Revue d'Evidence-Based Medicine



Pimécrolimus et tacrolimus pour la dermatite atopique



Minerva 2006 Volume 5 Numéro 8 Page 126 - 128

Professions de santé


Analyse de
Ashcroft DM, Dimmock P, Garside R et al. Efficacy and tolerability of topical pimecrolimus and tacrolimus in the treatment of atopic dermatitis: meta-analysis of randomised controlled trials. BMJ 2005;330:516-24.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité d’un traitement local par pimécrolimus ou tacrolimus versus corticostéroïdes chez des patients présentant une dermatite atopique?


Conclusion
Cette méta-analyse montre, à court terme (trois semaines) une meilleure efficacité du tacrolimus à 0,03% et à 0,1% versus corticostéroïdes topiques faibles dans le traitement de la dermatite atopique. Seul le tacrolimus à 0,1% est aussi efficace que des corticostéroïdes puissants. Nous ne disposons pas d’études en cas de dermatite atopique corticorésistante, d’études à long terme (> 12 mois), avec des critères de jugement cliniquement pertinents tels que rechute, qualité de vie, effets indésirables (dont l’atrophie cutanée et le cancer de la peau), et évaluant le coût de ce traitement.


 

Résumé

Contexte

Pour atténuer les poussées aiguës de dermatite atopique, en complément d’un traitement chronique par émollients, des corticostéroïdes topiques sont souvent utilisés de manière intermittente. En raison d’un risque d’effets indésirables locaux et systémiques (tels qu’une atrophie cutanée et une insuffisance surrénalienne), des alternatives sont recherchées aux corticostéroïdes locaux. Le pimécrolimus et le tacrolimus appartiennent à une nouvelle classe d’immunomodulateurs topiques.

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

Medline, Embase et la Cochrane Library. Les auteurs ont également consulté les listes de références des publications, les sites web de l’EMEA (European Agency for the Evaluation of Medicinal Products) et de l’U.S. Food and Drug Administration (FDA).

 

Etudes sélectionnées

Sont incluses, les études randomisées, contrôlées, évaluant l’efficacité et/ou la sécurité de l’administration d’une dose thérapeutique de pimécrolimus ou de tacrolimus versus placebo ou versus autre traitement actif chez des patients présentant un eczéma atopique. Finalement 25 études incluant un total de 6 897 patients ont été sélectionnées.

 

Population étudiée

Onze études (2 688 patients au total) évaluant le pimécrolimus ont inclus 437 bébés (<2 ans), 1 222 enfants (2 à 16 ans) et 1 029 adultes (>16 ans) atteints d’eczéma atopique de sévérité variable. Quatorze études (4 209 patients au total) évaluant le tacrolimus ont inclus 1 497 enfants (2 à 16 ans) et 2 712 adultes (>16 ans) présentant un eczéma atopique modéré à sévère. Une étude évaluant pimécrolimus et tacrolimus a inclus 141 enfants souffrant d’un eczéma atopique modéré.

 

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est le degré d’amélioration. Pour les études concernant le pimécrolimus, l’évaluation porte sur le nombre de patients chez lesquels, suivant l’examinateur, les lésions avaient (pratiquement) disparu. Pour les études avec le tacrolimus, elle concerne le nombre de patients avec une amélioration de 90% (définie comme disparition ou guérison importante) suivant le médecin traitant. Les critères secondaires sont le degré d’amélioration suivant le patient, le nombre de patients avec une poussée d’eczéma atopique, l’amélioration de la qualité de vie, la tolérance (sortie d’étude globale, sortie d’étude en raison d’effets indésirables, nombre de patients avec une irritation ou une infection cutanée).

Résultats

Les résultats comparatifs versus placebo et corticostéroïdes sont donnés dans les tableaux 1 et 2. Aucune différence n’est observée dans les sorties d’étude en raison d’effets indésirables, entre pimécrolimus et tacrolimus d’une part, et corticostéroïdes topiques d’autre part. Le pimécrolimus comme le tacrolimus provoquent davantage d’irritations cutanées que les corticostéroïdes topiques. Aucune différence n’est montrée en termes de nombre d’infections cutanées entre pimécrolimus et tacrolimus d’un côté, et placebo ou corticostéroïdes locaux de l’autre.

 

Tableau 1: Comparaisons entre pimécrolimus et tacrolimus versus placebo pour le critère de jugement primaire.  

 

Evaluation après

Nombre d’études

Rapport de proportion

(IC à 95%)

Pimécrolimus 1%

3 semaines

5

2,72 (1,84 à 4,03)

 

6 semaines

3

2,03 (1,50 à 2,74)

 

6 mois

1

1,46 (0,98 à 2,19)

 

Tacrolimus 0,03%

3 semaines

1

2,13 (1,24 à 3,68)

 

12 semaines

3

4,50 (2,91 à 6,96)

 

Tacrolimus 0,1%

3 semaines

1

1,57 (0,88 à 2,81)

 

12 semaines

3

5,62 (3,67 à 8,61)

 

Tableau 2: Comparaisons pimécrolimus et tacrolimus versus corticostéroïdes topiques, pimécrolimus versus tacrolimus et tacrolimus à 0,03% versus tacrolimus à 0,1% pour le critère de jugement primaire. 

