Revue d'Evidence-Based Medicine



Pansements pour des plaies aiguës ou chroniques



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 1 Page 6 - 7

Professions de santé


Analyse de
Chaby G, Senet P, Vaneau M, et al. Dressings for acute and chronic wounds: a systematic review. Arch Dermatol 2007;143:1297-304.


Question clinique
Quelle est l’efficacité de pansements de plaie modernes versus autres pansements pour le traitement de plaies aiguës et chroniques ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique n’apporte, faute d’études de bonne qualité, que des preuves du plus faible niveau concernant l’efficacité de pansements de plaie modernes versus pansements de gaze (humidifiés, paraffinés, avec sels d’argent selon les cas) pour le traitement de plaies aiguës ou chroniques.


 

Résumé

 

Contexte

Les plaies aiguës et chroniques représentent un problème de santé important. Depuis les années 1960, des preuves sont disponibles quant à une guérison plus rapide en milieu humide (1). Au cours des dernières décennies, différents pansements de plaie occlusifs ou semi-occlusifs sont arrivés sur le marché. Une synthèse méthodique à la recherche des preuves d’efficacité de ces nouveaux pansements était nécessaire.

 

Méthodologie

Synthèse méthodique

 

Sources consultées

  • MEDLINE, EMBASE, Cochrane Controlled Clinical Trials Register de janvier 1990 à juin 2006
  • recherche manuelle complémentaire.

Etudes sélectionnées

  • critères d’inclusion : plaies aiguës et chroniques avec mesure objective de la guérison
  • critères d’exclusion : rapport de cas et de séries, études sur des plaies par brûlure de grade 2 ou 3
  • études en langue anglaise ou française
  • 99 articles sélectionnés : 89 RCTs, 3 méta-analyses, 7 synthèses méthodiques, 1 étude de coût/efficacité.

 

Population étudiée

  • patients présentant une plaie chronique (ulcère de jambe, de pression, ulcère de pied diabétique) ou une plaie aiguë (site de prélèvement d’une greffe cutanée, brûlure superficielle, plaie post traumatique ou post chirurgicale)
  • autres caractéristiques non mentionnées.

 

Mesure des résultats

  • proportion de guérison complète, délai pour une guérison complète, modification de la surface et/ou de la profondeur de la plaie, douleur causée par la plaie, facilité d’emploi, endommagement de la plaie au changement de pansement, capacité d’absorption de l’exsudat, prévention de l’infection, coût.

 

Résultats

  • pas de grandes études randomisées, contrôlées, en double aveugle
  • RCTs : 79 de mauvaise qualité, 11 de bonne qualité avec un échantillon faible
  • méta-analyses : 3 incluant aussi des RCTs de mauvaise qualité.
  • plaies chroniques
    • pansements hydrocolloïdaux versus pansements de gaze humides ou paraffinés : pourcentage de guérison complète d’ulcère de jambe et de pression significativement plus élevé : 3 méta-analyses avec résultats respectifs de OR 2,57 (IC à 95% de 1,58 à 4,18) ; OR 2,45 (IC à 95% de 1,18 à 5,12) et NST 7 (IC à 95% de 4 à 16)
    • alginates durant 4 semaines suivis de pansements hydrocolloïdaux pendant 4 semaines versus pansements hydrocolloïdaux pendant 8 semaines (1 RCT, n=110) : à 8 semaines, proportion plus élevée de patients avec 40% de réduction de la surface d’ulcères de pression profonds : 74,4% versus 58,5% ; p=0,001
    • alginates versus dextranomères (1 RCT, n=92) : délai pour observer une réduction de 40% de la surface d’un ulcère de pression profond : médiane de 4 semaines versus > 8 semaines ; proportion de patients avec 40% de réduction de la surface : 74% vs 42% ; p=0,002.
  • plaies aiguës
    • pansements avec mousse versus pansement avec sel d’argent (1 RCT, n=17) : nombre moyen de jours nécessaires pour une guérison complète d’un site de prélèvement de greffe cutanée : 9,1 (ET 1,6) versus 14,5 (ET 6,7) ; p=0,004
    • pansements avec hydrofibres versus pansements de gaze paraffinés (1 RCT, n=23) : nombre moyen de jours nécessaires pour une guérison complète d’un site de prélèvement de greffe cutanée : 7 à 10 jours versus 10 à 14 jours ; p=0,02.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que leur synthèse méthodique n’apporte qu’un faible niveau de preuve quant à l’efficacité de pansements modernes versus pansements de gaze humides ou paraffinés en termes de guérison, à l’exception des pansements hydrocolloïdaux. Il n’y a pas de preuve qu’un pansement moderne soit supérieur à un autre, ni supérieur à un pansement de gaze humide ou paraffiné, pour des critères de performance générale. D’autres recherches avec un niveau de preuve supérieur sont nécessaires.

 

Financement

Non mentionné.

 

Conflits d’intérêt

Quatre auteurs déclarent des participations à des études ou à des programmes éducatifs, ou une collaboration scientifique, avec différentes firmes fabriquant des pansements.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

La réalisation de cette synthèse méthodique soulève de nombreuses questions. Les auteurs consultent des banques de données pertinentes et les mots clés usuels sont amplement combinés. La recherche manuelle est par contre moins transparente. Un seul chercheur a effectué la sélection, l’évaluation du protocole des études et de leur pertinence. La qualité méthodologique a été, elle, contrôlée de manière indépendante par deux chercheurs selon une version modifiée des critères de Bouvenot, Vray et Sackett. Les études sont réparties selon 3 niveaux de preuve. L’analyse de leur qualité méthodologique montre qu’aucune RCT ni méta-analyse ne répond aux critères de haut niveau de preuve (étude randomisée, contrôlée, en double aveugle, de grande taille, avec peu de faux positifs et de faux négatifs et méta-analyse de RCTs). La qualité est médiocre pour 85% des études : pas d’estimation de la puissance, pas de description du processus de randomisation, pas d’analyse en intention de traiter, description peu claire des outils de mesure, hétérogénéité de la population d’étude, pas de mention des cotraitements, testing multiple. La diminution de la surface des plaies est mesurée objectivement quand ce critère est choisi. L’insu pour les évaluateurs est mal documenté.

