Revue d'Evidence-Based Medicine



Que penser de l’ajout d’un inhibiteur de la catéchol-O-méthyltransférase (ICOMT), d’un inhibiteur de la monoamine oxydase B (IMAO-B) ou d’un agoniste de la dopamine au traitement peroral existant par lévodopa, en cas de contrôle insuffisant de la mal



Minerva 2023 Volume 22 Numéro 10 Page 221 - 224

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien

Analyse de
Gray R, Patel S, Ives N, et al. Long-term effectiveness of adjuvant treatment with catechol-O-methyltransferase or monoamine oxidase B inhibitors compared with dopamine agonists among patients with Parkinson disease uncontrolled by levodopa therapy: the PD MED randomized clinical trial. JAMA Neurol 2022;79:131-40. DOI: 10.1001/jamaneurol.2021.4736


Question clinique
Quel est l’effet des agonistes de la dopamine, par comparaison avec les inhibiteurs de la catéchol-O-méthyltransférase (ICOMT) ou avec les inhibiteurs de la monoamine oxydase B (IMAO-B), comme traitement ajouté à la lévodopa chez les patients atteints de la maladie de Parkinson ?


Conclusion
Cette étude randomisée contrôlée pragmatique ouverte multicentrique avec une conception semi-factorielle montre que les IMAO-B en tant que traitement peroral supplémentaire ont un meilleur effet que les ICOMT (seul l'entacapon a été utilisé dans cette étude) sur les fonctions motrices chez les parkinsoniens sous lévodopa. Il convient de noter que les effets indésirables sont souvent beaucoup plus graves avec les IMAO-B qu’avec les ICOMT. La prudence est de rigueur avec les agonistes dopaminergiques et avec les IMAO-B, en particulier chez les personnes âgées.


Contexte

Les guides de pratique actuels soutiennent la lévodopa comme traitement symptomatique initial de la maladie de Parkinson (1). Son utilisation prolongée à des doses élevées peut provoquer des complications motrices, comme une « atténuation » (augmentation de la raideur et/ou de la lenteur avant la dose suivante), des dyskinésies (mouvements involontaires anormaux après la prise de lévodopa) et phénomène « on-off » (épisodes imprévisibles de raideur soudaine et/ou de paresse (épisodes « off ») et de fonction motrice normale ou des dyskinésies (épisodes « on ») indépendamment du moment de la prise du médicament) (1). Le traitement de ces complications motrices peut consister à augmenter/diminuer la dose de lévodopa, à fractionner davantage le médicament (en le prenant à intervalles plus rapprochés) et à débuter un traitement per os supplémentaire (1). Ce dernier peut être un agoniste de la dopamine, un inhibiteur de la monoamine oxydase B (IMAO-B) ou un inhibiteur de la catéchol-O-méthyltransférase (ICOMT) (1). En 2011, Minerva a traité d’une synthèse méthodique d’études randomisées contrôlées par placebo montrant l’efficacité des différentes classes pharmacologiques (agonistes dopaminergiques, ICOMT et IMAO-B) ajoutés à la lévodopa chez des patients atteints de la maladie de Parkinson et souffrant de complications motrices (2,3). Une comparaison indirecte entre les classes pharmacologiques suggère que les agonistes dopaminergiques ont plus d’effet, mais qu’ils provoquent davantage d’effets indésirables (2,3). À ce jour, aucune étude comparative n’a été menée avec les différentes classes pharmacologiques (4).

 

 

Résumé

Population étudiée

  • recrutement dans 62 cliniques de neurologie et de gériatrie en Angleterre, en Écosse, au Pays de Galles, en République Tchèque et en Russie
  • critères d’inclusion : maladie de Parkinson idiopathique, diagnostiquée par un spécialiste des troubles du mouvement sur la base des critères de la banque de cerveaux du Royaume-Uni (UK Brain Bank) ; complications motrices insuffisamment contrôlées avec la lévodopa en monothérapie ou associée à un agoniste de la dopamine ou à un IMAO-B ; nécessité d’un médicament supplémentaire
  • critères d’exclusion : démence (évaluée par l’équipe médicale), incapacité à donner un consentement éclairé ou à remplir des questionnaires
  • finalement, inclusion de 500 participants ayant en moyenne 73 ans (ET 8,2 ans), 62,8% étant de sexe masculin.

