Revue d'Evidence-Based Medicine



Midazolam buccal versus diazépam rectal pour traiter les convulsions chez les enfants



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 1 Page 15 - 16

Professions de santé


Analyse de
Mc Intyre J, Robertson S, Norris E et al. Safety and efficacy of buccal midazolam versus rectal diazepam for emergency treatment of seizures in children: a randomised controlled trial. Lancet 2005;366:205-10.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité d’une administration buccale de midazolam versus administration rectale de diazépam chez des enfants qui se présentent aux urgences en crise d’épilepsie (tonico-clonique) prolongée ?


Conclusion
Cette étude montre qu’une administration de midazolam « buccal » dans un service d’urgence est une alternative efficace et sûre par rapport à celle de diazépam rectal, pour une crise tonico-clonique persistante chez un enfant. Des insuffisances méthodologiques peuvent certes influencer ces résultats. De plus, les enfants inclus ne sont pas représentatifs d’une population de première ligne (la médiane de durée des convulsions est de 30 à 40 minutes et un tiers des enfants a déjà été traité par diazépam intrarectal en dehors de l’hôpital). Les données concernant la sécurité sont encore insuffisantes. De plus grandes études réalisées en dehors de l’hôpital sont nécessaires pour déterminer la place de l’administration du midazolam « buccal » dans le traitement de l’état de mal épileptique en première ligne de soins.


 

Résumé

Contexte

Des crises tonico-cloniques demandant une intervention urgente sont fréquentes chez les enfants. Les benzodiazépines sont considérées comme la médication de premier choix. Comme l’administration intraveineuse chez de jeunes enfants en dehors de l’hôpital peut être malaisée, le diazépam est souvent administré par voie rectale. En raison du danger de dépression respiratoire et de l’effet imprévisible de l’administration rectale de diazépam, d’autres médicaments et modes d’administration font l’objet d’évaluation.

Population étudiée  

Tous les enfants de plus de six mois, qui se présentent avec une crise tonico-clonique persistante au service des urgences d’un des quatre centres participant à l’étude et qui n’ont pas encore reçu d’injection intraveineuse, sont inclus ; le sont également les enfants épileptiques connus et les enfants qui ont déjà reçu une médication avant l’arrivée. Il n’y a pas de critères d’exclusion. Un total de 177 enfants avec une médiane d’âge de 3 ans (IQR 1-5) est repris dans l’étude. Dans 72% des épisodes, il s’agit de patients qui ont des antécédents d’épilepsie et dans 53% des épisodes, un anti-épileptique a déjà été administré. La fièvre est présente dans 35% des épisodes et dans 31% des cas une administration intrarectale de diazépam a déjà été faite avant l’arrivée à l’hôpital.

Protocole d’étude

Dans cette étude multicentrique, randomisée, contrôlée, les enfants sont répartis en deux groupes : un groupe est traité par administration rectale de diazépam (n=110 crises) et un autre groupe avec du midazolam « buccal » (n=109 crises). La randomisation se fait par centre et par blocs hebdomadaires à l’aide d’un schéma de traitement déterminé au préalable. Le dosage du médicament est déterminé en fonction de la catégorie d’âge : pour les enfants de 6-12 mois 2,5 mg, 1-4 ans 5 mg, 5-9 ans 7,5 mg et à partir de 10 ans 10 mg. La préparation intraveineuse de midazolam est introduite à l’aide d’une paille dans la bouche entre la gencive et la joue.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est la réponse thérapeutique, définie comme la cessation de la crise endéans les dix minutes après l’administration du médicament sans qu’une dépression respiratoire ne survienne ni que la crise ne récidive endéans la première heure. Une dépression respiratoire est définie comme une chute de la saturation ou la nécessité d’une assistance respiratoire. Des crises persistantes au-delà de dix minutes sont traitées avec du lorazépam intraveineux. L’analyse se fait par protocole et avec une régression logistique.

Résultats

Il y a davantage de réponses thérapeutiques dans le groupe traité par midazolam buccal (56%) en comparaison avec le diazépam rectal (27%) : OR 4,1; IC à 95% de 2,2 à 7,6; p<0,001. En ne tenant compte que des premiers épisodes, les résultats sont semblables. Les enfants traités par midazolam oral ont cessé de convulser plus rapidement, ont nécessité moins de recours au lorazépam et ont eu moins souvent de crise récidivant endéans l’heure suivant la première crise. L’incidence de dépression respiratoire est équivalente dans les deux groupes (5,5%).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le midazolam buccal est plus efficace que le diazépam rectal pour les enfants qui se présentent aux urgences avec une crise tonico-clonique prolongée. Le risque de dépression respiratoire n’est pas majoré avec ce traitement.

Financement

SEARCH, Derbyshire Children’s Research Fund et Alder Hey Children’s Hospital Research Fund.

Conflits d’intérêt

Aucun n’est mentionné.

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette étude comporte un biais important : l’hétérogénéité de la population étudiée. Des enfants présentant une première crise tonico-clonique sont associés à des petits patients épileptiques chroniques. L’analyse porte sur des « épisodes », ce qui implique qu’un même patient peut être inclus plusieurs fois. La durée des convulsions et le médicament déjà administré avant l’arrivée à l’hôpital sont également fort variables. L’administration buccale du médicament introduit aussi un biais important. Il n’y a pas eu de contrôle sur l’administration et l’absorption du midazolam de sorte que les doses administrées ne sont probablement pas toujours comparables. La randomisation s’est faite en blocs et comme l’administration se fait par des voies différentes, les soignants peuvent savoir dans quel groupe les enfants sont répartis. Toutes ces formes de biais ont pu avoir une influence sur l’efficacité mesurée. Ces différentes insuffisances méthodologiques sont inévitables selon les auteurs, en raison du caractère urgent de l’affection. Il est, en effet, très difficile de faire, lors de l’arrivée, une distinction entre les différentes présentations de convulsions. Savoir si l’enfant a déjà été admis précédemment, randomiser le traitement par enfant inclus, débuter le traitement tant buccal que rectal (dont un placebo) et en plus calculer individuellement la dose à administrer à chaque enfant, auraient occasionné un délai inacceptable de mise en route du traitement.

