Revue d'Evidence-Based Medicine



Le diagnostic de pneumonie



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 2 Page 24 - 26

Professions de santé


Analyse de
Hopstaken RM, Muris JWM, Knottnerus JA, et AL. Contributions of symptoms, signs, erythrocyte sedimentation rate, and C-reactive protein to a diagnosis of pneumonia in acute lower respiratory tract infection. Br J Gen Pract 2003;53:358-64.


Question clinique
Quelle est la fiabilité diagnostique des symptômes, signes, vitesse de sédimentation (VS) et C-réactive protéine (CRP) pour le diagnostic de pneumonie chez des adultes atteints d’une infection aiguë des voies respiratoires ?


Conclusion
Cette étude permettrait de pratiquement exclure la présence d’une pneumonie chez des patients présentant une toux aiguë liée à une infection des voies respiratoires (basses), dits à bas risque : présence de maximum un des critères parmi trois (toux sèche, diarrhée et température rectale ≥ 38°C) et une valeur de CRP < 20 mg/l.


 

Résumé

Contexte

Pour le médecin généraliste, le plus grand défi en cas d’infection des voies respiratoires inférieures est de déterminer les patients qui tireront un bénéfice d’un traitement antibiotique. La bronchite aiguë est considérée comme une affection autolimitante ne nécessitant pas d’antibiotique. L’absence de prescription d’un antibiotique pour une pneumonie est, par contre, considérée comme une erreur médicale. Cette étude diagnostique essaye de mettre au point un modèle prédictif de pneumonie tout en identifiant un groupe de patients présentant un risque faible de pneumonie.

Population étudiée

Sont inclus dans cette étude, 246 patients recrutés par 25 médecins généralistes, patients qui présentaient des symptômes et signes d’infection aiguë des voies respiratoires inférieures. Les critères d’inclu-sion étaient les suivants : 1) 18 ans ou plus ET 2) toux nouvelle (< 29 jours) ou s’aggravant ET 3) au moins un de ces 3 signes : dyspnée, respiration sifflante, douleur thoracique ou anomalie auscultatoire pulmonaire ET 4) au moins un des symptômes suivants : fièvre ≥ 38°C, sudation, céphalées ou myalgie ET 5) un diagnostic d’infection aiguë des voies respiratoires inférieures selon le médecin. Les critères d’exclusion étaient : grossesse et allaitement, hypersensibilité à la pénicilline ou aux macrolides, traitement antibiotique dans les 14 jours précédents ou séjour hospitalier pour plainte respiratoire dans les quatre semaines précédentes 1.

Protocole d’étude

Dans cette étude transversale, les médecins généralistes enregistrent les résultats d’une large anamnèse de référence et d’un examen clinique, et formulent ensuite un diagnostic clinique : pneumonie versus autres infections des voies respiratoires inférieures rassemblées, pour cette étude, sous le vocable de bronchite aiguë. La réalisation et l’interprétation de ces tests sont laissées à la discrétion des médecins de famille. Ils n’avaient pas reçu de formation pour pouvoir généraliser les résultats de leur pratique quotidienne. Les VS et CRP sont ensuite réalisées. Le diagnostic de pneumonie de référence est une radiographie de thorax interprétée indépendamment par deux radiologues (avec recours à un troisième en cas de désaccord) et ceci à l’insu des signes cliniques.

Mesure des résultats

Les mesures diagnostiques sont réalisées : sensibilité, spécificité, valeur prédictive d’un test positif (Eng: positive predictive value, PPV) est la probabilité qu’une personne avec un test positif ait la maladie ou développe la maladie. La valeur prédictive d’un test positif est calculée en divisant le nombre de personnes malades ayant un test positif (vrais positifs) par le nombre total de personnes ayant un test positif. Valeur prédictive d’un test positif = a / (a + b). La valeur prédictive d’un test négatif (Eng: negative predictive value, NPV) est la probabilité qu’une personne avec un test négatif n’ait pas la maladie ou ne développe pas la maladie. La valeur prédictive d’un test négatif est calculée en divisant le nombre de personnes sans la maladie ayant un test négatif (vrais négatifs) par le nombre total de personnes ayant un test négatif. Valeur prédictive d’un test négatif = d / (c + d)">valeur prédictive positive (VPP) et négative (VPN). Sont également calculés : l’odds ratio avec un intervalle de confiance de 95 % et, pour les tests de laboratoire (VS et CRP), l’courbe ROC indique la précision du test : égale à 1 si le test est parfait, à 0,5 si le test est sans valeur. Pour des critères binaires, la statistique C correspond à l'aire sous la courbe d'une courbe ROC.">aire sous la courbe [area under the curve (AUC)] et les courbes ROC. Une régression logistique est utilisée pour étudier l’effet de plusieurs variables (facteurs) sur un critère dichotomique.">régression logistique permet de déterminer l’apport indépendant des symptômes et de signes pour le diagnostic de pneumonie. Le modèle consécutif de « symptômes et signes » est ensuite complété par les valeurs de VS et de CRP avec différentes valeurs-seuils. La fiabilité diagnostique du modèle final est visualisé au moyen de courbes ROC et d’AUC calculées et comparées.