 

Interprétation des résultats

L’absence d’études de haute qualité ne permet pas de tirer de conclusion bien solide.

Trois méta-analyses d’études de qualité modérée montrent une supériorité des pansements hydrocolloïdaux sur des pansements de gaze humides ou paraffinés en termes de guérison complète de plaies chroniques (ulcères de jambe ou de pression). Une différence n’est pas identifiée pour d’autres paramètres cliniquement pertinents tels que la douleur au niveau de la plaie, la qualité de vie, la facilité d’emploi, la sécurité lors du renouvellement des pansements.

Deux RCTs, incluant respectivement 92 et 77 patients, montrent une réduction de la surface d’ulcères de pression de 40% plus rapide avec les alginates qu’avec d’autres pansements modernes. Une étude incluant 110 patients combine successivement alginates (4 semaines) et pansement hydrocolloïdal, ce qui ne permet pas de conclusion quant à l’effet des seuls alginates.

Les auteurs ne précisent pas le contexte de réalisation des études ; une extrapolation dans la première ligne de soins est donc difficile. Les études concernant les plaies aiguës ne concernent que des plaies de prélèvement de greffes cutanées ou chirurgicales par seconde intention (guérison difficile post intervention chirurgicale).

 

Autres études

De récentes synthèses Cochrane évaluant les soins de plaie soulignent également l’absence d’études de bonne qualité. Aucune conclusion ne peut être tirée concernant l’efficacité de pansements en termes de guérison d’une plaie chirurgicale en seconde intention ou de brûlure cutanée (2,3). Pour les ulcères de jambe veineux, des pansements hydrocolloïdaux sous pansement compressif ne se montrent pas supérieurs à d’autres pansements, avec un niveau de preuve suffisant (N=23 RCTs) (4). Pour le traitement d’ulcères de jambe artériels, nous ne disposons pas d’étude comparant différents pansements (5).

Les explications possibles de ce manque évident d’études bien élaborées dans le domaine des soins de plaie sont les suivantes. La difficulté d’élaboration d’études randomisées contrôlées au vu des fortes différences entre les plaies chroniques dont la cause est souvent multifactorielle. Le fait, aussi, que les pansements de plaies sont considérés comme des dispositifs médicaux pour lesquels des études randomisées ne sont pas exigées pour accord de commercialisation.

 

Pour la pratique

Sur base des résultats de cette synthèse méthodique de Chaby et de leur propre expérience, 27 médecins et infirmières indépendants, ayant une longue expérience de soins de plaie, ont été sollicités pour répondre à une batterie de questions. Les conclusions de cette enquête sont publiées dans le même numéro des Archives of Dermatology (6). Un consensus se dégage pour l’utilisation de pansements hydrogels au stade de débridement et de pansements avec mousse et non adhérents au stade de granulation de plaies chroniques. Au stade d’épithélialisation de ces plaies chroniques, le choix se porte sur des pansements hydrocolloïdaux et non adhérents. Pour les plaies aiguës, le consensus reconnaît l’utilité de pansements non adhérents au stade d’épithélialisation. Un consensus est également trouvé pour l’utilisation de pansements non adhérents pour la peau fragile autour de la plaie, d’alginates en cas de plaies hémorragiques, de charbon activé en cas de plaie nauséabonde. Ce consensus, en l’absence d’études bien élaborées, se base principalement sur l’expérience de ses auteurs, avec un niveau de preuve le plus faible.

Le coût comparatif de ces différents pansements, modernes ou non, pour l’assurance-maladie comme pour les patients, avec le coût des soins nécessaires pour leur bonne utilisation, doivent encore être précisés, particulièrement en pratique ambulatoire. La synthèse de Chaby ne mentionne qu’une seule étude de coût/efficacité, sans en donner les résultats cependant.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique n’apporte, faute d’études de bonne qualité, que des preuves du plus faible niveau concernant l’efficacité de pansements de plaie modernes versus pansements de gaze (humidifiés, paraffinés, avec sels d’argent selon les cas) pour le traitement de plaies aiguës ou chroniques.

 

Références

  1. Hinman CD, Maibach H. Effect of air exposure and occlusion on experimental human skin wounds. Nature 1963;200:377-8.
  2. Vermeulen H, Ubbink DT, de Vos R, et al. Dressings and topical agents for surgical wounds healing by secondary intention. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 4.
  3. Wasiak J, Cleland H, Campbell F. Dressings for superficial and partial thickness burns. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 4.
  4. Palfreyman SSJ, Nelson EA, Lochiel R, Michaels JA. Dressings for healing venous leg ulcers. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 4.
  5. Nelson EA, Bradley MD. Dressings and topical agents for arterial leg ulcers. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 4.
  6. Vaneau M, Chaby G, Guillot B et al. Consensus panel recommendations for chronic and acute wound dressings. Arch dermatol 2007;143:1291-4.
Pansements pour des plaies aiguës ou chroniques

Auteurs

Beele H.
Dermatologie en Zorgcentrum Wondzorg, Universitair Ziekenhuis, Gent
COI :

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

Mots-clés

pansement, plaie

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