 

Protocole de l’étude

Étude randomisée multicentrique, contrôlée, pragmatique, menée en ouvert avec une conception semi-factorielle (2 x 1)

  • randomisation selon un rapport de 1/1/1 dans 3 groupes d’étude : ICOMT (n = 134), IMAO-B (n = 134) ou agoniste de la dopamine (n = 130) comme traitement supplémentaire (en plus de la lévodopa) 
  • conception semi-factorielle (2 x 1), les patients ayant des complications motrices sous traitement par agoniste de la dopamine ne pouvaient être randomisés que dans le groupe ICOMT ou dans le groupe IMAO-B, tandis que les patients sous traitement par IMAO-B souffrant de complications motrices ou chez qui ces médicaments étaient jugés contre-indiqués ne pouvaient être randomisés que dans le groupe recevant un agoniste de la dopamine ou dans le groupe recevant un ICOMT 
  • stratification en fonction du stade de la maladie sur l’échelle de Hoehn et Yahr, du temps depuis le diagnostic (< 4 ans, 4 à 6 ans, > 6 ans), du premier traitement (agoniste de la dopamine, IMAO-B, aucun des deux) et de l’âge (< 50 ans, 50 à 59 ans, 60 à 69 ans, 70 à 79 ans, ≥ 80 ans).

 

Mesure des résultats

  • principal critère de jugement : état fonctionnel mesuré à l’aide de la sous-échelle de mobilité du Questionnaire de la maladie de Parkinson (Parkinson’s disease Questionnaire, PDQ-39)
  • critères de jugement secondaires : autres sous-catégories du PDQ-39, score PDQ-39 global, stade de la maladie sur l’échelle de Hoehn et Yahr, observance, fonctions cognitives (mesurées avec le test de Folstein (Mini Mental State Examination, MMSE), apparition d’une démence, hospitalisation permanente ou entrée définitive en maison de repos et de soins, décès, qualité de vie de l’aidant proche (automesurée à l’aide du questionnaire SF-36)
  • tous les questionnaires ont été administrés aux patients et à leurs aidants proches avant la randomisation, après 6 mois, après 1 an puis chaque année ; le MMSE a été administré au départ puis tous les 5 ans ; les autres critères de jugement ont été enregistrés systématiquement lors des visites annuelles
  • analyse en intention de traiter.

 

Résultats

  • suivi médian de 4,5 ans (plage de 0 à 13,3 ans)
  • pas de différence statistiquement significative quant au principal critère de jugement ni quant aux critères de jugement secondaires entre, d’une part, le groupe recevant des agonistes dopaminergiques et, d’autre part, l’ensemble des patients du groupe recevant des IMAO-B et du groupe recevant des ICOMT
  • aucune différence statistiquement significative quant au principal critère de jugement ni quant aux critères de jugement secondaires entre le groupe recevant des agonistes dopaminergiques et le groupe recevant des IMAO-B ni entre le groupe recevant des agonistes dopaminergiques et le groupe recevant des ICOMT
  • avec les IMAO-B, par comparaison avec les ICOMT, on a observé une amélioration plus importante, et ce de manière statistiquement significative, dans la mobilité à l’échelle PDQ-39 (différence moyenne de 4,2 points avec IC à 95% de 0,4 point à 7,9 points, p = 0,03) (principal critère de jugement), ainsi que dans les activités de la vie quotidienne (différence moyenne de 4,0 points avec IC à 95% de 0,4 à 7,5 ; p = 0,03) et dans le bien-être mental (différence moyenne de 4,4 points avec IC à 95% de 1,1 à 7,6 ; p = 0,009). 

 

Conclusion des auteurs

La qualité de vie d’après l’évaluation effectuée par le patient était moins bonne avec les ICOMT qu’avec les IMAO-B ou les agonistes dopaminergiques en traitement adjuvant chez les patients atteints de la maladie de Parkinson et souffrant de complications motrices insuffisamment contrôlées par la lévodopa. Les IMAO-B entraînaient un contrôle de la maladie équivalent, ce qui pourrait suggérer qu’ils sont sous-utilisés.

 

Financement de l’étude

Cette étude a été réalisée avec des fonds octroyés par le Programme « Health Technology Assesment » du National Institute for Health Research (NIHR) du Royaume-Uni (projet numéro 98/03/02), par le Department of Health (Ministère de la Santé) du Royaume-Uni, durant le mois de mars 2012 (Clinical Trials Unit (Unité des essais cliniques) de l’Université de Birmingham, salaire de soutien de 2 auteurs), par le Medical Research Council (Conseil de la recherche médicale) du Royaume-Uni et par le Parkinson’s UK pour 2 autres auteurs.