Résultats

Seuls 32 (13 %) des patients présentant une infection des voies respiratoires inférieures présentent une pneumonie à la radiographie (n = 243). Les symptômes tels que dyspnée, douleur thoracique, fièvre (selon les patients), fréquence respiratoire > 20 par minute, matité à la percussion et crépitations ne sont pas discriminants pour une pneumonie. Le diagnostic clinique de pneumonie a été posé chez 17 patients (8 %) avec radiographie négative (n = 211). Le diagnostic clinique ne concorde avec le diagnostic radiologique que dans un cas sur 4 (n = 32). Les tests biologiques ont une fiabilité diagnostique supérieure aux tests cliniques (CRP > VS). L’analyse multivariée vise la toux sèche, la diarrhée et une température ≥ 38°C comme facteurs prédictifs indépendants de pneumonie. L’ajout de ces tests VS et CRP au modèle « symptômes et signes » permet d’obtenir un modèle plus prédictif (p = 0,004 et p < 0,001 respectivement). Le modèle « symptômes et signes + CRP » (plutôt qu’avec la VS, p = 0,012) permet d’identifier un groupe de patients (n = 107) avec un risque faible de pneumonie. Un patient présentant au maximum un seul des trois items toux sèche, diarrhée et température ≥ 38°C et avec une CRP < 20 mg/l a un risque a posteriori ou la probabilité posttest est la proportion de patients avec un résultat du test qui ont la maladie, soit le risque d’être malade en tenant compte d’un argument. Probabilité posttest = cote posttest / (cote posttest + 1)">risque a posteriori de pneumonie de 3 % (IC à 95 % de 1 à 8), avec un risque a priori est la probabilité pour un sujet donné d’être malade avant la réalisation d’un acte diagnostique (observation, anamnèse, recherche clinique ou test). Dans une étude de dépistage, le risque a priori est semblable à la prévalence de la maladie examinée dans la population générale. La chance a priori d’un patient qui consulte son médecin est généralement plus élevée que la prévalence dans la population générale, entre autres du fait de la présence de plaintes et/ou des symptômes.">risque a priori de 13 %.

Conclusions des auteurs

Selon les auteurs, l’application de ce modèle à la population de l’étude diminuerait le nombre de prescriptions d’antibiotiques, si la prescription est limitée aux pneumonies probables et diminuerait le nombre de patients avec pneumonie radiographique auxquels des antibiotiques ne seraient pas, à tort, prescrits.

Financement

Non mentionné. La RCT1 liée est financée par l’Onderzoeksinstituut voor extramurale en transmurale gezondheidszorg (ExTra).

Conflits d’intérêts

Non mentionnés.

 

Discussion

Signes cliniques versus radiographie

Il est certainement nécessaire de fournir aux médecins généralistes des moyens diagnostiques permettant d’identifier les patients présentant une infection aiguë des voies respiratoires inférieures qui pourraient bénéficier (ou non) d’un traitement antibiotique. Pouvoir démontrer (ou exclure) une pneumonie grâce à une radiographie du thorax apporte indubitablement une contribution précieuse. Hopstaken et collaborateurs démontrent effectivement que les symptômes et signes généralement attribués à une pneumonie ne sont ni suffisamment sensibles ni suffisamment spécifiques pour établir un diagnostic. Suivant leur recherche, un modèle « symptômes et signes » comportant les items toux sèche, diarrhée et température ≥ 38°C plus VS > 10 mm/heure ou CRP>10 mg/l prédit au mieux et le plus rapidement une pneumonie. Une CRP < 20 mg/l chez un patient présentant un risque faible de pneumonie (présence maximale d’un des critères sur les 3 items toux sèche, diarrhée et température ≥ 38°C) est probablement plus utile pour exclure une pneumonie.

La présente étude concerne cette question diagnostique. Un large spectre de patients présentant une infection des voies respiratoires inférieures est inclus, dont certains avec le diagnostic de pneumonie. L’interprétation des tests étudiés se fait en aveugle entre le résultat du test et le test de référence et vice versa. Tous les patients ont été investigués à l’aide des tests étudiés et du test diagnostique de référence. Quoique la radiographie ne représente pas le test idéal et qu’il ne soit guère aisé de la réaliser pour tout patient avec une infection des voies respiratoires inférieures, elle reste cependant le test diagnostic de référence pour la pneumonie.

