Revue d'Evidence-Based Medicine



Vertige paroxystique bénin : manœuvres thérapeutiques efficaces ?



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 7 Page 88 - 89

Professions de santé


Analyse de
Helminski JO, Zee DS, Janssen I, Hain TC. Effectiveness of particle repositioning maneuvers in the treatment of benign paroxysmal positional vertigo: a systematic review. Phys Ther 2010;90:663-78.


Question clinique
Quelle est l’efficacité d’une manoeuvre d’Epley versus autres manœuvres thérapeutiques pour un vertige paroxystique bénin lié au canal labyrinthique postérieur ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique de bonne qualité méthodologique montre qu’une manœuvre d’Epley est plus efficace qu’une manœuvre factice pour le traitement d’un VPB. Aucune conclusion fiable ne peut être formulée quant à la place de cette manœuvre versus autres manœuvres thérapeutiques et exercices effectués par le patient.


 

Contexte

Un vertige paroxystique bénin (VPB) est défini comme des accès de vertiges et de nystagmus de courte durée en cas de changement de position de la tête (1). Le risque de présenter un VPB au cours de sa vie est estimé à 2,4% (1). Les symptômes seraient liés à des déplacements d’otocones (dépôts calcaires) dans l’endolymphe des canaux labyrinthiques. Dans 85 à 95% des cas, le tableau clinique indique que c’est le canal semi-circulaire postérieur qui est concerné (2). Sur base de cette hypothèse d’otocones déplacés, différentes manœuvres thérapeutiques ont été élaborées visant toutes à faire sortir ces otocones du canal semi-circulaire vers le vestibule.

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • MEDLINE, EMBASE, CINAHL (de 1966 à septembre 2009), articles en anglais
  • Cochrane Collaboration de 1996 à 2004 (1 synthèse trouvée)
  • 2 méta-analyses et 2 guides de pratique
  • consultation des références des articles isolés.

 

Etudes sélectionnées

  • critères d’inclusion : RCT ou quasi RCT, VPB unilatéral selon le test de Dix-Hallpike, manœuvre d’Epley avec les 4 positions décrites initialement par Epley (3) avec certaines adaptations tolérées ou non (auto traitement, pas de vibrations au niveau de la mastoïde, pas de limitation des activités après la manœuvre, pas d’antiémétique avant la manœuvre ; efficacité définie comme un test de Dix-Hallpike (ou assimilé) négatif ≥24h mais <1 mois après la manœuvre ; mention du nombre de patients chez lesquels le nystagmus au test de Dix-Hallpike disparaît durant le suivi
  • critères d’exclusion : absence de description de critères d’inclusion, VPB atypique (canal latéral ou antérieur concerné), VPB bilatéral, déficit vestibulaire central, manœuvre différente de celle décrite par Epley, efficacité décrite comme la disparition des vertiges
  • 24 articles sélectionnés sur base du titre et du résumé ; 10 études finalement incluses
  • stratification des études selon l’intervention et le protocole d’étude.

 

Population étudiée

  • patients présentant un VPB avec atteinte du canal semi-circulaire postérieur.

Mesure des résultats

  • proportion de patients avec conversion d’un test de Dix-Hallpike du positif vers le négatif après la manœuvre (= réussite)
  • Odds ratio (avec IC à 95%) des réussites des différentes manœuvres.

Résultats

  • manoeuvre d’Epley versus manoeuvre factice : à court terme Epley plus efficace dans 4 études (2 RCTs, 2 quasi RCTs) : 67 et 95% de réussite versus 10 et 38%, OR de 22 et 37 dans les RCTs et de 3 et 25 dans les quasi RCTs
  • manœuvre de Semont versus absence de traitement : à court terme Semont supérieur (2 quasi RCTs) : réussite de 80 et 85% versus 35 et 38%, OR de 7 et 10
  • manœuvre d’Epley versus manœuvre de Semont : à court terme pas de différence significative (2 quasi RCTS : réussite respectivement de 71 et 93% versus 74 et 92%
  • exercices de Brandt-Daroff versus manœuvre d’Epley : Brandt-Daroff moins efficace (1 quasi RCT) : réussite de 24% versus 71%, OR 0,13
  • manœuvres de Semont réalisées par le patient versus Epley réalisées par le patient : Semont moins efficace (1 quasi RCT), réussite de 58% versus 95%, OR 0,08
  • manœuvre d’Epley par le médecin et le patient versus médecin seul : association bénéfique, réussite de 90% versus 72%, OR de 3,54.

 

Conclusion des  auteurs

Les auteurs concluent que les RCTs ont clairement montré que la manœuvre d’Epley fait disparaître un VPB du canal postérieur, que des quasi RCTs suggèrent que les manœuvres d’Epley et de Semont pratiquées par un médecin ou - après instructions correctes - par le patient, font disparaître un VPB du canal postérieur. Il n’y a pas de données concernant l’efficacité de ces manœuvres sur des critères cliniquement pertinents pour le patient.

 

Financement

Non mentionné.

Conflits d’intérêt

Non mentionnés.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs ont effectué une synthèse de bonne qualité méthodologique générale. Ils ont consulté différentes bases de données, mais ils se sont limités aux publications en anglais ce qui ne permet pas d’exclure un biais. Les critères d’inclusion sont bien décrits et respectés. Les auteurs mentionnent dans un tableau les caractéristiques méthodologiques des 24 études présélectionnées. Seules 2 études (4,5) sur les 10 incluses décrivent correctement la randomisation, le secret de l’attribution, le double aveugle, mais ne mentionnent pas un calcul de puissance (non relevé par Helminski et coll.) ni ne font d’analyse en intention de traiter. Ces 2 études sont les seules de qualité méthodologique acceptable mais faible. Helminski et coll. précisent la qualité des études originales quand ils en mentionnent les résultats. Ils ne précisent par contre pas quel type de nystagmus est recherché lors du test de Dix-Hallpike (6) ; nous ne sommes donc pas certains que tous les participants présentaient bien un VPB du canal postérieur. L’examen de contrôle (≥24 h et <1 mois) n’a probablement donc pas été fait dans le même délai par rapport à la manœuvre. Ces deux éléments sont sources d’hétérogénéité possible. Les auteurs estiment par ailleurs  les études trop peu homogènes pour réaliser des méta-analyses.

