Revue d'Evidence-Based Medicine



Les infiltrations de corticostéroïdes efficaces pour la gonarthrose?



Minerva 2006 Volume 5 Numéro 4 Page 56 - 57

Professions de santé


Analyse de
Arroll B, Goodyear-Smith F. Corticosteroid injections for osteoarthritis of the knee: meta-analysis. BMJ 2004;328:869-73.


Question clinique
Quelle est l’efficacité d’infiltrations intra-articulaires de corticostéroïdes, versus placebo, chez des patients se plaignant de gonarthrose?


Conclusion
Cette méta-analyse reprenant des études à petite échelle et cliniquement fort hétérogènes, montre que des infiltrations intra-articulaires de corticostéroïdes améliorent, durant une semaine, la douleur de patients souffrant de gonarthrose. Les preuves d’efficacité à long terme sont insuffisantes. Les données de sécurité sont absentes. Sur base des preuves actuellement disponibles, il n’existe pas de place pour des infiltrations de corticostéroïdes en cas de gonarthrose, en première ligne de soins.


 

Résumé

Contexte

Les infiltrations intra-articulaires de corticostéroïdes sont fréquemment utilisées pour traiter la gonarthrose. Certaines études montrent un effet positif transitoire en termes de soulagement de la douleur et de capacités fonctionnelles au quotidien.

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse.

Sources consultées

Cochrane Library, Medline et Embase, consultation des chercheurs et des listes de référence des études.

Etudes sélectionnées

Sont incluses, les études randomisées, contrôlées versus placebo, évaluant l’efficacité des infiltrations intra-articulaires en cas de gonarthrose. Parmi 41 articles, 10 RCTs sont sélectionnées. L’étude la plus ancienne date de 1958 et la plus récente de 2003. Quatre études présentent un score de Jadad de 5 points, cinq un score de 3 et une un score d’1 point.

Population étudiée

L’âge des patients varie de 60 à 70 ans et la majorité des études incluent davantage de femmes. La gonarthrose est présente depuis deux à dix ans.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est l’amélioration des symptômes et le critère secondaire est la douleur sur une échelle visuelle analogique de 100mm, sommée en modèle d’effet fixe. Une étude de sensibilité prend en compte la qualité des études, la dose de médicament, l’expérience de la personne réalisant l’infiltration et la sévérité de la gonarthrose.

Résultats

Six études mentionnent l’amélioration des symptômes après deux semaines; la sommation de leurs résultats montre une efficacité significative des infiltrations avec des corticostéroïdes: RR 1,66; IC à 95% de 1,37 à 2,01. Une analyse de sensibilité des études statistiquement significatives arrive à un NST entre 1,3 et 3,5 pour ce critère. La sommation des résultats de deux études à long terme montre une amélioration des symptômes après 16-24 semaines: RR 2,09; IC à 95% de 1,20 à 3,65; NST de 4,4. Cinq études évaluent l’efficacité sur la douleur au moyen d’une échelle visuelle analogique de 100mm (EVA). La sommation de leurs résultats montre une réduction significative de la douleur sur l’EVA en faveur des infiltrations avec des corticostéroïdes: différence moyenne pondérée de -16,47; IC à 95% de -22,92 à -10,03. Les effets indésirables observés se limitent à une rougeur et à une gêne temporaires.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que les infiltrations intra-articulaires de corticostéroïdes améliorent, à court terme (deux semaines) les symptômes de la gonarthrose. Deux études méthodologiquement bien réalisées montrent une amélioration significative à long terme (16 à 24 semaines). Pour obtenir cette efficacité à long terme, une dose équivalente à 50mg de prednisone est probablement nécessaire.

Financement

New Zealand Accident Rehabilitation and Compensation Insurance Corporation.

Conflits d’intérêt

Aucun n’est mentionné.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs effectuent une recherche systématique bien définie. Ils attirent cependant l’attention, dans leur discussion, sur la possibilité d’un biais de publication. La sélection des études, l’évaluation de leur qualité méthodologique et l’extraction des données sont effectuées par deux chercheurs indépendamment l’un de l’autre. Pour évaluer la qualité méthodologique, ils ont recours au aveugle et la mention des drop-outs (sorties d’études) et des withdrawals (arrêts de traitements). Un point est attribué pour la présence de chacun des critères. Un point supplémentaire est ajouté ou retranché selon que, séparément, la randomisation et l’insu sont corrects ou non corrects. Sur 5 points possibles, un score inférieur à 3 indique une qualité insuffisante. Le score de Jadad est modifié en ajoutant d'autres critères: mention des effets indisérables, description des analyses statistiques, mention des critères d'éligibilité.">score de Jadad, validé. Le score des études incluses varie de 2 à 5 (sur 5), 4 études sur 10 seulement étant effectuées en double aveugle. Les caractéristiques les plus importantes des études sont reprises dans des tableaux. Nous pouvons y constater qu’il s’agit d’études effectuées à l’hôpital, de petite échelle, reprenant des critères cliniques et radiologiques de gonarthrose différents, des types et des doses de corticostéroïdes infiltrés également différents et des critères de jugement fort variables. Malgré cette importante hétérogénéité clinique, les chercheurs tentent de sommer les résultats dans un critère amélioration des symptômes.

