Revue d'Evidence-Based Medicine



Intérêt de la drospirénone et/ou de 24 jours de contraception orale versus 21 ?



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 9 Page 108 - 109

Professions de santé


Analyse de
Dinger J, Minh TD, Buttmann N, Bardenheuer K. Effectiveness of oral contraceptive pills in a large U.S. cohort comparing progestogen and regimen. Obstet Gynecol 2011;117:33-40.


Question clinique
Quelle est l’efficacité d’une contraception hormonale estroprogestative contenant le progestagène drospirénone (21 ou 24 jours) versus autres associations (21 ou 24 jours) ?


Conclusion
Malgré un avis favorable des auteurs en faveur de la drospiréone, les résultats de cette étude n’apportent pas de preuves suffisantes d’une supériorité d’une association estroprogestative drospirénone/EE durant 24 jours versus progestagènes à demi-vie plus courte et/ou avec schéma en 21 jours.


 

 

Contexte

Une utilisation correcte d’une contraception hormonale orale est associée à une fréquence faible de grossesse non désirée : Pearl Index de 0,3% durant la première année. Cette fréquence peut monter à 8% dans la réalité quotidienne (1), principalement en raison de l’oubli de pilules. Une étude récente de l’inhibition de l’ovulation a évalué l’influence de ces oublis de pilule (remplacement des 3 premières pilules par un placebo après un cycle complet) sur l’activité ovarienne pour des schémas 21 jours de drospirénone / 20 microg éthinylestradiol (EE) versus schémas de 24 jours. L’activité ovarienne est significativement davantage diminuée avec un schéma 24 jours, ce qui rendrait ce schéma plus sûr en pratique quotidienne (2,3). Pour confirmer cette hypothèse la Food and Drug Administration (FDA) et l’European Medicines Agency (EMA) ont demandé une étude de sécurité post-autorisation.

 

Résumé

 

Population étudiée

  • 52 218 femmes demandeuses d’une contraception orale, recrutées via 5 219 gynécologues étatsuniens ; 10 032 (19,2%) nouvelles utilisatrices de CO, 42 186 (80,8%) désirant changer de pilule ; consentantes pour un suivi à long terme ; âge moyen de 26,3 ans ; IMC moyen de 26,3 kg/m²
  • pas de critères d’exclusion stricts sinon une barrière de langue.

 

Protocole d’étude

  • étude d’observation, prospective à long terme, comparative
  • 3 cohortes de femmes : soit drospirénone/EE24j (19,7%), soit drospirénone/EE21j (7,6%) soit autre CO21j ou 24j (72,6%)
  • suivi via questionnaires envoyés deux fois par an à toutes les femmes
  • perte de données évitée par une stratégie à 4 échelons : 2 lettres de rappel, contact téléphonique avec la participante, les membres de la famille, amis, médecins traitants ; recherche via des répertoires téléphoniques et d’adresses, recherche dans les registres de décès, commerciaux ou administratifs gouvernementaux
  • durée d’étude : 5 ans.

 

Mesure des résultats

  • critère de jugement : échec de la contraception sur l’index Pearl et tableau “de survie”
  • correction pour les facteurs confondants : âge, IMC, tabagisme, parité et niveau de scolarité
  • analyse suivant la cohorte d’inclusion initiale.

Résultats

  • sorties d’étude : 7,1%
  • index de Pearl : 1,6 (IC à 95% de 1,4 à 1,9) sous drospirénone/EE24j ; 2,2 (IC à 95% de 1,8 à 2,6) sous drospirénone/EE21j et 2,6 (IC à 95% de 2,4 à 2,7) sous autre CO estroprogestative
  • données “de survie” : moins d’échecs de contraception sous drospirénone/EE24j versus drospirénone/EE21j et versus autres CO estroprogestatives (voir tableau) ; moins d’échecs de CO avec la drospirénone/EE24j versus noréthistérone/EE24j et pour la drospirénone/EE21j versus noréthistérone/EE21j ; moins d’échecs pour les schémas 24 j versus schémas 21 j
  • pas de modification des résultats après correction pour les facteurs confondants.

 

Tableau. Tableau “de survie” avec pourcentage (et IC à 95%) d’échecs de contraception après 1, 2 et 3 ans d’utilisation de drospirénone/EE24j , drospirénone/EE21j et autres associations estroprogestatives contraceptives.

