Revue d'Evidence-Based Medicine



Questionnaire pour le diagnostic d’incontinence par impériosité ou à l’effort chez la femme



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 4 Page 55 - 57

Professions de santé


Analyse de
Brown JS, Bradley CS, Subak LL, et al; Diagnostic Aspects of Incontinence Study (DAISy) Research Group. The sensitivity and specificity of a simple test to distinguish between urge and stress urinary incontinence. Ann Intern Med 2006;144:715-23.


Question clinique
Quelle est la précision d’un questionnaire simple pour le diagnostic différentiel entre une incontinence par impériosité ou à l’effort chez des femmes ?


Conclusion
Cette étude montre, après de nombreuses autres, l’intérêt d’un questionnaire simple dans le diagnostic différentiel entre incontinence à l’effort et incontinence par impériosité (instabilité vésicale) chez la femme. Ce test n’est cependant pas d’une haute précision et est insuffisant en cas de présence d’une incontinence complexe ou d’une co-pathologie. L’importance d’un diagnostic différentiel initial précis ne semble cependant pas capitale, une rééducation périnéo-sphinctérienne étant la première approche thérapeutique recommandée par les guides de pratique actuels dans les deux cas d’incontinence. Pour toute décision d’un traitement plus invasif (chirurgical), plus à risque (médicamenteux) ou plus coûteux (biofeedback) et en cas d’échec d’un traitement de première intention, une mise au point uro-gynécologique doit avoir lieu.


 

Résumé

Contexte

Faire la différence entre une incontinence par impériosité et une incontinence à l’effort peut être important en cas d’approche thérapeutique différente. L’intérêt d’un questionnaire simple pour établir ce diagnostic différentiel, par rapport à un examen clinique uro-gynécologique accompagné d’examens complémentaires (recherche d’une infection urinaire et d’un résidu post-mictionnel), voire d’un bilan urodynamique complet dans certains cas, comme le recommandent des guidelines récents 1-3, est, dans ce cadre, certain, surtout en première ligne de soins. La sensibilité et la spécificité relatives d’un tel test avec les conséquences sur la qualité de la prise en charge thérapeutique doivent cependant être évaluées.

Population étudiée

Des femmes âgées de plus de 40 ans, présentant au moins trois épisodes d’incontinence urinaire par semaine, sont recrutées via un avis dans la presse (94%) ou via des consultations d’urologie ou de gynécologie (6%). Leurs plaintes dans ce domaine doivent être présentes depuis plus de trois mois, doivent être suffisamment gênantes pour justifier un traitement et une infection urinaire ne peut être coexistante. Les facteurs d’exclusion sont : un traitement de cette incontinence urinaire dans les trois mois précédents ou une incontinence « complexe » nécessitant une référence spécialisée. Finalement, 301 femmes d’un âge moyen de 56,4 ans (ET 11,4 , de 40 à 94) sont incluses. La durée moyenne de l’incontinence est de 7 ans (ET 7,2) et sa gravité jugée de modérée à très sévère (Sandvik Severity Scale) dans 95% des cas. Une hystérectomie a été pratiquée pour 34% d’entre elles. La probabilité (prétest) de type d’incontinence varie avec l’âge, croissante pour l’incontinence sur impériosité (de 25 à 75% des incontinences), décroissante pour l’incontinence à l’effort (de 75 à 25%).

Protocole d’étude

Cette étude prospective se déroule dans cinq centres académiques aux E.-U.. Toutes les femmes complètent le questionnaire 3IQ (voir encadré) à deux reprises, à intervalle de 7 à 10 jours (pour tester sa reproductibilité) et réalisent un test urinaire (dipstick) initial. La sévérité de l’incontinence et son influence sur la qualité de vie sont évaluées. Un journalier des mictions est tenu durant les trois jours qui suivent la deuxième réponse au questionnaire. Une évaluation, en insu des résultats du questionnaire 3IQ, est ensuite réalisée par un urologue/urogynécologue. Cette évaluation est étendue : anamnèse approfondie, examen physique, test à la toux et à l’effort, mesure du résidu vésical après miction et évaluation du journalier des mictions. Sur base de celle-ci, le diagnostic est posé : incontinence par impériosité, à l’effort, mixte ou autre.