 

Conflits d’intérêt des auteurs

La plupart des auteurs mentionnent avoir reçu diverses bourses universitaires. Quelques auteurs ont reçu une compensation de la part de sociétés pharmaceutiques pour leur participation à un congrès. Pour une liste complète, voir l’article original.

 

 

Discussion

Évaluation de la méthodologie
La conception pragmatique de cette étude a permis l’inclusion d’un grand nombre de patients. Le fait de ne pas exclure les patients qui avaient déjà reçu un traitement complémentaire permet une représentation réaliste de la pratique quotidienne. La randomisation a été stratifiée en fonction de paramètres pertinents (y compris l’âge et l’histoire de la maladie). La conception était semi-factorielle, avec des restrictions imposées avant la randomisation en fonction de ce que les patients prenaient déjà comme médicament supplémentaire. Conformément à une conception pragmatique, les chercheurs ont été autorisés à déterminer eux-mêmes la molécule dans la classe pharmacologique attribuée et à en ajuster la posologie en fonction de la réponse et de la tolérance du patient. Comme l’étude a été menée en ouvert, un biais de performance et un biais de notification sont possibles, mais les auteurs estiment que ce risque est relativement minime parce que tous les groupes de recherche ont reçu un traitement actif et n’ont pas reçu de traitement placebo. Pour les critères de jugement, on a utilisé principalement le questionnaire PDQ-39 validé plutôt qu’une échelle « pure » classique des habiletés motrices. Ce choix permet de mieux représenter l’impact sur la vie du patient et sur son fonctionnement quotidien, mais, d'un autre côté, il est plus subjectif qu'une évaluation motrice classique. L'enregistrement de la réduction des épisodes « off » ou de l'augmentation des épisodes « on » permettrait une évaluation plus nuancée de l'amélioration de la motricité. Enfin, il faut souligner que, sur la base d’une taille d’échantillon précalculée, l’étude avait suffisamment de puissance pour montrer une différence de 6 points sur l’échelle de mobilité du PDQ-39 (critère de jugement principal). 

 

Évaluation des résultats

Comme il s’agit d’une étude pragmatique, les résultats peuvent facilement être extrapolés à la pratique de tous les jours. Les résultats montrent qu’il existe des preuves de la supériorité des IMAO-B sur les ICOMT en termes de fonction motrice. Bien qu’il s’agisse d’un résultat statistiquement significatif, la différence de 4,2 pour le critère de jugement principal (domaine de la mobilité du PDQ-39) semble être inférieure à la différence cliniquement pertinente de 6 points lors du calcul de l’échantillon. En outre, la fréquence des effets indésirables dans les différents groupes peut avoir un impact sur les scores de cette échelle de résultats rapportés par les patients. Cette étude ne met pas la sécurité en avant, mais, à cet égard, aucune différence n’a pu être montrée entre les différentes classes pharmacologiques. Ainsi, le nombre d’hospitalisations (médiane 4, écart interquartile 2-7) et l’arrêt du traitement en raison d’effets indésirables (30-38 % après 1 an, 55-58% après 5 ans) étaient semblables dans les différents groupes. Il est à noter toutefois que les effets indésirables étaient plus graves dans le groupe agonistes dopaminergiques ainsi que dans le groupe IMAO-B. Dans les deux groupes, le motif le plus fréquent de l’arrêt du traitement était l’apparition de symptômes psychiatriques tels qu’une psychose ou de la confusion. Les psychoses sont associées à une morbidité et une mortalité élevées chez les patients atteints de la maladie de Parkinson et constituent une cause fréquente d’hospitalisation (5). Dans le groupe ICOMT, les effets indésirables étaient principalement gastro-intestinaux, comme la diarrhée. Cet effet indésirable est fréquemment observé avec l’entacapone, mais s’améliore spontanément à l’arrêt du médicament (6). Il n’est pas suffisamment fait rapport du risque de dyskinésie. La dyskinésie est une complication motrice fréquente de la maladie de Parkinson, et, avec le traitement supplémentaire, elle peut s’aggraver. Une méta-analyse Cochrane a révélé que le risque de dyskinésie était plus élevé avec les agonistes dopaminergiques et avec les ICOMT qu’avec les IMAO-B (3). La survie à dix ans, le risque de démence et le pourcentage d’admissions en maison de repos et de soins sont similaires dans les différents groupes. Ces résultats ne se sont pas modifiés au cours des vingt dernières années (7). Enfin, nous constatons que, dans cette étude, l’observance est associée à l’âge ; en effet, les personnes âgées (70 ans et plus) sont plus susceptibles d’arrêter de prendre des médicaments en raison d’effets indésirables. Ceci suggère que les effets indésirables, notamment chez les personnes âgées, doivent être pris en compte lors de la détermination du traitement. 