 

Mise en perspective des résultats

Comme une précédente synthèse le concluait (7), Helminski et coll. concluent que la manœuvre d’Epley est plus efficace à court terme qu’une manœuvre factice pour traiter un VPB lié au canal postérieur. Le faible OR observé dans une quasi RCT serait à attribuer, selon les auteurs, à une trop faible expérience des chercheurs qui devaient évaluer le nystagmus durant le suivi. Dans les RCTs, les OR sont élevés (22 et 37) mais avec de larges IC (3 à 142 et 9 à 159), ce qui est lié au très faible nombre de patients par étude (respectivement 33 et 66), ce qui est imprécis e.a. pour la pertinence de la différence, donc imprécis quant à la pertinence. Ces résultats ne concernent que la disparition du nystagmus au test de Dix-Hallpike, sans conclusion possible pour les vertiges (hétérogénéité trop importante entre les études). Les études et les manœuvres sont effectuées en milieu ORL ; l’extrapolabilité est donc limitée. L’efficacité à long terme de la manœuvre d’Epley n’est pas abordée ici. Une étude, non reprise dans cette synthèse-ci, sur une cohorte de 103 patients (8) montre que 65% des patients bénéficiant d’une manœuvre d’Epley ne présentent plus de VPB durant les 5 ans de suivi, mais nous ignorons si l’évolution spontanée est différente. Seules 2 quasi RCTs donnent des résultats en termes de qualité de vie mais les données sont trop maigres pour pouvoir conclure.

La trop faible qualité méthodologique des études comparant les manœuvres de Semont et Epley d’une part, la manœuvre d’Epley et des exercices faits par le patient d’autre part, ne permet pas de conclusions et d’autres études sont nécessaires. La seule étude évaluant les exercices de Brandt-Daroff (9) montre des résultats nettement moins favorables que de précédentes publications, probablement à cause des différences pour les patients inclus. Le processus d’implantation de tels exercices (instructions illustrées, supervision) en détermine la réussite.

Le seul effet indésirable de ces manœuvres décrit par les auteurs est une conversion possible en VPB lié au canal latéral. D’autres études ont montré un risque de vomissements et de syncope durant les manœuvres (2).

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique de bonne qualité méthodologique montre qu’une manœuvre d’Epley est plus efficace qu’une manœuvre factice pour le traitement d’un VPB. Aucune conclusion fiable ne peut être formulée quant à la place de cette manœuvre versus autres manœuvres thérapeutiques et exercices effectués par le patient.

 

Pour la pratique

Le NHG-Standaard concernant les vertiges (1) déconseille une manœuvre thérapeutique par le médecin généraliste (trop inexpérimenté dans ces manœuvres complexes) en cas de VPB en raison de l’évolution spontanée favorable et d’une efficacité prouvée à court terme seulement. Au contraire le guide de pratique du CKS (10) recommande que le médecin généraliste expérimenté pratique une manœuvre d’Epley chez un patient se présentant pour la première fois pour un VPB, des exercices de Brandt-Daroff pouvant être proposés si la manœuvre d’Epley n’est pas possible. La manœuvre de Semont est déconseillée.

Cette synthèse méthodique confirme l’efficacité à court terme d’une manœuvre d’Epley pratiquée en milieu ORL. Les données sont insuffisantes pour prouver une supériorité de cette manœuvre thérapeutique versus d’autres ou versus exercices pratiqués par le patient.

 

Références

  1. Verheij AA, Van Weert HC, Lubbers WJ, et al. NHG-Standaard Duizeligheid. Huisarts Wet 2002;45:601-9.
  2. Management of benign paroxysmal positional vertigo. Drug Ther Bull 2009;47:62-6.
  3. Epley JM. The canalith repositioning procedure: for treatment of benign paroxysmal positional vertigo. Otolaryngol Head Neck Surg 1992;107:399-404.
  4. Von Brevern M, Seelig T, Radtke A, et al. Short-term efficacy of Epley’s manœuvre: a double-blind randomised trial. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2006;77:980-2.
  5. Lynn S, Pool A, Rose D, et al. Randomized trial of the canalith repositioning procedure. Otolaryngol Head Neck Surg 1995;113:712-20.
  6. Van der Plas JP, Tijssen CC. Benigne paroxismale positieduizeligheid. Ned Tijdschr Geneeskd 1998;142:2669-74.
  7. Fife TD, Iverson DJ, Lempert T, et al; Quality Standards Subcommittee, American Academy of Neurology. Practice parameter: therapies for benign paroxysmal positional vertigo (an evidence-based review): report of the Quality Standards Subcommittee of the American Academy of Neurology. Neurology 2008;70:2067-74.
  8. Rashad UM. Long-term follow up after Epley’s manoeuvre in patients with benign paroxysmal positional vertigo. J Laryngol Otol 2009;123:69-74.
  9. Brandt T, Daroff RB. Physical therapy for benign paroxysmal positional vertigo. Arch Otolaryngol 1980;106:484-5.
  10. Clinical Knowledge Summaries. Benign paroxysmal positional vertigo – Management. NHS, February 2011.

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