 

                                                  Pourcentage (IC à 95%) d’échecs de contraception

 

après 1 an

après 2 ans

après 3 ans

DRSP/EE24j

2,1 (1,7-2,4)

3,4 (2,9-4,0)

4,7 (3,8-5,6)

DRSP/EE21j

2,8 (2,2-3,3)

4,5 (3,6-5,4)

5,7 (4,5-6,9)

Autres pilules

3,5 (3,3-3,7)

5,4 (5,1-5,7)

6,7 (6,2-7,1)

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un schéma de 24 jours avec la drospirénone apporte une meilleure fiabilité contraceptive qu’un schéma conventionnel de 21 jours. La présence d’une obésité semble associée avec une légère diminution de la fiabilité de la contraception.

Financement

Bayer Schering Pharma, Berlin

 

Conflits d’intérêt

Le premier auteur est consultant pour la firme Bayer Schering Pharma. Deux des 4 auteurs déclarent des liens financiers avec la firme Bayer Schering Pharma.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette étude semble à première vue impressionnante au vu du nombre de patientes incluses (n=52 218), de la période prolongée de suivi et du nombre relativement faible de sorties d’étude. Il s’agit cependant d’une étude type sponsorisée par l’industrie avec un large recrutement dans le réseau médical. Le protocole est celui d’une étude de suivi de patientes pour lesquelles le médecin a prescrit arbitrairement la pilule à initier ou de remplacement. Les chercheurs ont recours à une table de survie pour donner leurs résultats, ce qui est correct parce que l’index de Pearl présume que le taux d’échec contraceptif est constant dans le temps et ne tient pas compte que ce risque diminue au fil de la durée de prise. Une courbe de survie doit cependant répondre à des règles strictes (4). La situation initiale de chaque individu doit être décrite de manière explicite, condition non clairement rapportée dans cette étude. Les participantes ont reçu une prescription, ont complété un questionnaire, mais la date de la consultation médicale ne correspond pas à l’initiation du traitement. Les participantes devraient présenter les mêmes caractéristiques initiales, notamment pour des facteurs confondants possibles, mais ceci n’était pas possible dans ce genre d’étude de cohorte. Les auteurs ont cependant analysé l’influence de facteurs confondants potentiels tels que l’âge, l’IMC, le tabagisme, la parité, le niveau de scolarité. Des facteurs confondants importants tels qu’un précédent recours à une pilule du lendemain ou à un avortement (5) ne sont pas pris en considération. Le nombre de mois d’utilisation ininterrompue de la pilule aurait dû être précisé initialement ; la mention d’un suivi de 5 ans reste bien vague.

 

Interprétation des résultats

Les auteurs mentionnent un taux de sortie d’étude limité à 7,1% de femmes. L’étude concerne 99 382 années-femmes mais l’analyse n’en concerne que 73 269 ce qui signifie que 26,3% des données manquent.

Pour les caractéristiques initiales, il faut souligner une différence nette entre les groupes pour la parité. Il y a davantage de nullipares (>50%) dans le groupe drospirénone ; ces femmes sont, selon les auteurs, moins fertiles, ce qui peut fausser un résultat plus favorable. Pour la drospirénone, les blisters couvraient 28 jours (avec 4 ou 7 pilules « placebo »), ce qui peut avoir amélioré l’observance versus blisters classiques de 21 comprimés pour les autres pilules.

Le concept d’échec de contraception n’est pas très clair. Il y a, dans cette étude, 1 634 grossesses dont 229 (14%) circonstancielles, non liées à une non observance, et 1 405 (86%) liées probablement à une non observance. Les auteurs ne précisent pas si c’est le total ou uniquement le deuxième groupe qui est retenu pour évaluer le taux d’échecs. Les causes possibles d’échec contraceptif sont : diarrhée, vomissements, antibiothérapie et oubli de pilule, exemple typique de non observance.

L’objectif initial était d’évaluer l’efficacité d’une contraception estroprogestative avec demi-vie longue durant 24 jours versus autres associations et schémas de prise. Différents sous-groupes ont ainsi été constitués mais la table prenant en compte les différents facteurs pronostiques ne fait plus de distinction entre ces sous-groupes.

L’obésité est un problème important aux USA. Un IMC élevé est associé à une moindre fiabilité de la pilule. Une analyse particulière de ce sous-groupe de patientes avec IMC élevé est donc importante. Les auteurs observent une augmentation légère des échecs de contraception en cas d’IMC ≥25 versus IMC normal. Le problème soulevé se présentant plutôt chez les femmes avec IMC encore plus élevé (6), les auteurs auraient dû choisir un seuil d’IMC ≥30 pour la comparaison. Nous savons aussi que l’obésité est associée à une fertilité moindre, par anovulation (6).

 

Autres études

Une étude en double aveugle, sponsorisée par la firme, incluant 104 femmes en bonne santé, a comparé une association estroprogestative administrée durant 24 jours (+ 4 pilules inactives) versus schéma de 21 jours. Elle montre, après un cycle de traitement, une moindre variation du taux d’estradiol endogène sous association 24/4. Une efficacité contraceptive plus importante sur l’index de Pearl n’est cependant pas montrée. Nous ne disposons pas d’études à plus long terme (7-9).