Fiabilité diagnostique de la CRP

Cette étude confirme aussi des recherches plus anciennes concernant les infections des voies respiratoires basses. Des synthèses méthodiques ont montré que les seuls anamnèse et examen clinique ne différencient que difficilement pneumonie et bronchite aiguë 2, 3. La détermination de la CRP apporterait un plus au diagnostic de la pneumonie 4. L’avantage éventuel de la CRP dans la pratique de la médecine générale repose surtout sur l’exclusion de la pneumonie et, de ce fait, permet une optimalisation de la prescription d’antibiotique. Pouvons-nous actuellement recommander pour le diagnostic d’une pneumonie l’emploi de tests rapides de la CRP (disponibles, précis, fiables et d’un bon rapport coût/efficacité) 5, 6 ? Pour ce faire, ce même type d’étude doit être fait avec les tests rapides précités pour déterminer les seuils de CRP valides au point de vue clinique. Il faudrait tenir compte également de la durée des symptômes au moment de la consultation. Néanmoins, le résultat du test CRP rapide utilisé dans l’étude, obtenu sur un échantillon prélevé au doigt, est connu après trois minutes. Le même appareil de mesure peut également être utilisé pour doser l’HbA1c (prélèvement digital) et la microalbuminurie. Cette étude ne modifie pas les recommandations actuelles concernant la toux aiguë7: exclure une pneumonie chez les patients présentant une infection des voies respiratoires (basses) et qui se présentent avec une toux aiguë, sur base de l’anamnèse et de l’examen clinique. En l’absence de signes vitaux (température < 37,8°C, pouls < 100/minute, fréquence respiratoire < 20/minute) le risque a priori de pneumonie est cinq fois moins élevé 2, 3. Tous les tests mentionnés et étudiés ici doivent encore être validés dans une population différente de celle-ci. Il est connu que des adultes par ailleurs sains peuvent également se rétablir d’une pneumonie (infiltrat à la radiographie du thorax), sans antibiotique 8. Pour limiter la prescription d’antibiotique aux seuls patients qui peuvent en tirer profit, il faut, en conclusion, attendre une étude permettant aux médecins généralistes d’identifier les patients atteints d’infec-tion des voies respiratoires basses qui auraient un mauvais pronostic sans antibiotique. La nécessité existe également d’études concernant les stratégies diagnostiques alternatives, par exemple avec ou sans détermination de la CRP, et avec des critères pertinents.

 

Recommandations pour la pratique

Cette étude permettrait de pratiquement exclure la présence d’une pneumonie chez des patients présentant une toux aiguë liée à une infection des voies respiratoires (basses), dits à bas risque : présence de maximum un des critères parmi trois (toux sèche, diarrhée et température rectale ≥ 38°C) et une valeur de CRP < 20 mg/l.

La rédaction

 

Références

  1. Hopstaken R, Nelemans P, Stobberingh E, et al. Is roxithromycin better than amoxicillin in the treatment of acute lower respiratory tract infections in primary care ? A double-blind randomized controlled trial. J Fam Pract 2002;51:329-36.
  2. Metlay J, Kapoor W, Fine M. Does this patient have community-acquired pneumonia ? Diagnosing pneumonia by history and physical examination. JAMA 1997;278:1440-5.
  3. Zaat J, Stalman W, Assendelft W. Hoort, wie klopt daar ? Een systematische literatuurstudie naar de waarde van anamnese en lichamelijk onderzoek bij verdenking op een pneumonie. Huisarts Wet 1998;41:461-9.
  4. Melbye H. Community pneumonia – more help is needed to diagnose and assess severity. Br J Gen Pract 2002;52:886-8.
  5. Dahler Eriksen B, Lassen J, Petersen P, et al. Evaluation of a near-patient test for C-reactive protein used in daily routine in primary healthcare by use of difference plots. Clin Chem 1997;43:2064-75.
  6. Dahler Eriksen B, Lauritzen T, Lassen J, et al. Near-patient test for C-reactive protein in general practice : assessment of clinical, organizational, and economic outcomes. Clin Chem 1999;45:478-85.
  7. Coenen S, Van Royen P, Van Poeck K, et al. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering : Acute hoest. Huisarts Nu 2002;31:391-411.
  8. Macfarlane J, Holmes W, Gard P, et al. Prospective study of the incidence, ætiology and outcome of adult lower respiratory tract illness in the community. Thorax 2001;56:109-14.

 

Note
Après acquisition de l’appareil de dosage (coût d’environ 800 €), le coût par test atteindrait environ 3,50 € (NycoCard®, CRP single Test, Clindia Benelux).

Le diagnostic de pneumonie

Auteurs

Coenen S.
Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg (ELIZA), en Labo Medische Microbiologie, Vaccinatie- en Infectieziekten Instituut (VAXINFECTIO), Universiteit Antwerpen
COI :

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