 

Comparé à

Evaluation après

Nombre d’études

Rapport de pro-portion (IC à 95%)

Pimécrolimus 1%

Bétaméthasone valérate 0,1%

3 semaines

1

0,22

(0,09 à 0,54)

 

Tacrolimus 0,03%

Hydrocortisone acétate 1%

3 semaines

2

2,56

(1,95 à 3,36)

 

Hydrocortisone butyrate 0,1%

3 semaines

1

0,73

(0,58 à 0,92)

 

Tacrolimus 0,1%

Hydrocortisone acétate 1%

3 semaines

1

3,05

(2,12 à 4,40)

 

Hydrocortisone butyrate 0,1%

3 semaines

1

0,95

(0,78 à 1,17)

 

Hydrocortisone acétate 1% (visage + cou) et hydrocortisone butyrate 0,1% (tronc + membres)

12 semaines

1

1,67

(1,41 à 1,98)

 

Pimécrolimus 1%

Tacrolimus 0,03%

6 semaines

1

0,71

(0,45 à 1,12)

 

Tacrolimus 0,03%

Tacrolimus 0,1%

3 semaines

3

0,89

(0.67 à 1,19)

 

Tacrolimus 0,1%

12 semaines

3

0,80

(0,65 à 0,99)

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le pimécrolimus et le tacrolimus sont plus efficaces que le placebo, mais qu’en raison de l’absence d’études à long terme, leur plus-value par rapport aux corticostéroïdes locaux n’est pas claire. Le tacrolimus est aussi efficace que des corticostéroïdes topiques puissants et peut, de ce fait, être utile pour le traitement au long terme de formes résistantes de dermatite atopique ou à des endroits sensibles aux effets indésirables des corticostéroïdes topiques. Vu l’absence de comparaison avec des corticostéroïdes faibles, l’utilité clinique du pimécrolimus reste imprécise. L’utilité du tacrolimus et du pimécrolimus en cas d’échec des corticostéroïdes topiques est également incertaine.

Financement

Deux auteurs sont sponsorisés par le NHS Health Technology Assessment Programme.

 

Conflits d’intérêt

Aucun n’est mentionné.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs ont réalisé une recherche approfondie et bien définie. La sélection des études, l’évaluation de leur qualité méthodologique avec le score de Jadad et les extractions de données ont été réalisées indépendamment par deux chercheurs. Quatre des 25 études incluses ont un score de Jadad inférieur à 3 points sur 5. Les études analysées sont, de plus, fort hétérogènes et varient fortement quant au nombre de patients inclus (de 30 à 968), à l’âge des patients inclus (enfants, adolescents, adultes), à la sévérité de l’eczéma atopique (léger à modéré, modéré à sévère), au choix du traitement, à la durée d’étude (d’une semaine à douze mois) et aux critères de jugement choisis. Le procédé d’évaluation de l’évolution de la dermatite atopique en cours d’étude est également variable. L’absence d’un instrument de mesure fiable est un problème bien connu dans les études évaluant un traitement de la dermatite atopique 1. C’est le «Investigators’ (Physicians’) Global Assessment (Evaluation)» qui est généralement utilisé dans les études pour évaluer le degré d’amélioration; c’est également le choix fait par les auteurs de cette méta-analyse comme critère de jugement primaire d’efficacité. La validité, la fiabilité et la sensibilité de cette échelle subjective fait cependant encore l’objet de discussions. Le motif du non choix de l’Eczema Area and Severity Index est une échelle composite pour l’évaluation de la sévérité d’un eczéma (atopique). Le grade d’érythème, d’induration, de suintement, de lichénification et le pourcentage de zones cor-porelles atteintes sont totalisés. L’évaluation est faite par l’examinateur sur un score maximal de 72.">échelle EASI (Eczema Area and Severity Index), utilisée dans 15 études sur les 25, n’est pas mentionné. Enfin, la qualité de vie n’est pas évaluée.

Plus efficaces que les corticostéroïdes topiques?

Cette méta-analyse montre que le tacrolimus à 0,1% est plus efficace que des corticostéroïdes faibles et aussi efficace que des corticostéroïdes puissants. Le tacrolimus à 0,03% montre une plus grande efficacité uniquement par rapport aux corticostéroïdes faibles. Cette observation semble confirmer la place du tacrolimus dans le traitement de la dermatite atopique du visage et pour la dermatite atopique résistante (aux corticostéroïdes topiques). Un bénéfice du tacrolimus dans ce dernier sous-groupe de patients avec dermatite atopique résistante au traitement n’a cependant pas été évalué. La signification clinique d’une «amélioration subjective» n’est également pas claire. Le pimécrolimus n’a pas été comparé avec des corticostéroïdes faibles et se montre moins efficace que des corticostéroïdes puissants. La place de ce produit est donc totalement imprécise, malgré des indications, dans sa notice, identiques à celle du tacrolimus.

