Revue d'Evidence-Based Medicine



Exercices respiratoires en cas d’asthme



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 6 Page 76 - 77

Professions de santé


Analyse de
Thomas M, McKinley RK, Mellor S, et al. Breathing exercises for asthma: a randomised controlled trial. Thorax 2009;64:55-61.


Question clinique
Quelle est l’efficacité d’un (ré)apprentissage respiratoire versus programme éducatif chez des sujets asthmatiques avec état de santé altéré, en soins de première ligne ?


Conclusion
Cette étude, comme d’autres précédentes, indique un intérêt probable de l’apprentissage d’exercices respiratoires en cas d’asthme léger à modéré mal contrôlé. Les preuves restent cependant fragiles, de pertinence clinique non certifiée. Un traitement anti-inflammatoire et bronchodilatateur adéquat selon le stade et le contrôle de l’asthme reste le traitement fondamental.


 

Contexte

Un réapprentissage respiratoire chez le patient asthmatique n’est pas systématique (absence de recommandations). Si certaines études ont montré que ces exercices peuvent améliorer la qualité de vie et/ou réduire le recours à des bronchodilatateurs, une synthèse de la littérature mentionnait l’impossibilité de conclusions fiables dans ce domaine (1).

 

Résumé

Population étudiée

  • 183 patients asthmatiques (sur 3 139 potentiels invités par courrier) issus de 10 pratiques de médecine générale dans une région du R.-U., avec altération modérée de l’état de santé lié à l’asthme (< 5,5 score Asthma Quality of Life Questionnaire, AQLQ)
  • exclusion : fumeurs.

Protocole d’étude

  • étude randomisée, contrôlée, en simple aveugle
  • intervention : 3 sessions (à 2 à 4 semaines d’intervalle) soit d’exercices respiratoires sous la conduite d’un physiothérapeute (n=94) soit d’un programme éducatif pour l’asthme délivré par une infirmière spécialisée (n=89)
  • apprentissage respiratoire : notions théoriques, exercices de respiration nasale et diaphragmatique à pratiquer chaque jour (≥ 10 minutes)
  • récolte et analyse des données en insu de l’intervention
  • évaluation par questionnaires et tests initialement, à 1 mois ; évaluation par questionnaires (envoyés par la poste) à 6 mois.

Mesure des résultats

  • critère primaire : score AQLQ
  • critères secondaires : spirométrie, hyperréactivité bronchique, monoxyde d’azote exhalé, éosinophilie des crachats induite, Asthma Control Questionnaire (ACL), questionnaires Hospital Anxiety and Depression (HAD) et d’hyperventilation (Nimègue)
  • intention de traiter doit être complétée par une imputation de ces résultats manquants dans les différents bras d’étude.">analyse en intention de traiter et par protocole.

Résultats

  • sorties d’étude similaires dans les 2 groupes : 12% initialement et 4,9% à 1 mois ; 12,6% de non répondants au questionnaire à 6 mois
  • critère primaire : amélioration similaire à 1 mois dans les 2 groupes versus valeurs basales ; amélioration plus forte à 6 mois avec l’apprentissage d’exercices (voir tableau) ; en analyse par protocole, différence plus importante à 6 mois ; pas de différence selon le score d’hyperventilation
  • critères secondaires : pas de différence entre les 2 groupes après 1 mois ; bénéfice pour les exercices à 6 mois pour certains critères (voir tableau)
  • pas de différence versus valeurs initiales pour les critères de physiologie respiratoire, d’inflammation ou d’hyperréactivité.

Tableau. Modifications significatives à 6 mois, pour les critères primaires et secondaires, pour le groupe apprentissage respiratoire et pour le groupe contrôle versus valeurs initiales (modification moyenne, IC à 95%) et différence entre les 2 groupes (IC à 95% ; valeur p) ; analyse en ITT.

Critère

Groupe apprentissage respiratoire ;  IC à 95%

Groupe contrôle ; IC à 95%

Différence entre les 2 groupes ; IC à 95% ; valeur p

Primaire

AQLQ

1,12 ; 0,92 à 1,32

0,74 ; 0,51 à 0,97

0,38 (NST 5,6) ; 0,08 à 0,68 ; 0,01

Secondaire

HAD anxiété

-1,07 ; -1,64 à -0,51

-0,02 ; -0,72 à 0,68

-1,05 ; -1,94 à -0,16 ; 0,02

HAD dépression

-0,31 ; -0,72 à 0,10

0,44 ; -0,08 à 0,94

-0,75 ; -1,40 à -0,10 ; 0,03

Score hyperventilation Nimègue

-6,70 ; -8,25 à -5,15

-3,54 ; -5,11 à -1,97

-3,16 ; -5,35 à -0,97 ; 0,005

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que l’apprentissage d’exercices respiratoires améliore l’état de santé en rapport avec l’asthme et d’autres valeurs pour le patient mais non la physiopathologie de l’asthme. De tels exercices peuvent aider les patients dont la qualité de vie est altérée par l’asthme mais il est improbable qu’ils réduisent le recours à des médicaments anti-inflammatoires.

Financement 

Asthma UK dont un des auteurs est un chercheur attitré.

Conflits d’intérêt

Aucun n’est déclaré.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs font l’hypothèse initiale qu’un réapprentissage respiratoire peut améliorer l’état de santé lié à l’asthme et le contrôle de l’asthme sans cependant permettre une modification des marqueurs physiologiques et inflammatoires objectifs. Ils ont donc choisi les critères de jugement en fonction de cet objectif. Ils recrutent des patients sur invitation de volontaires ; ce mode de sélection induit une question quant à la représentativité de cet échantillon par rapport à la population générale, les candidats se présentant pouvant être plus réceptifs à l’approche proposée que d’autres sujets. L’évaluation se fait sur des critères subjectifs et sans insu, ce qui peut créer un biais, mais un autre procédé n’est pas possible pour évaluer la qualité de vie avec une intervention sans contrôle placebo. Le taux de sorties d’études en cours d’intervention reste dans les limites acceptables (9% à 1 mois ; 12,6% de non répondants à 6 mois) et est semblable dans les deux groupes. Notons, enfin, qu’aucun calcul de puissance de l’étude n’est mentionné dans la publication. 