 

Que disent les guides pour la pratique clinique ?

Les lignes directrices 2018 de la International Parkinson and Movement Disorders Society (MDS) ne traitent pas de la différence d’efficacité entre les agonistes dopaminergiques, les ICOMT et les IMAO-B en tant que thérapie d'appoint pour le traitement des complications motrices. Les agonistes de la dopamine et les ICOMT sont considérés comme cliniquement utiles pour traiter les complications motrices, mais la sélégiline, un IMAO-B, n’est pas recommandée en raison de l’insuffisance de données probantes. Il existerait de meilleures preuves de l’effet clinique des IMAO-B, tels que la rasagiline et le safinamide, et ces molécules seraient donc recommandées (8). Le Centre belge d’information pharmacothérapeutique (CBIP) propose la lévodopa comme traitement symptomatique initial de la maladie de Parkinson. Pour limiter les complications motrices de la lévodopa, il est recommandé de fractionner la dose quotidienne de lévodopa ou d’ajouter un agoniste dopaminergique, un IMAO-B ou un ICOMT. Aucune distinction n’est faite entre ces trois traitements supplémentaires (1).

 

Conclusion de Minerva

Cette étude randomisée contrôlée pragmatique ouverte multicentrique avec une conception semi-factorielle montre que les IMAO-B en tant que traitement peroral supplémentaire ont un meilleur effet que les ICOMT (seul l'entacapon a été utilisé dans cette étude) sur les fonctions motrices chez les parkinsoniens sous lévodopa. Il convient de noter que les effets indésirables sont souvent beaucoup plus graves avec les IMAO-B qu’avec les ICOMT. La prudence est de rigueur avec les agonistes dopaminergiques et avec les IMAO-B, en particulier chez les personnes âgées.

 

 


Références 

  1. Répertoire Commenté des Médicaments. Antiparkinsoniens. CBIP, novembre 2023. 
  2. Chevalier, P. Maladie de Parkinson : un adjuvant (et lequel) au lévodopa en cas d’épisodes « off » ? MinervaF 2011;10(10):127-8
  3. Stowe R, Ives N, Clarke CE, et al. Evaluation of the efficacy and safety of adjuvant treatment to levodopa therapy in Parkinson´s disease patients with motor complications. Cochrane Database Syst Rev 2010, Issue 7.  DOI: 10.1002/14651858.CD007166.pub2
  4. Gray R, Patel S, Ives N, et al. Long-term effectiveness of adjuvant treatment with catechol-O-methyltransferase or monoamine oxidase B inhibitors compared with dopamine agonists among patients with Parkinson disease uncontrolled by levodopa therapy: the PD MED randomized clinical trial. JAMA Neurol 2022;79:131-40. DOI: 10.1001/jamaneurol.2021.4736
  5. Samudra N, Patel N, Womack KB, et al. Psychosis in Parkinson disease: a review of etiology, phenomenology, and management. Drugs Aging 2016;33:855-63. DOI: 10.1007/s40266-016-0416-8
  6. Li LS, Liu CZ, Xu JD, et al. Effect of entacapone on colon motility and ion transport in a rat model of Parkinson's disease. World J Gastroenterol 2015;21:3509-18. DOI: 10.3748/wjg.v21.i12.3509
  7. Hely MA, Morris JGL, Traficante R, et al. The Sydney multicentre study of Parkinson’s disease: progression and mortality at 10 years. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1999;67:300-7. DOI: 10.1136/jnnp.67.3.300
  8. Fox SH, Katzenschlager R, Lim S-Y, et al. International Parkinson and movement disorder society evidence-based medicine review: update on treatments for the motor symptoms of Parkinson's disease. Mov Disord 2018;33:1248-66. DOI: 10.1002/mds.27372


Auteurs

De Waele S.
Dienst neurologie, Universitair Ziekenhuis Antwerpen; Translationele Neurowetenschappen, Faculteit Geneeskunde en Gezondheidswetenschappen, Universiteit Antwerpen
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.

Crosiers D.
Dienst neurologie, Universitair Ziekenhuis Antwerpen; Translationele Neurowetenschappen, Faculteit Geneeskunde en Gezondheidswetenschappen, Universiteit Antwerpen
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.

Code


G20
N87


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