Indication : état de mal épileptique

La durée de la crise avant l’instauration du médicament évalué dans cette étude, est de 41 minutes dans le groupe diazépam et de 30 minutes dans le groupe midazolam. De plus, près de la moitié des patients (57% dans le groupe diazépam et 48% dans le groupe midazolam) sont déjà traités par anti-épileptiques. Cette étude concerne donc des enfants en état de mal épileptique, qui, pour plus de la moitié des cas, survient sur une épilepsie qui n’est plus contrôlée par le traitement. L’incidence de l’épilepsie est 1,5% chez les enfants et près de 10 à 20% des enfants épileptiques présentent des crises sous traitement 1. La plupart des convulsions disparaissent rapidement, sans médication, mais le risque que le médecin traitant soit confronté avec un enfant en état de mal épileptique (d’une durée supérieure à cinq minutes) est réel. Le traitement urgent réduit non seulement la durée de la crise, mais diminue également la morbidité et la mortalité 2 .

Alternative au diazépam rectal ?

Comme la plupart des épisodes d’état de mal épileptique débutent en dehors de l’hôpital, il est important que les parents et les soignants disposent d’un traitement rapide, simple, sûr et efficace. Une alternative valable au traitement intraveineux est l’administration rectale de diazépam, mais certaines études ont montré une rechute rapide fréquente 3 ainsi qu’un risque de dépression respiratoire 4. L’administration rectale rencontre par ailleurs un certain nombre de tabous sociaux. De là, l’intérêt pour d’autres formes d’administration transmuqueuse de benzodiazépines. D’autres études ont déjà comparé l’administration « buccale » de midazolam avec une administration rectale de diazépam et ont montré un meilleur résultat pour le midazolam (environ 80% pour le midazolam buccal versus 60% pour le diazépam rectal) 5,6. Le pourcentage plus élevé de succès thérapeutiques pour les deux traitements est probablement lié au fait que ces études ont été exécutées en dehors de l’hôpital. En effet, les enfants qui ont déjà été traités avec succès en dehors de l’hôpital avec du diazépam rectal, ne sont pas admis aux urgences dans cette étude. Il est possible aussi que la définition adoptée pour un succès thérapeutique influence positivement les résultats de cette étude pré hospitalière. Le fait que la dose doive être répétée n’est en effet pas considéré comme un échec thérapeutique. L’administration intranasale de midazolam versus diazépam rectal a également donné de meilleurs résultats dans une autre étude 7

Sécurité

L’incidence de dépression respiratoire avec le diazépam rectal observé dans différentes études est fort variable et les études comparant midazolam intranasal ou buccal sont trop petites pour mettre en évidence une éventuelle différence significative pour les effets indésirables. L’incidence de dépression respiratoire est également de 5% avec le midazolam. Une administration orale comporte aussi d’autres risques chez des patients inconscients. L’absence de réflexe de déglutition peut entraîner une aspiration et une majoration de l’hypoxie. En outre l’ouverture de la bouche est difficile lors d’une crise tonico-clonique, ce qui pourrait poser la question de la praticabilité de ce mode d’administration en première ligne.

 

Conclusion

Cette étude montre qu’une administration de midazolam « buccal » dans un service d’urgence est une alternative efficace et sûre par rapport à celle de diazépam rectal, pour une crise tonico-clonique persistante chez un enfant. Des insuffisances méthodologiques peuvent certes influencer ces résultats. De plus, les enfants inclus ne sont pas représentatifs d’une population de première ligne (la médiane de durée des convulsions est de 30 à 40 minutes et un tiers des enfants a déjà été traité par diazépam intrarectal en dehors de l’hôpital). Les données concernant la sécurité sont encore insuffisantes. De plus grandes études réalisées en dehors de l’hôpital sont nécessaires pour déterminer la place de l’administration du midazolam « buccal » dans le traitement de l’état de mal épileptique en première ligne de soins.

 

Références

  1. Johnston MV. Seizures in childhood. In: Behrman RE, editor. Nelson textbook of pediatrics. Philadephia: W.B. Saunders, 2004:1994-2009.
  2. Lowenstein DH. Status epilepticus: an overview of the clinical problem. Epilepsia 1999;40(Suppl 1):S3-S8.
  3. Dieckmann RA. Rectal diazepam for prehospital pediatric status epilepticus. Ann Emerg Med 1994;23:216-24.
  4. Norris E, Marzouk O, Nunn A et al. Respiratory depression in children receiving diazepam for acute seizures: a prospective study. Dev Med Child Neurol 1999;41:340-3.
  5. Scott RC, Besag FM, Neville BG. Buccal midazolam and rectal diazepam for treatment of prolonged seizures in childhood and adolescence: a randomised trial. Lancet 1999;353:623-6.
  6. Camfield PR. Buccal midazolam and rectal diazepam for treatment of prolonged seizures in childhood and adolescence: a randomised trial. J Pediatr 1999;135:398-9.
  7. Fisgin T, Gurer Y, Tezic T et al. Effects of intranasal midazolam and rectal diazepam on acute convulsions in children: prospective randomized study. J Child Neurol 2002;17:123-6.
Midazolam buccal versus diazépam rectal pour traiter les convulsions chez les enfants

Auteurs

De Jaeger A.
Dienst Intensieve Zorgen bij Kinderen, UZ Gent
COI :

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

Glossaire

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