Interprétation des résultats

Pour l’outil de mesure utilisé pour évaluer le critère primaire, l’échelle AQLQ, une modification de 0,5 point est considérée comme un seuil cliniquement pertinent. Une amélioration significative est observée dans les 2 groupes pour ce critère, mais la différence entre les deux groupes n’atteint pas, selon nous, le seuil d’une différence cliniquement pertinente (0,38 point et non au moins 0,5 point). Ce fait est discuté par les auteurs qui mentionnent qu’un seuil pour une différence pertinente entre deux groupes n’est - lui - pas fixé. Cet argument nous semble non recevable. Dans ce contexte, évoquer un NST de 6 (sans intervalle de confiance donné) nous paraît trompeur pour l’évaluation du bénéfice réel de l’intervention.

Les auteurs discutent aussi, longuement, de l’importance que peut avoir l’évolution favorable spontanée de l’asthme et un effet placebo de l’attention portée par un professionnel de la santé à un patient. Ces éléments pourraient avoir influencé l’absence de différence entre les 2 groupes observée après 1 mois. Les auteurs insistent sur le fait qu’à 6 mois il y a par contre une différence, et que, donc, l’intervention a une efficacité propre, effet placebo ou non. Si nous pouvons être d’accord avec l’analyse faite par les auteurs sur les résultats à 6 mois, nous ne pouvons partager leur point de vue d’analyse pour les données à un mois si leur randomisation a bien été correcte. L’absence de différence de résultats suivant le score initial d’hyperventilation (de Nimègue) montre que l’utilisation de ce score pour évaluer un bénéfice potentiel de l’intervention n’est guère instructive. Soulignons aussi l’absence d’amélioration des processus physiopathologiques de l’asthme à 1 mois, sans données disponibles à 6 mois (comme pour la consommation de médicaments pour l’asthme à ce terme). Notons, enfin, que dans l’article-même, la conclusion des auteurs est beaucoup plus nuancée que dans le résumé de la publication. Ils mentionnent, dans leur fin de discussion, que leurs résultats suggèrent que des exercices respiratoires pourraient avoir un rôle potentiel chez des patients avec un asthme léger à modéré contrôlé de manière suboptimale mais en addition à une éducation du patient concernant la poursuite nécessaire d’un traitement médicamenteux anti-inflammatoire.

Autres études

Une synthèse de la littérature sur recherche (terminée en septembre 2003) dans la littérature des études randomisées ou quasi-randomisées (1) n’a inclus qu’un total de 7 études répondant aux critères choisis, sur 42 publications isolées. Les patients inclus sont aussi bien des patients hospitalisés que des sujets en première ligne de soins, souffrant d’asthme défini sur critères internationaux ou diagnostiqué comme tel par le médecin. Les études incluses doivent mentionner des résultats en termes de qualité de vie. Les auteurs soulignent, d’emblée, les définitions fort variées d’exercices respiratoires, d’apprentissage ou de réapprentissage respiratoire. Un bénéfice d’un réapprentissage respiratoire est observé dans quelques études en termes de moindre recours à des médicaments bronchodilatateurs (2 études), de réduction des exacerbations aiguës (3 études mais avec des critères de jugement différents), d’amélioration de la qualité de vie (2 études). Les comparaisons sont établies versus absence de contrôle actif ou versus programme éducatif. Selon les auteurs, l’hétérogénéité de cet ensemble d’études ne permet pas de tirer des conclusions fiables ; une tendance favorable est observée pour certains critères, notamment en termes de qualité de vie. Cette qualité de vie n’est cependant spécifiquement étudiée que dans 2 études, une fois avec un questionnaire de Marks, Dunn et Woolcock (2) et une autre fois avec l’AQLQ et le questionnaire de Nimègue (3). L’auteur principal de cette synthèse a ultérieurement montré (4) l’intérêt d’une technique intégrant exercices respiratoires et relaxation (Papworth) dans une population limitée (n=85) de patients asthmatiques, en termes de symptômes respiratoires (St George’s Respiratory Symptoms Questionnaire SGRQ). Une comparaison précise entre les 3 études évaluant la qualité de vie est donc difficile, chacune adoptant un critère de jugement différent.

 

Conclusion

Cette étude, comme d’autres précédentes, indique un intérêt probable de l’apprentissage d’exercices respiratoires en cas d’asthme léger à modéré mal contrôlé. Les preuves restent cependant fragiles, de pertinence clinique non certifiée. Un traitement anti-inflammatoire et bronchodilatateur adéquat selon le stade et le contrôle de l’asthme reste le traitement fondamental.

 

Références

  1. Holloway E, Ram FS. Breathing exercises for asthma. Cochrane Database Syst Rev 2004, Issue 1.
  2. Bowler SD, Green A, Mitchell CA, et al. Buteyko breathing techniques in asthma: a blinded randomised controlled trial. Med J Aust 1998;169:575-8.
  3. Thomas M, McKinley RK, Freeman E, et al. Breathing retraining for dysfunctional breathing in asthma: a randomised controlled trial. Thorax 2003;58:110-5.
  4. Holloway EA, West RJ. Integrated breathing and relaxation training (the Papworth method) for adults with asthma in primary care: a randomised controlled trial. Thorax 2007;62:1039-42.
Exercices respiratoires en cas d’asthme



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