Interprétation des résultats

Seules trois des six études dont les résultats sont sommés montrent une amélioration significative des symptômes. Le critère de jugement pourrait donc être fort patient-dépendant comme les auteurs le suggèrent mais la signification de cet effet global n’est, en aucun cas, nette. Que signifie, dans deux études, amélioration subjective d’une part et amélioration générale d’autre part? Dans une autre étude, amélioration signifie une diminution de la douleur de 30% sur une EVA par rapport aux valeurs initiales. Le critère amélioration des symptômes peut donc être interprété de multiples façons pour rendre compte de l’efficacité réelle des infiltrations de corticostéroïdes en termes de gonalgies et de capacités fonctionnelles du genou. La pertinence clinique d’une différence significative, dans la réduction de la douleur, de 16 sur 100mm de l’EVA, uniquement après une semaine, n’est également pas franche. Ce critère n’est significatif que dans trois des cinq études sommées et une seule de ces études est en double aveugle. L’efficacité en termes de capacités fonctionnelles n’est pas examinée dans cette méta-analyse. Dans une récente synthèse Cochrane, une différence statistiquement significative est observée entre groupe intervention et groupe contrôle pour ces capacités fonctionnelles à court terme (1 à 6 semaines) 1. Une seule étude 2 évalue l’efficacité des infiltrations avec des corticostéroïdes (40 mg de triamcinolone versus placebo tous les trois mois) durant deux ans, chez 33 patients. Aucune différence n’est observée ni sur la douleur au score WOMAC, ni sur la douleur nocturne, à un an et à deux ans. Pas d’amélioration non plus sur l’ankylose ni sur les capacités fonctionnelles au score WOMAC, ni sur l’évaluation radiologique de l’espace articulaire 2. En raison de l’absence d’études comparatives directes, aucune conclusion ne peut être tirée concernant une différence d’efficacité entre les corticostéroïdes intra-articulaires. Il n’existe pas non plus de lien entre dose et réponse, ni d’études comparatives entre infiltrations intra-articulaires de corticostéroïdes versus AINS locaux ou paracétamol ou AINS per os 1.

Le NHG-Standaard

Le NHG-Standaard écrit: «En cas d’aggravation passagère ou de soulagement insuffisant de la douleur par les mesures générales et les analgésiques, une infiltration intra-articulaire avec un glucocorticoïde peut être envisagée, par exemple avec de l’acétonide de triamcinolone à la dose de 20 à 40 mg par injection et en préservant un intervalle de un à trois mois en cas d’infiltrations multiples. L’efficacité peut être maintenue jusqu’à six semaines» 3. Ces auteurs se basent surtout sur une étude de Friedman, en double aveugle, contrôlée versus placebo, qui évalue l’efficacité d’une infiltration d’acétonide de triamcinolone chez 34 patients seulement 4. La réduction de la douleur mesurée sur une échelle de 0 à 10 y est significativement plus importante dans le groupe intervention après une semaine mais ce bénéfice disparaît à quatre semaines. Une déviation standard n’est pas donnée pour ce critère, ce qui a conduit à sa non inclusion dans la synthèse Cochrane. De plus, aucune différence n’est observée pour le nombre de patients signalant une réduction de la douleur. D’autres études confirment la non pertinence d’une efficacité. Les auteurs du NHG-Standaard affirment que la technique d’infiltration intra-articulaire de corticostéroïdes est d’application simple, ne provoquant que peu d’effets indésirables significatifs, aussi bien à court qu’à long termes. Toutes les études actuellement publiées ne concernent qu’une population trop limitée pour mettre en évidence des complications locales (érythème cutané, synovite, atrophie des tissus, liponécrose, calcification, destruction du cartilage, sepsis, nécrose vasculaire, hématome) ou générales (rétention hydrique, hyperglycémie, hypertension) liées à des infiltrations intra-articulaires de corticostéroïdes. Il faut également tenir compte du fait que toutes les infiltrations ont été réalisées par des rhumatologues «expérimentés» avec ou sans l’aide d’imagerie. Il faudrait donc plutôt déconseiller la pratique d’infiltrations intra-articulaires pour de la gonarthrose en première ligne de soins.

 

Conclusion

Cette méta-analyse reprenant des études à petite échelle et cliniquement fort hétérogènes, montre que des infiltrations intra-articulaires de corticostéroïdes améliorent, durant une semaine, la douleur de patients souffrant de gonarthrose. Les preuves d’efficacité à long terme sont insuffisantes. Les données de sécurité sont absentes. Sur base des preuves actuellement disponibles, il n’existe pas de place pour des infiltrations de corticostéroïdes en cas de gonarthrose, en première ligne de soins.

 

Références

  1. Bellamy N, Campbell J, Robinson V et al. Intraarticular corticosteroid for treatment of osteoarthritis of the knee. Cochrane Database Syst Rev 2005, Issue 2.
  2. Raynauld JP, Buckland-Wright C, Ward R et al. Safety and efficacy of long-term intraarticular steroid injections in osteoarthritis of the knee. Arthritis Rheum 2003;48:370-7.
  3. Bijl D, Dirven-Meijer PC, Opstelten W et al. NHG-Standaard Niet-traumatische knieproblemen bij volwassenen. Huisarts Wet 1998;41:344-50.
  4. Friedman DM, Moore ME. The efficacy of intraarticular steroids in osteoarthritis: a double-blind study. J Rheumatol 1980;7:850-6.
Les infiltrations de corticostéroïdes efficaces pour la gonarthrose?

Auteurs

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

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