 

3 Incontinence Questions (3IQ)
1. Durant les 3 derniers mois, avez-vous perdu involontairement vos urines (même en faible quantité) ?
  non → fin du questionnaire
  oui → répondez aux autres questions
2. Durant les 3 derniers mois, avez-vous perdu vos urines (cochez les cases d’application) :
  a. en cas d’activité telle qu’une toux, un éternuement, le soulèvement d’un objet, un exercice physique ?
  b. en cas d’impression de miction urgente ou de nécessité de vider votre vessie sans pouvoir atteindre les toilettes assez vite ?
  c. sans activité physique et sans impression de miction urgente ?
3. Durant les 3 derniers mois, avez-vous eu des fuites urinaires plus fréquemment (cochez une seule case) :
  a. en cas d’activité telle qu’une toux, un éternuement, le soulèvement d’un objet, un exercice physique ?
  b. en cas d’impression de miction urgente ou de nécessité de vider votre vessie sans pouvoir atteindre les toilettes assez vite ?
  c. sans activité physique et sans impression de miction urgente ?
  d. aussi souvent lors d’une activité physique qu’en cas d’impression de miction urgente ?

 

Classification de l’incontinence urinaire sur base des réponses à la question 3
a.  uniquement incontinence à l’effort ou composante principale à l’effort
b.  uniquement incontinence par impériosité ou composante principale par  impériosité
c.  autre cause unique ou principale
d.  forme mixte

 

Mesure des résultats

Par rapport à l’évaluation « étendue » considérée comme le gold standard, calcul de la sensibilité, de la spécificité et du rapport de vraisemblance positif du test 3IQ dans le diagnostic des incontinences par impériosité ou à l’effort ainsi que mesure de l’impact de l’incontinence par l’Incontinence Impact Questionnaire Short Form IIQ-7.

Résultats

Le test 3IQ présente une valeur Kappa pour la reproductibilité du test chez la même personne de 0,65 (IC à 95% de 0,56 à 0,74) pour l’incontinence à l’effort et de 0,69 (IC à 95% de 0,61 à 0,77) pour l’incontinence par impériosité. La sensibilité et la spécificité du test sont données dans le tableau.

 

Tableau : Sensibilité, spécificité et rapport de vraisemblance positif du test 3IQ pour le diagnostic d’incontinence de stress ouà l’effort, avec IC à 95%.

  

 

Sensibilité (IC à 95%)

Spécificité (IC à 95%)

LR+ (IC à 95%)

Incontinence par impériosité

0,75 (0,68-0,81)

0,77 (0,69-0,84)

3,29 (2,39-4,51)

Incontinence à l’effort

0,86 (0,79-0,90)

0,60 (0,51-0,68)

2,13 (1,71- 2,66)

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le questionnaire 3IQ représente un test simple, rapide, permettant de distinguer avec une précision suffisante incontinence par impériosité ou à l’effort. Il est, de surcroît, d’application facile en première ligne de soins. Des études évaluant ce test dans d’autres populations ou analysant l’efficacité de traitements basés sur les résultats de ce test restent cependant nécessaires.

Financement

Astellas Pharma U.S.

Conflits d’intérêt

Différents auteurs ont reçu des honoraires ou des bourses de firmes pharmaceutiques (Pfizer Inc, Astellas, Novartis, Yamanouchi, GlaxoSmithKline).

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

L’étude présente un protocole bien élaboré mais qui montre les incertitudes diagnostiques dans le domaine de l’incontinence urinaire de la femme. La population de l’étude est fort sélectionnée. L’étude n’est pas effectuée en première ligne de soins mais dans des centres spécialisés. Il semble cependant possible de faire compléter ce questionnaire en première ligne de soins (sauf obstacle socio-culturel) et son interprétation est bien codifiée. Les patientes de cette étude ont toutes bénéficié d’une mise au point par un spécialiste (urologue ou urogynécologue). Dans 83 cas, il y avait désaccord pour le diagnostic de type d’incontinence entre le spécialiste et un pair choisi au hasard, soit dans 27% des cas ! Un guide de pratique 2 mentionne, par ailleurs, qu’un examen urodynamique (cystométrie, débitmétrie et profil des pressions urétérales) présente une sensibilité de 73% et une spécificité de 55% en cas d’incontinence par impériosité (sans donner cependant de référence). Nous pouvons aisément conclure à l’absence de gold standard pour un diagnostic d’incontinence.

Interprétation des résultats

La reproductibilité du test est « acceptable » à « bonne ». La précision de ce test 3IQ est modeste. Les auteurs de cet article la juge cependant acceptable. Les modifications de probabilité posttest, par catégorie d’âge ne nous semblent cependant pas édifiantes. Environ 25% des femmes avec incontinence par impériosité ne seront pas diagnostiquées et 23% avec un autre type d’incontinence seront traitées à tort pour une incontinence par impériosité. De même environ 14% des femmes présentant une incontinence à l’effort ne seront pas diagnostiquées et 40% seront traitées à tort pour une incontinence à l’effort alors qu’elles n’en présentent pas une.

