, à l’exception de la vitesse de marche et de la longueur de la foulée, chez les personnes âgées atteintes de la maladie de Parkinson. Cependant, on ne sait pas quelle est la pertinence clinique des résultats trouvés. Des recherches plus approfondies sur les effets à long terme et sur les différents sous-groupes sont également nécessaires.



 

Tableau 2. Différence minimale décelable et différence minimale cliniquement importante pour les critères de jugement. Les valeurs indiquées sont basées sur la littérature chez les personnes âgées atteintes de la maladie de Parkinson (PâMP) ou chez les adultes en bonne santé (AeBS). 

Critère de jugement

Différence minimale cliniquement pertinente

BBS

Non disponible

TUG

0,90 à 1,14 s (AeBS)

6MWT

14,0 à 30,5 m (PâMP)

FGA

8,00 (PâMP)

 

Références 

  1. Dorsey ER, Constantinescu R, Thompson JP, et al. Projected number of people with Parkinson disease in the most populous nations, 2005 through 2030. Neurology 2007;68:384-6. DOI: 10.1212/01.wnl.0000247740.47667.03
  2. Crosiers D. La lévodopa a-t-elle une influence sur la progression de la maladie de Parkinson ? MinervaF 2019;18(10):118-21
  3. Verschuur CV, Suwijn SR, Boel JA, et al; LEAP Study Group. Randomized delayed-start trial of levodopa in Parkinson’s disease. N Engl J Med 2019;380:315-24. DOI: 10.1056/NEJMoa1809983
  4. Spildooren, J. Le mouvement en musique améliore-t-il la motricité, la santé mentale et la qualité de vie des patients atteints de la maladie de Parkinson ? Minerva 2021;20(8):100-3
  5. Zhou Z, Zhou R, Wei W, et al. Effects of music-based movement therapy on motor function, balance, gait, mental health, and quality of life for patients with Parkinson's disease: a systematic review and meta-analysis. Clin Rehabil 2021;35:937-51. DOI: 10.1177/0269215521990526
  6. Rodríguez-Mansilla J, Bedmar-Vargas C, Garrido-Ardila EM, et al. Effects of virtual reality in the rehabilitation of Parkinson's disease: a systematic review. J Clin Med 2023;12:4896. DOI: 10.3390/jcm12154896
  7. Lizarondo L. Maladie de Parkinson : télérevalidation. JBI Evidence summary 2020;JBI-ES-242-1. Screené par Ebpracticenet: 14/12/2020.x
  8. van Nimwegen M, Nijkrake M, Munneke M, et al. Ziekte van Parkinson. KNGF-richtlijn. Koninklijk Nederlands Genootschap voor Fysiotherapie augustus 2017.

 




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