Sécurité

La raison principale de recherche d’alternatives aux corticostéroïdes pour le traitement de la dermatite atopique est leur association avec une atrophie cutanée et avec une inhibition corticosurrénalienne. A ce jour, il n’y a cependant pas d’indications qu’un usage intermittent de corticostéroïdes topiques pour une dermatite atopique puisse entraîner une atrophie cutanée (persistante) 2. Les effets indésirables systémiques, tels que l’insuffisance corticosurrénalienne et le retard de croissance chez l’enfant, ne se manifestent également pas quand un plan stratégique est respecté dans la pratique 3. L’atrophie cutanée et l’insuffisance surrénalienne n’étaient pas des critères pour cette étude, non envisageables également au vu de la courte durée des recherches effectuées. Une récente étude prospective non randomisée ne montre pas, après un an de traitement, d’amincissement cutané ni de diminution de la synthèse de collagène chez des patients traités par tacrolimus à 0,1%, ni chez ceux traités par corticostéroïdes topiques 4. Différents modèles animaux ont montré que le pimécrolimus et le tacrolimus augmentent la carcinogenèse. En outre, quelques rares cas de lymphomes, cancers cutanés et autres affections malignes ont été signalés chez quelques patients recourant à des inhibiteurs de la calcineurine utilisés localement. Une surveillance, à long terme, de la carcinogenèse a, depuis lors, été initiée 5,6. En attendant ces futures données et sur avis de l’EMEA et de la FDA, les firmes concernées ont restreint fortement l’utilisation du pimécrolimus et du tacrolimus: «non indiqué pour les enfants de moins de deux ans, pour les enfants ou adultes immunodéprimés, uniquement pour la dermatite atopique résistante au traitement, uniquement à l’initiative de médecins possédant une expérience dans le diagnostic et le traitement de la dermatite atopique». En Belgique, seul le dermatologue peut initier un traitement au pimécrolimus ou au tacrolimus. Dans la pratique cependant, la majorité des cas de dermatite atopique sont traités par le médecin généraliste et seuls 7% des cas sont référés au spécialiste 6.  

 

Conclusion

Cette méta-analyse montre, à court terme (trois semaines) une meilleure efficacité du tacrolimus à 0,03% et à 0,1% versus corticostéroïdes topiques faibles dans le traitement de la dermatite atopique. Seul le tacrolimus à 0,1% est aussi efficace que des corticostéroïdes puissants. Nous ne disposons pas d’études en cas de dermatite atopique corticorésistante, d’études à long terme (> 12 mois), avec des critères de jugement cliniquement pertinents tels que rechute, qualité de vie, effets indésirables (dont l’atrophie cutanée et le cancer de la peau), et évaluant le coût de ce traitement.

 

Références

  1. Charman C, Chambers C, Williams H. Measuring atopic dermatitis severity in randomized controlled clinical trials: what exactly are we measuring? J Invest Dermatol 2003;120:932-41.
  2. Smethurst D, Macfarlane S. Atopic Eczema. Clin Evid 2006; web page.
  3. Cleveringa JP, van Embden Andres JH, Meijer JS et al. NHG-standaard Constitutioneel Eczeem. Huisarts Wet 1994;37:33-6.
  4. Kyllonen H, Remitz A, Mandelin JM et al. Effects of 1-year intermittent treatment with topical tacrolimus monotherapy on skin collagen synthesis in patients with atopic dermatitis. Br J Dermatol 2004;150:1174-81.
  5. Berger TG, Duvic M, Van Voorhees AS et al. The use of topical calcineurin inhibitors in dermatology: safety concerns. Report of the American academy of Dermatology Association Task Force. J Am Acad Dermatol 2006;54:818-23.
  6. http://www.emea.eu.int et http://www.fda.gov
  7. Lamberts H. In het huis van de huisarts. Verslag van het Transitieproject. Lelystad: Meditekst, 1991.

 

Noms de marque

Tacrolimus: Protopic®

Pimecrolimus: Elidel®

Betamethasonvaleraat 0,1%: BetnelanV®, Topik®

Hydrocortisonebutyraat: niet verkrijgbaar in België

Hydrocortisonacetaat 1%: Nozema®, Pannocort®

Pimécrolimus et tacrolimus pour la dermatite atopique

Auteurs

Morren M.A.
Dienst Dermatologie, Universitair Ziekenhuis Leuven
COI :

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

Glossaire

Code





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