Autres études comparatives

Les auteurs de cette étude ont trouvé six autres études évaluant la précision de questionnaires dans la classification du type d’incontinence urinaire chez la femme. Ils décrivent particulièrement l’étude de Sandvik 4, médecin généraliste norvégien, et son questionnaire composé de deux items, lui-même inspiré d’une étude effectuée aux Pays-Bas, en première ligne de soins 5. En 1994, Jensen 6 avait déjà identifié 19 publications sur le même sujet, donnant, en moyenne, des chiffres de sensibilité et de spécificité proches du test 3IQ : sensibilité de 75% et spécificité de 77% pour l’incontinence par impériosité et sensibilité de 86% et spécificité de 60% pour l’incontinence à l’effort. Le test 3IQ est donc, comparativement moins spécifique dans les deux cas. Sandvik proposait, comme stratégie optimale en médecine générale, de diagnostiquer l’incontinence à l’effort qu’il y ait une composante d’impériosité ou non et de la traiter comme telle, un programme d’exercices pelviens ou la mise en place d’un cône vaginal, premiers choix de traitement dans une incontinence à l’effort, pouvant parfois se révéler efficaces en cas d’incontinence par impériosité.

Pour la pratique

Les auteurs de cette étude annoncent que les guides de pratique proposent de référer 100% des femmes présentant une incontinence urinaire. Ils se basent sur d’anciens guidelines (1996). Les guides plus récents 1-3,7 ne recommandent une référence, hors incontinence de diagnostic complexe ou incertain ou encore présence d’une pathologie associée, qu’en cas d’échec d’une rééducation périnéo-sphinctérienne. Le médecin généraliste peut donc assurer lui-même, face à ce problème, une anamnèse générale et ciblée sur l’incontinence (au moyen du questionnaire 3IQ ou d’un autre), éventuellement complétée d’un catalogue mictionnel (3 jours d’auto-observation des circonstances et fréquence des épisodes d’incontinence), un examen clinique, gynécologique et neurologique élémentaire, un examen d’urines (tigelle de recherche de nitrites, globules blancs et rouges) avant d’instaurer un traitement de rééducation périnéo-sphinctérien.

 

Conclusion

Cette étude montre, après de nombreuses autres, l’intérêt d’un questionnaire simple dans le diagnostic différentiel entre incontinence à l’effort et incontinence par impériosité (instabilité vésicale) chez la femme. Ce test n’est cependant pas d’une haute précision et est insuffisant en cas de présence d’une incontinence complexe ou d’une co-pathologie. L’importance d’un diagnostic différentiel initial précis ne semble cependant pas capitale, une rééducation périnéo-sphinctérienne étant la première approche thérapeutique recommandée par les guides de pratique actuels dans les deux cas d’incontinence. Pour toute décision d’un traitement plus invasif (chirurgical), plus à risque (médicamenteux) ou plus coûteux (biofeedback) et en cas d’échec d’un traitement de première intention, une mise au point uro-gynécologique doit avoir lieu.

 

Références

  1. Prise en charge de l’incontinence urinaire de la femme en médecine générale. Recommandations pour la pratique clinique. ANAES, mai 2003.
  2. Bengtson J, Chapin MD, Kohli N, et al. Urinary incontinence: guide to diagnosis and management. Brigham and Women’s Hospital, Boston, Massachusetts, 2004.
  3. Scottish Intercollegiate Guidelines Network (SIGN). Management of urinary incontinence in primary care. A national clinical guideline. SIGN, December 2004.
  4. Sandvik H. History as a diagnostic tool in female urinary incontinence. 1996. www.uib.no/isf/people/doc/history.htm
  5. Lagro-Janssen AL, Debruyne FM, van Weel C. Value of the patient's case history in diagnosing urinary incontinence in general practice. Br J Urol 1991;67:569-72.
  6. Jensen JK, Nielsen FR Jr, Ostergard DR. The role of patient history in the diagnosis of urinary incontinence. Obstet Gynecol 1994;83:904-10.
  7. Lagro-Janssen ALM, Breedveldt Boer HP, Van Dongen JJ, et al. NHG-Standaard Incontinentie voor urine. Huisarts Wet 2006;49:501-10.
Questionnaire pour le diagnostic d’incontinence par impériosité ou à l’effort chez la femme



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