 

Effets indésirables

Cette étude n’aborde ni les effets indésirables ni les motifs d’arrêt ou de changement de contraception, ce qui représente une limite importante au vu du nombre de données (en années-femmes) non analysées. La drospirénone n’a pas de plus-value pour le contrôle du cycle mais elle est assimilée aux progestatifs de 3ème génération pour un risque thromboembolique veineux plus important qu’avec les progestatifs de deuxième génération (lévonorgestrel) (10,11).

 

 

Conclusion de Minerva

Malgré un avis favorable des auteurs en faveur de la drospiréone, les résultats de cette étude n’apportent pas de preuves suffisantes d’une supériorité d’une association estroprogestative drospirénone/EE durant 24 jours versus progestagènes à demi-vie plus courte et/ou avec schéma en 21 jours.

 

Pour la pratique

La RBP de Domus Medica (12) et le NHG-Standaard (13) recommandent une association estroprogestative contenant du lévonorgestrel comme contraception orale de premier choix. En raison de ses limites méthodologiques, cette étude d’observation n’apporte pas d’argument pour choisir en premier lieu une pilule contenant de la drospirénone. Les pilules les plus nouvelles n’ont pas prouvé de supériorité, peuvent avoir plus d’effets indésirables et sont en outre (beaucoup) plus onéreuses.

 

 

Références

  1. Trussell J. Contraceptive failure in the United States. Contraception 2004;70:89-96.
  2. Klipping C, Duijkers I, Trummer D, Marr J. Suppression of ovarian activity with a drospirenone-containing oral contraceptive in a 24/4 regimen. Contraception 2008;78:16-25.
  3. Willis SA, Kuehl TJ, Spiekerman AM, Sulak PJ. Greater inhibition of the pituitary-ovarian axis in oral contraceptive regimens with a shortened hormone-free interval. Contraception 2006;74:100-3
  4. Parrish JW, Katz AR, Grove JS, et al. Characteristics of women who sought emergency contraception at a university-based women's health clinic. Am J Obstet Gynecol 2009;201:22.e1-7.
  5. Daya S. Life table (survival) analysis to generate cumulative pregnancy rates in assisted reproduction: are we overestimating our success rates? Hum Reprod 2005;20:1135-43.
  6. Lopez LM, Grimes DA, Chen-Mok M, et al. Hormonal contraceptives for contraception in overweight or obese women. Cochrane Database Syst Rev 2010, Issue 7.
  7. Klipping C, Duijkers I, Trummer D, Marr J. Suppression of ovarian activity with a drospirenone-containing oral contraceptive in a 24/4 regimen. Contraception 2008;78:16-25.
  8. Estradiol + diénogest (Qlaira®). Rev Prescrire 2009;29:890-2.
  9. Anttila L, Neunteufel W, Petraglia F, et al. Cycle control and bleeding pattern of a 24/4 regimen of drospirenone 3 mg/ethinylestradiol 20 mg compared with a 21/7 regimen of desogestrel 150 mg/ethinylestradiol 20 mg: a pooled analysis. Clin Drug Investig 2011;31:519-25.
  10. Jick SS, Hernandez RK. Risk of non-fatal venous thromboembolism in women using oral contraceptives containing drospirenone compared with women using oral contraceptives containing levonorgestrel: case control study using United States claims data. BMJ 2011;342:d2151.
  11. Parkin L, Sharples K, Hernandez RK, Jick SS. Risk of venous thromboembolism in users of oral contraceptives containing drospirenone or levonorgestrel: nested case-control study based on UK General Practice Research Databasex.
  12. Peremans L, Michels J, Van Royen P, Van Peer W. WVVH-Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering: Orale anticonceptie. Berchem: WVVH, 2002.
  13. Beijderwellen L, Van der Does FE, Kardolus GJ, et al. NHG-Standaard Hormonale anticonceptie (Tweede herziening). Huisarts Wet 2003;46:552-63.

 

Noms de marque

Yaz® : 24 comprimés éthinylestradiol 0,02 mg/drospirénone 3 mg + 4 comprimés placebo

Yasminelle® : 21 comprimés éthinylestradiol 0,02 mg/drospirénone 3 mg

Yasmin® : 21 comprimés éthinylestradiol 0,03 mg/drospirénone 3 mg

Intérêt de la drospirénone et/ou de 24 jours de contraception orale versus 21 ?

Auteurs

Peremans L.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Universiteit Antwerpen; Departement Maatschappelijke Gezondheidszorg, Vrije Universiteit Brussel
COI :

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